n°97 - mars / avril 2009

Pour une labellisation des produits animaux vis-à-vis des OGM

Par Frédéric JACQUEMART

Publié le 31/01/2009

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L’Europe importe massivement des plantes génétiquement modifiées (PGM) pour nourrir son bétail, notamment du maïs et du soja. Actuellement, le soja transgénique n’est pas autorisé à la culture dans l’Union européenne (UE), mais il semble difficilement tenable d’interdire de cultiver ce qui est autorisé à l’importation, sauf quand ces cultures menacent des conditions écologiques ou paysannes particulières : réserve naturelle, risque environnemental, etc. Ainsi, la question se pose de l’étiquetage négatif des produits animaux, étiquetage qui pose problème au moins en France.

Avant d’aborder la question de la création d’un label qui valorisera une production de viande sans OGM, via un étiquetage « négatif », rappelons que le vrai progrès doit comporter l’utilisation d’autres sources de protéines (luzerne, pois, etc.) et la réduction drastique de la consommation de produits animaux. En effet, quelle que soit la nature du soja, sa culture est destructrice pour la nature (déforestation de l’Amazonie, transport) et les populations rurales qui le cultivent. Cependant, dans l’immédiat, le maintien et le développement des filières de soja non GM représentent un enjeu déterminant.

Définir le « sans OGM »

La première idée est d’obtenir, rapidement, un règlement, si possible européen, autorisant l’étiquetage négatif des produits alimentaires. Actuel-lement, au niveau français, dans le cadre de la mise en place de la loi sur les OGM, des discussions ont lieu entre le gouvernement et les acteurs de la filière sur la définition d’un seuil d’OGM qui peut être contenu dans l’alimentation animale étiquetée « sans OGM ».

Malgré l’intérêt d’une telle démarche, elle se heurte à deux difficultés majeures, qui nous ont conduits à nous tourner vers une autre approche.

La première difficulté est la définition du « sans OGM ». Au plan technique, on ne peut garantir du zéro OGM (on ne peut pas affirmer qu’une chose n’existe pas lorsqu’il est possible qu’elle existe). On aurait donc le choix entre la limite de détection (actuellement 0,01%) et la limite de quantification (actuellement 0,1%) qui est bien plus réaliste et praticable. Mais en pratique, actuellement, il serait impossible, sur de grosses quantités, d’arriver à un seuil aussi bas, sauf à effectuer immédiatement des investissements très lourds, avec un surcoût important du produit final.

Ainsi, si une réglementation était mise en place maintenant, le « sans OGM » serait une notion politique, et elle serait définie à un taux confortable de contaminations. Comme la Commission européenne a décidé que le seuil, pour un étiquetage positif, serait de 0,9%[cf.], il est tentant de prendre ce même seuil pour l’étiquetage négatif, ce qu’ont fait la loi allemande ou la directive autrichienne. Deviendrait donc « sans OGM » ce qui contiendrait moins de 0,9% d’OGM (pour chaque ingrédient). Un tel taux, pour l’UE, est facile à obtenir dans les conditions actuelles, sans investissements importants pour garantir des filières séparées. La contamination des filières non OGM par des OGM continuera cependant d’augmenter, jusqu’à rendre inconfortable le seuil de 0,9%, qui sera inéluctablement augmenté pour tenir compte de la réalité du marché. C’est ce qui a amené diverses ONG et certains experts à dénoncer ce seuil de 0,9%.

La seconde difficulté est liée à l’évolution rapide des biotechnologies. Là encore, l’exemple de la loi allemande est caractéristique. Le seul étiquetage négatif qu’elle autorise est la mention « ohne genetechnik » (sans biotechnologie) pour identifier les produits d’animaux nourris, pendant la dernière période de leur vie, avec des aliments non étiquetés OGM. Ainsi un aliment contenant moins de 0,9% d’OGM sera de par la loi déclaré non OGM et un aliment contenant des végétaux obtenus par une autre technique que la transgénèse, mais consistant en une modification directe et artificielle du patrimoine génétique, sera étiqueté « sans biotechnologie ». Outre le fait que ceci constitue un abus de confiance, une telle loi contribuera à sortir ces technologies nouvelles du champ de l’évaluation, déjà très insuffisante pour les plantes transgéniques.

Garantir le système de production en amont

Il existe, chez les grands distributeurs européens, une volonté de répondre au désir de leur clientèle, qui affiche, avec une rare constance, un refus des OGM. Ils sont donc intéressés par la discussion sur la mise en place d’un étiquetage négatif. Le GIET [1] a alors organisé ce débat et l’idée est de créer un label, imposant un cahier des charges strictement contrôlé par une instance indépendante (une association), qui permettrait aux distributeurs d’afficher leurs efforts en faveur de la qualité de leurs produits, mais sans étiqueter « sans OGM » des produits qui en contiennent quand même.

Professionnels : au travail !

Ce cahier des charges, qui devra être détaillé par des professionnels de la certification, devra comporter : une définition du seuil maximal de contamination par des OGM, l’obligation d’une rémunération suffisante des agriculteurs et le contrôle de toute la filière.

Pour le seuil de contamination, plutôt qu’un chiffre fixe, comme dans la loi allemande, l’idée est de partir d’un taux réalisable sans surcoût excessif, pour arriver, en quelques années, suivant un plan de progrès élaboré par l’association porteuse de la marque, avec les distributeurs concernés, à un taux inférieur au quantifiable. Le seuil de départ proposé par le GIET, suite à différentes discussions avec des producteurs, experts et distributeurs, est de 0,5%, ce qui permet de se démarquer clairement du 0,9% européen. Mais la difficulté tient à la prolifération des marques et labels, dans lesquels les consommateurs se perdent. Il faudra donc élaborer un logo et en faire la promotion. Ainsi, les contacts avec les distributeurs et les acteurs de la filière doivent se poursuivre, l’association est à créer, le référentiel (cahier des charges) à préciser et les financements à trouver.

[1Groupe International d’Etudes Transdiciplinaires, http://www.giet-info.org

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