n°88 - juillet / août 2007Fiche technique / Etat des lieux

UE – Produits bio et alimentation sans OGM

Par Anne FURET

Publié le 31/07/2007

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En juin 2007, les ministres européens de l’Agriculture puis de l’Environnement ont adopté le nouveau règlement relatif à l’agriculture biologique (1), élaboré par la Commission européenne. Il entrera en vigueur au 1er janvier 2009, mais d’ores et déjà, il est contesté par les professionnels et les consommateurs de l’agriculture bio, notamment du fait de l’admission du seuil de 0,9% de présence d’OGM dans les produits bio. Inf’OGM fait le point sur cette disposition et ses conséquences…

La nouvelle réglementation européenne

En 2004, l’Europe a lancé un processus de révision du règlement sur l’agriculture bio dans un but de “simplification” et d’ “harmonisation des normes”. Après trois ans de pourparlers, le règlement européen relatif à l’agriculture biologique a été formellement adopté les 12 et 28 juin par le Conseil de l’Union européenne (2). S’il maintient une interdiction claire de l’utilisation d’OGM dans la production biologique, le règlement admet de manière implicite qu’un produit biologique peut contenir jusqu’à 0,9% d’OGM (cf. encadré à gauche).

En effet, le règlement précise qu’un produit qui doit faire référence sur son étiquette à l’utilisation d’OGM, en vertu des textes communautaires, ne peut être étiqueté comme un produit biologique. Or, selon le règlement européen 1829/2003, un produit alimentaire doit être étiqueté comme “OGM” à partir du seuil de “présence fortuite et techniquement inévitable” de 0,9% d’OGM par ingrédient (cf. encadré à droite). Au-trement dit, si un produit contient moins de 0,9%, il n’est pas sujet à l’étiquetage et il peut être qualifié de “bio” et ce malgré l’opposition du Parlement européen (3).

Le règlement admet aussi la possibilité d’utilisation d’additifs alimentaires et arômes produits par des OGM, lorsque ceux-ci ne sont pas disponibles sur le marché autrement.Est ainsi mise en place une possibilité de dérogation à l’interdiction d’utilisation d’OGM, ce que les associations ont appelé le dispositif de “flexibilité négative”.

En revanche, l’utilisation de produits tracés ou étiquetés OGM (hors arômes et additifs on l’a vu) reste strictement interdite dans le cadre de la production bio. A cet égard, les œufs, la viande, le lait qualifiés de “bio” ne peuvent pas être issus d’animaux nourris avec des aliments étiquetés OGM. Rappelons que la réglementation européenne n’impose pas d’étiquetage pour ces “produits animaux”. Par contre, un producteur bio peut utiliser des aliments pour animaux ou d’autres intrants contaminés jusqu’à 0,9%.

Ce que change ce règlement

Au niveau européen, cela ne change rien : en l’absence de dispositions particulières applicables dans le cadre de l’agriculture bio, le seuil de 0,9% s’appliquait déjà.

Au niveau national, aujourd’hui et jusqu’en 2009, il n’est pas nécessaire d’attester d’une absence totale d’OGM pour bénéficier du label. L’un des organismes de certification, Ecocert, applique les mesures suivantes : au-dessus de 0,9%, déclassement (c’est-à-dire perte du label AB), en dessous de 0,1%, le produit n’est pas déclassé, entre 0,1 et 0,9%, enquête pour déterminer l’origine de la présence des OGM (infraction, irrégularité, ou pollution fortuite), “puis après avis du Comité de certification, Ecocert émet ses conclusions de certification” (4). Le comité de certification est constitué de représentants de la filière, indépendants d’Ecocert. De telles enquêtes – et des déclassements – ont déjà eu lieu.

Une modification essentielle : sous l’ancien règlement, chaque Etat pouvait mettre en œuvre le principe de “subsidiarité”, c’est-à-dire appliquer des mesures plus strictes. Or, avec ce nouveau règlement, cette possibilité disparaît (5). La normalisation du seuil de 0,9% pour l’AB, combinée avec la disparition du principe de subsidiarité, ne permet plus de tabler sur le label AB pour garantir un produit totalement exempt d’OGM. C’est dans ce sens que le règlement a été vécu par les professionnels de la bio comme l’inscription d’un “droit à contamination” des produits bio.

Les produits “sans OGM”

Entendons-nous : absence d’OGM signifie ici OGM indécelable par les techniques actuelles d’identification, qui permettent de les détecter à partir de 0,01% de présence.

Plusieurs types d’aliments sont normalement sans OGM :

1) Les produits issus d’animaux étiquetés comme biologiques ;

2) Les produits qui ne contiennent pas d’ingrédients susceptibles d’être génétiquement modifiés (6). Mais certaines contaminations sont dues à des essais de PGM (cf. la contamination par le riz LL601, Inf’OGM n°78), il convient donc d’être vigilant sur l’actualité.

3) certaines AOC (7) (Appellation d’Origine Contrôlée) de “produits animaux”, dont les cahiers des charges excluent l’utilisation de fourrage GM pour la production laitière. L’INAO est responsable de la supervision des contrôles qui sont réalisés par des organismes certificateurs ou organismes d’inspection.

Par ailleurs, actuellement, l’apposition de la mention “sans OGM” ou “non OGM” sur un produit permet de garantir que la présence de toute trace d’OGM est exclue et qu’aucun OGM ou dérivé d’OGM n’a été utilisé à un quelconque stade de la fabrication. La DGCCRF (direction de la répression des fraudes) accorde une importance particulière à “ce que des garanties fortes puissent être données à travers une traçabilité fiable, depuis les matières premières et la réalisation d’autocontrôle à différents stades de la filière” (8). Cette mention ne peut être utilisée que pour des produits susceptibles de contenir des éléments issus de PGM autorisées commercialement dans l’UE. Un paquet de thé ne peut être étiqueté “sans OGM” car il n’y a pas de thé GM sur le marché (9). Le seuil retenu dans ce cas est la limite de détection de la présence d’OGM : 0,01%.

Le coût de la filière “sans OGM”

Les coûts de séparation des filières GM et non GM et de contrôle interviennent au moment de la production de semences, de la production agricole, et de la première transformation agro-alimentaire. En 2001, Egizio Valceschini, économiste à l’Inra, estimait que la garantie d’un seuil de 1% dans la filière soja entraînait des surcoûts de 6,5 à 14% de la valeur du produit. “Ces résultats peuvent globalement être utilisés à titre indicatif pour […] la filière maïs en Europe avec un seuil de 1%” (10). Egizio Valceschini écrivait ceci en 2001, alors que les cultures et les flux d’OGM étaient moins développés en Europe. Mais envisageant l’hypothèse d’un développement des PGM, il précisait qu’ “elle se traduirait par une augmentation sensible des coûts de garantie”.

En dessous du seuil de 1%, les coûts sont démultipliés et croissent de manière exponentielle. Ces coûts augmentent avec l’augmentation de la “pression OGM” qui est fonction de quatre facteurs : le nombre de PGM cultivées sur la zone, l’importance des surfaces cultivées en production GM, l’importance des flux d’importation de produits agricoles GM ou contaminés par des OGM, l’importance des flux d’importation de semences GM ou contaminées par des OGM.

Patrick de Kochko, agriculteur bio et ingénieur agronome, mène une étude sur les surcoûts pour une filière de soja non GM (avec moins de 0,01% d’OGM). D’après ses premiers résultats, le surcoût minimum est de 50 euro/tonne dont 30 euro pour l’organisme stockeur (chargé de l’approvisionnement et de la fourniture en semence) et 20 euro pour le transformateur. Ces coûts ne prennent en compte que les analyses sur semences et récoltes et le temps de gestion. Ne sont pas inclus les coûts de déclassement et de retrait, les coûts de certification, et les coûts commerciaux (pertes d’images sur produits, comme le soja devenu douteux). Ces derniers sont essentiellement pris en charge par les producteurs.

Donc, en 2006, avec un prix à la tonne aux alentours de 375 euro pour du soja bio sans OGM, le surcoût minimal d’une tonne de soja sans OGM serait donc de 13%.

Or,aucun soja GM n’est actuellement autorisé à la culture dans l’UE. Donc, les surcoûts correspondent ici à la surveillance d’une contamination dont l’origine se situe au niveau de l’importation. Pour une filière de maïs sans OGM, il faut ajouter les surcoûts correspondant à la surveillance d’une contamination au niveau de la culture.

Les surcoûts ne sont donc pas négligeables et reposent, pour l’instant, sur les personnes qui souhaitent produire et consommer sans OGM.

Il semble donc que la garantie du “sans OGM” et sa viabilité soient conditionnées par la mise en place de la reconnaissance d’un droit à cultiver ou consommer “sans OGM”. La reconnaissance de ce droit passe par la mise en place de normes contraignantes et sanctionnées de culture des OGM, et d’information des agriculteurs voisins. Le “sans OGM” passe également par la mise en place d’un système d’indemnisation des agriculteurs dès qu’une récolte est contaminée au-delà du seuil de 0,01%. Ces éléments pourraient être insérés dans un projet de loi sur les OGM, comme le réclame l’Alliance (cf. Le Grenelle de l’environnement en débat).

La FNAB travaille à la mise en place d’un label privé qui inclurait le “sans OGM”, tout comme l’actuel label Nature & Progrès.

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