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OGM – Le riz doré autorisé à la culture aux Philippines

Par Christophe NOISETTE

Publié le 23/09/2021

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Le 23 juillet 2021, le gouvernement des Philippines a autorisé la mise en culture commerciale d’un riz transgénique enrichi en vitamine A (riz doré). C’est la première fois que ce riz OGM est autorisé à la culture. Précédemment, le Canada, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande en avaient autorisé l’importation…sous réserve qu’il soit donc cultivé dans d’autres pays [1].

Le Professeur Potrykus, de l’École polytechnique fédérale de Suisse, et le Professeur Peter Beyer de l’Université de Fribourg, en Allemagne, grâce à l’argent de la Fondation Rockfeller, ont commencé des travaux sur un riz enrichi en bêta carotène, le précurseur de la vitamine A, dès 1982. En 1999, ils ont réussi à faire en sorte que le bêta-carotène soit présent dans les grains de riz après avoir ajouté par transgenèse deux gènes de jonquille (Narcissus pseudonarcissus), et un autre d’une bactérie commune du sol (Erwinia uredovora). Cette première variété ne pouvait palier les carences en vitamine A, du fait d’une teneur trop faible. Ces chercheurs se sont associés à Syngenta et à d’autres scientifiques pour mettre au point une version améliorée en ajoutant un gène provenant du maïs et de la même bactérie du sol. Résultat : une teneur en bêta-carotène vingt fois supérieure à celle de la première version. Ce riz doré a ensuite été développé par l’Institut de Recherche sur les Riz (qui dépend du ministère de l’Agriculture des Philippines) et l’Institut International de recherche sur le Riz (IRRI) pendant deux décennies [2].

L’IRRI est un des centres de recherche du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), largement subventionné par les grandes fondations « philanthropiques » (Gates, Rockefeller…) qui ont promu les révolutions vertes, « révolutions » agricoles basées notamment sur la mécanisation et les intrants. Ces révolutions vertes ont eu pour conséquence une augmentation des rendements des monocultures mécanisées dans certaines régions à fort potentiel agricole, notamment en Asie du Sud-Est. Mais elles ont aussi entraînés de nombreux impacts délétères sur l’environnement, le climat et la santé, parmi lesquels un appauvrissement de la diversité alimentaire, lequel a engendré des carences…

Ce riz doré est censé palier une carence en vitamine A, responsable de la cécité. Mais les ONG dénoncent une « fausse solution ». Greenpeace soutient par exemple qu’« en encourageant une alimentation basée sur un seul aliment plutôt que d’améliorer l’accès à des légumes riches en vitamines, le riz doré pourrait, s’il était diffusé à grande échelle, aggraver la malnutrition  ». Pour Greenpeace, il faudrait plutôt « s’attaquer aux causes [comme] la pauvreté et le manque d’accès à une alimentation diversifiée ».

D’autres enrichissements (sans nécessairement passer par la transgenèse) en vitamines ou oligoéléments (fer, zinc…) sont à l’étude et même parfois déjà diffusés dans quelques pays (Ouganda, Mozambique, Zambie, Inde…) notamment sous le vocable « d’aliments biofortifiés ». Inf’OGM s’en est fait l’écho à plusieurs reprises [3] [4] [5] [6].

La recherche sur le riz encadrée par la Fondation Gates

L’IRRI a été fondé par les deux fondations Rockfeller et Ford, en 1960. Le but était alors de mettre au point des variétés de riz à haut rendement. Le premier investisseur de l’IRRI est depuis deux décennies la Fondation Bill & Melinda Gates. Il existe des liens étroits entre la Fondation Rockefeller et la Fondation Gates. Ensemble, elles fondent l’Alliance pour la Révolution Verte en Afrique (Alliance for a Green Revolution in Africa) [7]. D’après le Seattle Times [8], la Fondation Gates a investi 100 millions de dollars et la Fondation Rockefeller 50 millions de dollars au démarrage de ce projet destiné à implanter la Révolution Verte en Afrique subsaharienne. On retrouve à la tête de cette institution, en 2006, Gary H. Toenniessen qui avait rejoint la Fondation Rockefeller dès 1971, notamment en tant que directeur en charge des questions du développement agricole.

Le secrétaire exécutif du Golden Rice Humanitarian Board est Adrian C. Dubock qui a été embauché en 1977 par l’entreprise agro-chimique ICI (Imperial Chemical Industries) et en 2001 par Syngenta comme responsable « fusion / acquisition » et « propriété industrielle » [9]. Parmi les autres membres de ce Bureau humanitaire (sic), on trouve des responsables de l’USAID (Robert Bertman), de HarvestPlus et de l’IFPRI (Howard Bouis), de l’USDA (Robert Russell), etc.

L’implication de la Fondation Gates dans le développement du riz doré a été très conséquent. Ainsi, en 2005, elle accorde à l’Université allemande Albert Ludwigs une subvention de près de 12 millions de dollars « pour améliorer la valeur nutritive du riz par enrichissement génétique en vitamines, minéraux et protéines« . C’est l’un des « pères » du riz doré, le Dr Peter Beyer, qui dans le cadre de ce projet, dirige « un effort de collaboration internationale appelé Consortium ProVitaMinRice« .

D’après son propre site, la Fondation Gates a versé plus de 197 millions de dollars à l’IRRI entre 2007 et 2019. L’IRRI a reçu, en 2019, 63,8 millions de dollars de subvention dont une part importante via le CGIAR (27 %), des gouvernements nationaux (Inde, Japon, Chine, Allemagne, etc.) (32 %). 24 % des fonds proviennent des fondations « philanthropiques » [10]

Parmi ces bailleurs de l’IRRI, certains ont également reçu de l’argent de la Fondation Gates. Ainsi, par exemple, le CGIAR a bénéficié de plusieurs subventions de la part de la Fondation Gates pour un montant total de 20,5 millions de dollars (entre 2012 et 2020)… La Fondation Gates a aussi financé d’autres centres de recherche du CGIAR comme le Centre international d’amélioration du maïs et du blé (Centro Internacional de Mejoramiento de Maiz y Trigo) pour 360,8 millions de dollars entre 2006 et 2021, l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics) à hauteur de 151,1 millions de dollars entre 2007 et 2018.

Cette fondation est très impliquée dans la filière riz. Nous avons ainsi noté des soutiens à de nombreuses institutions, toutes connectées les unes aux autres et qui travaillent au développement de variétés de riz.

Cette fondation a aussi soutenu l’Institut bangladeshi de Recherche sur le Riz (près de 8 millions de dollars entre 2015 et 2019) [11] [12] et l’Africa Rice Center (13,5 millions entre 2013 et 2019). Elle a soutenu d’autres organisations pour travailler spécifiquement sur la question du riz, comme l’organisation PATH (5 millions de dollars en 1999 et 535 000 dollars en 2005) « afin de prévenir la malnutrition en Asie, en Amérique latine et dans une partie de l’Afrique en enrichissant le riz en micronutriments essentiels » [13], l’Université d’Oxford (15 millions de dollars en 2019 et 7 millions en 2015) pour « développer des variétés de riz à haut rendement pour les petits exploitants agricoles par l’introduction de caractères photosynthétiques C4 », l’Académie Chinoise des Sciences Agricoles (8,3 millions de dollars en 2016) pour « fournir des variétés de riz à haut rendement, tolérantes au stress et résistantes aux maladies aux agriculteurs d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud  » [14] [15] [16], ou encore African Agricultural Technology Foundation (4,4 millions de dollars en 2018) [17] « pour soutenir le développement de programmes de sélection de riz hybride ».

[2L’IRRI a eu une licence pour utiliser les travaux de Potrykus dès 2001.

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