n°97 - mars / avril 2009Interview / débat contradictoire

Entretien avec Christian VELOT, biologiste et auteur de « OGM : tout s’explique »

Par Christophe NOISETTE

Publié le 28/02/2009

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Inf’OGM – Pourquoi un nouveau livre sur les OGM ?

CV – Depuis six ans environ que je fais des conférences grand public sur les OGM, j’ai eu de nombreuses demandes pour savoir si j’avais écrit un livre dans lequel on pourrait retrouver l’articulation et le caractère didactique de mes conférences. Il s’agit donc d’un livre que j’ai calqué sur mes conférences et où les supports animés de celles-ci sont ici remplacés par des illustrations humoristiques, à vocation pédagogique, réalisées par Jef Vivant.

J’y décris donc ce que sont les OGM, comment on les fabrique, en insistant sur les raisons du caractère aléatoire (et non pas chirurgical comme on se plait à nous le faire croire) de cette technologie. Et surtout, j’aborde chapitre par chapitre les différents domaines d’utilisation des OGM (recherche fondamendale, domaines médicaux et pharmaceutiques, secteurs industriels et l’agro-oalimentaire). Cette approche me permet de montrer en quoi l’introduction des OGM dans les champs et dans les assiettes introduit des riques nouveaux et soulève des questions nouvelles (qui ne sont pas posées — ou en tout cas pas de la même manière — avec les OGM utilisés depuis près de 30 ans en espaces confinés dans les autres domaines). C’est essentiel à mes yeux car ça évite de tomber dans le panneau des amalgames fallacieux si chers aux VRP de la transgenèse généralisée et qui consistent à utiliser la vitrine médicale pour servir des arguments agricoles.

En ce qui concerne l’agroalimentaire, j’essaie d’être exhaustif en décrivant non seulement ce qui se fait déjà (c’est-à-dire essentiellement des plantes-pesticides), mais également ce qui se prépare dans les labos, en particulier avec les animaux destinés à l’alimentation ainsi qu’avec des micro-organismes alimentaires (levures de boulangerie, de brasserie, bactéries et levures œnologiques ou lactiques). Et, je réponds aux arguments « tartes à la crème » : les OGM ont toujours existé dans la nature, les OGM sont incontournables pour résoudre la faim dans le monde, etc.

Enfin, comme le débat autour des OGM en appelle beaucoup d’autres, je termine par quelques éléments de discussion sur divers aspects sociétaux tels que la place de la science dans la société, les dérives technoscientifiques des politiques de recherche, la désobéissance civile.

Ce livre doit permettre aux citoyens de prendre part à ce débat de société. Je n’y cache pas mon avis car je refuse de me réfugier derrière une « neutralité » de la science qui n’existe pas. Cependant, conscient que l’information n’est objective que si elle est contradictoire, j’encourage la lecture d’autre point de vue.

Inf’OGM – Que pensez-vous du débat actuel sur les OGM ? Et depuis 10 ans, comment la connaissance de ce sujet a évolué ?

CV – De toute évidence, il y a actuellement une volonté des défenseurs inconditionnels des OGM de vouloir reprendre la main (rapport de l’AFSSA à quelques jours du vote européen pour tenter d’abroger les moratoires français et grec, l’émission sur France 2 de la semaine dernière et toutes les attaques récentes sur le net et ailleurs à l’encontre des anti-OGM qualifiés de « prophètes de malheur », de « vendeurs de peur », de « khmers verts »). L’approche de la période des semis pour le maïs n’est sans doute pas pour rien dans cette excitation médiatique. Mais cela ne change rien à l’avis des Français, toujours majoritairement opposés ou réticents à la culture des OGM, comme l’a montré le tout récent sondage réalisé sur internet par Le Monde. Evidemment, ce rejet des OGM n’est pas toujours fondé sur un avis motivé, mais parfois sur un simple sentiment de méfiance. Et comment pourrait-il en être autrement après qu’on nous a répété, à coups de rapports d’Académies des sciences et de médecine que l’amiante, les dioxines, les PCB, les farines animales étaient sans danger ? Mais on se rend compte que plus les Français sont informés, plus ils confirment ce rejet. C’est le résultat du fantastique travail de fourmis, d’information citoyenne de ces dernières années, mené parallèlement par différentes organisations ou individus. C’est ce travail d’information populaire qui a permis par exemple de couper l’herbe sous le pied à l’argument utilisé comme cheval de Troie des OGM agricoles, selon lequel les PGM représentent une méthode révolutionnaire pour produire certains médicaments. Aujourd’hui, il est rare que cet argument soit encore mis en avant car de plus en plus de citoyens (et de journalistes) savent que ça fait 25 ans qu’on fait des médicaments avec la technologie OGM, et qu’on a jamais eu besoin de mettre la pharmacie en plein champ pour autant. De moins en moins de gens se laissent duper.

Inf’OGM – Où en êtes-vous dans votre conflit avec votre université ?

CV – Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un conflit avec mon université mais avec la direction de l’Institut auquel je suis rattaché en terme de recherche (IGM : Institut de Génétique et Microbiologie, qui dépend de l’université et du CNRS) et qui m’a reproché de l’impliquer dans mes prises de position publiques au prétexte que j’apparaissais dans les media en donnant mon affiliation professionnelle. L’université, dont je dépends administrativement comme tout enseignant-chercheur, n’a jamais été mon ennemie dans cette histoire, elle a simplement pendant longtemps fait la sourde oreille. Suite à la manifestation du 25 juin où près de 500 personnes sont venues me soutenir sur le campus d’Orsay, et à la pétition nationale qui à rassemblé près de 50 000 signatures, les instances universitaires m’ont finalement reçu, accompagné d’une délégation, le 9 juillet dernier (cf. Inf’OGM ACTU n°12, septembre 2008, FRANCE – Christian Vélot, un lanceur d’alerte soutenu et à soutenir ). La directrice régionale du CNRS, présente à cette réunion, s’était engagée à faire en sorte que mes besoins en fonctionnement soient satisfaits jusqu’à fin 2009, ce qui est actuellement le cas. L’université, quant à elle, s’est engagée à m’apporter son soutien pour que mon équipe de recherche continue d’exister à partir de 2010 (date à laquelle je suis remercié de l’IGM), notamment sous forme de laboratoire d’accueil universitaire. L’université a émis un avis favorable à mon nouveau projet de recherche et ce projet va être maintenant évalué, comme tous les autres projets, par l’AERES. En revanche, j’ai encore des peaux de banane de la part de l’IGM : par exemple, ma technicienne a été affectée dans une autre équipe de l’Institut. Il est à craindre que ça porte atteinte au projet.

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