n°112 - septembre / octobre 2011

OGM et environnement : le flou des procédures de l’AESA

Par Eric MEUNIER

Publié le 10/10/2011

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Au-delà de l’évaluation des risques liés à une plante génétiquement modifiée (PGM) avant autorisation, la législation européenne oblige les titulaires d’une autorisation à mettre en place des plans de surveillance post-commercialisation, afin de détecter tout impact, prévu ou non, sur l’environnement ou la santé lié à la PGM autorisée. Suite à une première publication en avril 2011 suivie d’une consultation publique entre avril et mai [1], l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA) a donc publié le 2 août 2011 un avis quant à la façon dont doit être conduite cette surveillance environnementale des territoires [2]. Cet article nous révèle aussi que les plans de surveillance sanitaire sont obligatoires si l’entreprise a déposé sa demande selon la directive 2001 /18 ou optionnels si elle a préféré utiliser la procédure régie par le règlement 1829/2003 ! [3].

Les plans de surveillance environnementaux sont de deux types : surveillance spécifique des impacts négatifs possibles identifiés lors de l’évaluation avant autorisation ; ou surveillance générale des impacts négatifs non prévus lors de l’évaluation.

La surveillance environnementale confiée aux entreprises

Pour les plans de surveillance générale, l’AESA relève la difficulté de les mettre en œuvre car ce type de surveillance ambitionne d’identifier des dommages subis par l’environnement local (notion non définie par l’AESA), du fait de la présence de PGM. Pour cela, il est nécessaire de pouvoir identifier des changements dans un environnement (par comparaison avec un environnement « similaire »), d’établir que ces changements sont des dommages à l’environnement, que ces dommages sont liés à la présence de la PGM en question et enfin de les quantifier. Autant de difficultés annoncées en amont (qui se compliqueront encore quand plusieurs PGM seront présentes en même temps !) et qui semblent d’ores et déjà relativiser la capacité à lier des impacts sur un environnement d’une ou de plusieurs PGM. Mais surtout, les composantes de l’environnement et les lieux mêmes à surveiller seront préétablis, à l’image d’une population d’insectes spécifique, de certaines plantes… Ce qui de fait revient à effectuer une surveillance de risques conditionnée aux seuls risques suspectés comme l’explique Yves Bertheau, membre du Comité Scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB), pour qui « le choix de surveiller l’environnement selon des indicateurs préétablis et à des endroits précis implique qu’on risque de passer à côté d’autres composantes de l’écosystème » [4]. Y. Bertheau souligne également que les impacts à long terme et à longues distances devraient passer inaperçus, en rappelant le cas de développement de miridées autour des cultures de coton Bt en Chine [5], l’AESA ne faisant référence qu’aux zones cultivées avec des PGM (l’environnement local !). La mise en place de bases de données nationales de surveillance du territoire, couvrant tous les domaines agricoles, interconnectables entre Etats membres, apparaît dès lors comme la seule possibilité d’effectuer cette surveillance. On notera enfin que les outils mis en œuvre pour cette surveillance ne sont pas légion au regard du rapport de l’AESA : l’appui sur des réseaux de surveillance existants, des questionnaires à remplir par les agriculteurs (ceux cultivant les PGM bien que l’AESA ne soit pas explicite à ce sujet), la littérature scientifique et des projets de recherche et développement en cours.

De leur côté, les plans de surveillance spécifiques, visant à surveiller l’apparition de dommages possibles prévus lors de l’évaluation, peuvent ne pas être faits si les entreprises proposent une gestion des PGM permettant d’éliminer l’occurrence de ces dommages, par exemple en introduisant une stérilité mâle pour éviter la pollinisation (cf. schéma p. 10 du document de la note 2).

Si l’AESA considère que les Etats membres doivent être associés et intervenir dans la mise en œuvre des plans de surveillance – allant jusqu’à suggérer que des instituts publics de recherche soient associés -, la construction et mise en œuvre de ces plans restent surtout le fait des entreprises. Les résultats de ces plans de surveillance seront ensuite adressés aux comités nationaux et à l’AESA qui évalueront les résultats et conclusions tirées par l’entreprise. En France, rappelons que le Comité de Surveillance Biologique du Territoire a été mis en place fin février 2010 [6]. Et qu’aucune structure de la société civile ne participe à ce comité…

Impacts des PGM sur la santé : un suivi inexistant

Enfin, les plans de surveillance sanitaire ne doivent pas être oubliés mais, interrogée par Inf’OGM, l’AESA indique n’avoir aucune réflexion en cours sur le sujet car elle n’a reçu aucun mandat de la Commission européenne. La Commission européenne justifie cette absence de demande par le fait que le règlement 1829/2003 – contrairement à la directive 2001/18 – ne rend pas obligatoires les plans de surveillance sanitaire post commercialisation [7], ignorant volontairement que l’AESA peut malgré tout demander à ce qu’ils soient mis en place (art 5.3.k et 17.3.k du règlement 1829/2003) et que la directive 2001/18 les rend obligatoires : deux cas qui justifieraient un mandat à l’AESA ou que cette dernière s’autosaisisse de cette question. Ainsi, si dans son avis du 16 avril 2010 sur le maïs Bt11, le HCB notait à raison qu’aucun plan de surveillance sanitaire n’avait été fourni et qu’ils sont obligatoires [8], c’est parce que ce dossier avait été déposé selon la directive 2001/18.

On retiendra donc que selon le règlement 1829/2003, une surveillance sanitaire post commercialisation serait optionnelle pour la Commission européenne. Et ceci, bien que le règlement 1829/2003 porte sur la gestion des PGM destinées à l’alimentation et que l’AESA soit une autorité de Sécurité Alimentaire… Paradoxe que l’on retrouve également en sens inverse dans le fait que des demandes d’autorisation commerciale de mise en culture puissent être faites selon le règlement « alimentaire » 1829/2003 [9] et non selon la directive 2001/18 de dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement, pourtant spécifique à la culture !

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