n°154 - mars / avril 2019

Agriculture : une (r)évolution sous l’influence des citoyens

Par Frédéric PRAT

Publié le 20/05/2019

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Défendre l’environnement ? Le sentiment d’impuissance justifie souvent l’inaction. Mais, preuve que l’on peut tous agir, voici quelques exemples d’actions citoyennes en faveur d’une agriculture respectueuse de l’environnement, développées partiellement en 2018, autour des OGM, du glyphosate, et de la tolérance aux herbicides.

Les citoyens qui se mobilisent pour défendre l’environnement sont de plus en plus nombreux. On a tous en tête la fameuse « affaire du siècle », issue d’associations qui, fortes de plus de deux millions de signatures, viennent d’attaquer l’État pour inaction en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ou encore ces jeunes européens (Suède, Belgique, Royaume-Uni…) qui, depuis décembre 2018, se mobilisent tous les vendredis (la première manifestation en France a eu lieu sous les fenêtres du ministère de l’Environnement le 15 février).

Citoyen ET consommateur : le doublé gagnant !

En matière d’agriculture, les citoyens sont aussi très actifs. La lutte contre les OGM en est bien sûr un emblème, mais l’on se souvient du boycott, couronné de succès, du veau aux hormones, dans les années 80. Les diverses mobilisations autour des produits carnés, ajoutées à la prise de conscience sur la responsabilité de l’élevage dans le réchauffement climatique, ont conduit à une consommation de viande qui diminue [1]. Dans tous ces cas, soit le citoyen est moteur dans la dénonciation (veaux aux hormones, abattoirs…), soit c’est son côté consommateur qui prend le relai pour changer le marché, et donc les productions ou les types d’agriculture.
Sur le dossier OGM et pesticides, l’année 2018 a connu (au moins) trois victoires qui ont souligné le pouvoir des citoyens organisés.

La première, de loin celle qui aura le plus de répercussions sur le dossier des nouveaux OGM, est l’action des organisations regroupées au sein du collectif de l’Appel de Poitiers pour obtenir un moratoire sur les cultures de variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) [2]. L’histoire avait commencé depuis une dizaine d’années, avec les premiers essais de ces VrTH. Fidèles à une méthodologie éprouvée, des Faucheurs volontaires questionnent d’abord entreprises et administrations, puis, en l’absence de réponses, fauchent des essais dès 2010. Les premières cultures de VrTH (colza et tournesol) provoquent de nouveaux fauchages et de nouvelles visites de coopératives… jusqu’à aujourd’hui.

L’UE au secours des militants

En décembre 2014, les Faucheurs réclament au Premier ministre français un moratoire sur la mise en cultures des VrTH et l’abrogation du décret excluant la mutagénèse de la réglementation OGM [3]. Devant le silence du Premier ministre, les associations déposent un recours juridique devant le Conseil d’État en mars 2015, lequel, de façon peu commune, saisit la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avec quatre questions préjudicielles. Et le 25 juillet 2018, coup de théâtre : la CJUE confirme que les organismes issus de mutagénèse, y compris ceux issus des nouvelles techniques de mutagénèse dirigée mettant en œuvre des procédés de génie génétique, sont des OGM, dont les plus récents sont soumis à la directive 2001/18, c’est-à-dire évalués avant – et étiquetés après – mise sur le marché. C’est donc une grande victoire pour les associations mobilisée [4].

D’autres victoires 
au tribunal

Autre victoire, bien qu’indirecte : la relaxe totale des Faucheurs de colza tolérant aux herbicides (là encore donc VrTH) de la coopérative Dijon Céréales. Victoire indirecte car l’argument principal du juge a porté sur le « défaut de caractérisation de l’infraction », et non sur une absence d’infraction. Mais victoire tout de même, qui a permis durant l’audience de mettre en évidence la présence d’un essai de colza GM non déclaré [5].

Enfin, démarré en 2018 mais pleinement médiatisé en 2019, les « pisseurs involontaires de glyphosate » (PIG) sont des citoyens, parfois issus des mêmes Faucheurs volontaires, qui, après avoir fait tester la présence de glyphosate dans leurs urines, attaquent Monsanto en justice. Procès très médiatiques en perspective, après celui du jardinier Dewayne Johnson aux États-Unis (Monsanto condamné à payer 254 millions d’euros) et de l’agriculteur Paul François en France [6]. Dans les deux cas, après des victoires des plaignants, Monsanto a fait appel.

Face à des citoyens mobilisés jusque dans les tribunaux, l’agro-industrie deviendra-t-elle plus verte ?

[1– 10 % en France depuis 2010. cf. « Les nouvelles générations transforment la consommation de viande », Gabriel Tavoularis et Éléna Sauvage, Consommation & Modes de Vie N°300, septembre 2018

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