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ETATS-UNIS – Dow AgroScience souhaite commercialiser des maïs et soja OGM tolérant l’herbicide 2,4-D

Par Eric MEUNIER

Publié le 28/03/2014

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L’entreprise Dow Agrosciences a déposé en 2010 et 2011 trois demandes d’autorisations commerciales pour des plantes génétiquement modifiées (PGM) pour tolérer des herbicides à base de 2,4-D. En janvier 2014, le ministère de l’Agriculture a publié une évaluation des dites PGM et vient de la soumettre, comme l’exige la législation, à la consultation du public. Les oppositions ne se sont pas fait attendre : le ministère de l’Agriculture a reçu plus de 400 000 commentaires demandant de ne pas autoriser ces PGM.

(Mise à jour du 28 mars 2014)

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Dow AgroScience veut élargir la gamme d’herbicides utilisés sur des OGM

Entre novembre 2010 et octobre 2011, Dow AgroScience a déposé trois demandes d’autorisations commerciales pour des PGM tolérant les herbicides à base de 2,4-D, principe actif de l’agent orange (le défoliant utilisé par l’armée étasunienne au Viêt-nam) et commercialisé sous le nom d’Enlist. Il s’agit du maïs DAS-40278-9, qui en plus tolère les inhibiteurs d’ACCase ; le soja DAS-44406-6 tolérant également les glyphosate et glufosinate ; et le soja DAS-68416-4 tolérant aussi le glufosinate.

Aux États-Unis, les apparitions multiples de résistances aux herbicides à base de glyphosate (Roundup) rendent caduques les premières générations de PGM. Les entreprises de biotechnologie, pour pallier ce problème, souhaitent proposer aux agriculteurs des PGM tolérant d’autres herbicides (comme le 2,4-D). Une vraie fuite en avant, bien entendu… [1] Le 2,4-D est une molécule décriée au regard de ses impacts environnementaux et sanitaires potentiels comme le signale un communiqué des associations TestBiotech, Genewatch et Pesticide Action Network [2].

Mai 2013 : L’Aphis décide de conduire sa propre évaluation des risques environnementaux

Entre fin décembre 2011 et juillet 2012, l’Aphis (le service de régulation des biotechnologies du ministère de l’agriculture) publie sa première évaluation des risques environnementaux liés à l’utilisation de ces trois plantes GM. Elle la soumet au public et reçoit environ 8200 commentaires, dont des pétitions signées par plus de 40 000 personnes, et « allant de l’importance d’autoriser ces cultures résistantes à plusieurs herbicides […] au développement potentiel d’adventices résistantes  ». L’Aphis considère alors « qu’une décision d’autorisation pour la culture et l’alimentation pourrait affecter de manière significative l’environnement des humains » et décide donc de conduire sa propre évaluation des impacts environnementaux pour ces trois plantes [3]. En réaction, Dow Agroscience a annoncé un travail conjoint avec le ministère afin d’aboutir à une « autorisation commerciale le plus tôt possible » [4]. La réaction la plus franche a manifestement été laissée à la charge de l’organisation des industries de biotechnologie. Sa vice-présidente, Cathleen Enright, s’est déclarée « déçue de cette décision » qui « établit un mauvais précédent pour les futures évaluations » de PGM [5]. Et de se plaindre des délais de traitement des dossiers, de la lourdeur du système d’autorisations étasunien et de son caractère imprévisible. Des critiques finalement équivalentes à celles formulées à l’encontre de l’Union européenne. A l’inverse, le Center for Food Safety (CFS, le Centre pour la sécurité alimentaire), une ONG opposée aux OGM, s’est réjoui de cette décision qui, selon lui, correspond à une évaluation adaptée aux « risques sanitaires et environnementaux que posent les cultures GM résistantes aux herbicides à base de 2,4-D » [6]. Le CFS souligne depuis de nombreuses années que les cultures GM conduisent à une augmentation des quantités d’herbicides utilisés. Et de rappeler qu’en 2007 et 2009, l’Aphis a été condamnée pour ne pas avoir conduit d’évaluation approfondie des risques environnementaux pour une betterave et une luzerne transgéniques. Une décision de justice qui avait conduit l’Aphis à procéder à ses deux premières évaluations de risques environnementaux approfondies « après quinze années d’autorisations des cultures GM ».

Janvier 2014 : le pré-rapport d’évaluation des risques est publié et soumis à la consultation des citoyens

Six mois après l’annonce de sa décision de conduire sa propre évaluation des risques environnementaux liés à la culture de ces trois plantes, l’Aphis a enfin rendu public son pré-rapport [7]. Ce pré-rapport recommande d’autoriser les trois PGM concernées. Une consultation publique est ouverte du 10 janvier au 24 février 2014 [8]. Cette consultation vise à recueillir l’opinion des étasuniens sur l’évaluation conduite par l’Aphis. Les résultats seront – ou non – pris en compte par l’agence pour son rapport final.

Le Center for Food Safety (CFS), déçu de cette deuxième évaluation, continue de marteler que l’autorisation de telles plantes conduira inexorablement à « une augmentation de l’utilisation de pesticides toxiques en agriculture industrielle », une augmentation estimée à quatre fois les quantités actuelles de 2,4-D [9]. Le CFS rappelle enfin que lorsque les premières PGM sont arrivées, les entreprises « ont assuré que leurs nouvelles et coûteuses semences aideraient à nettoyer l’environnement et réduire la quantité de pesticides utilisés. Ce qui n’est pas encore arrivé. Aujourd’hui, les adventices sont résistantes au Roundup. […] Les maïs et sojas résistants au 2,4-D renforcent seulement le cercle vicieux [d’utilisation de pesticides] ». Une pétition a été lancée par le CFS [10].

Dow AgroSciences s’est bien entendu réjoui que «  le ministère de l’agriculture ait fini ce pré-rapport d’évaluation des risques environnementaux » [11]. L’entreprise suggère la pertinence que ces trois PGM soient autorisées en rappelant qu’en novembre 2013, de « nouvelles données […] ont indiqué que 86% des cultivateurs de maïs, soja et coton dans le sud [des États-Unis] font face à des herbes résistantes aux herbicides ou difficilement contrôlables. Dans le midwest, [ce sont] 61% des cultivateurs qui sont touchés ». Un phénomène qui pourrait amener la filière agricole à, pour le moins, s’interroger quant à la pertinence et viabilité d’utiliser de tels produits mais qui, pour l’instant, sert d’argument commercial aux entreprises !

Près de 400 000 commentaires contre cette autorisation

Mais les agriculteurs semblent décider à ne pas laisser l’entreprise s’exprimer à leur place. Alors que le ministère de l’Agriculture avait prolongé jusqu’au 11 mars 2014 la consultation publique, près de 400 000 commentaires ont demandé le rejet de l’autorisation. Il émanent principalement d’agriculteurs ou de professionnels du monde médical par exemple, selon le CFS [12]. En outre, une pétition signée par 800 agriculteurs a également été adressée au ministre de l’agriculture, Tom Vilsack. Cette mobilisation s’explique par le fait que « les agriculteurs sont en première ligne face au désastre chimique potentiel » explique Lisa Griffith de la Coalition nationale des fermes familiales. Le CFS précise que les commentaires ont été soumis par le biais de huit structures représentant des agriculteurs conventionnels, biologiques, des consommateurs et une association luttant contre les pesticides [13]. Le ministère de l’Agriculture devrait maintenant faire connaître sa décision finale dans les semaines à venir.

Chronologie
Dépôt des demandes d’autorisation par Dow AgroScience

3 janvier 2014 : l’Aphis soumet son pré-rapport à consultation du public, pré-rapport dans lequel elle recommande l’autorisation finale, http://www.regulations.gov/#!docketDetail;D=APHIS-2013-0042

Seconde évaluation des risques environnementaux

10 mai 2013 : l’Aphis annonce conduire sa propre évaluation des risques environnementaux

13 juillet 2012 : pour le soja DAS-44406-6, http://www.aphis.usda.gov/brs/fedregister/BRS_20120713b.pdf

13 juillet 2012 : pour le soja DAS-68416-4, http://www.aphis.usda.gov/brs/fedregister/BRS_20120713k.pdf

Première évaluation des risques et première consultation publique

27 décembre 2011 : pour le maïs DAS-40278–9, http://www.aphis.usda.gov/brs/fedregister/BRS_20111227a.pdf

19 octobre 2011 : pour le soja DAS-44406-6, http://www.aphis.usda.gov/brs/aphisdocs/11_23401p.pdf

22 juin 2011 : pour le maïs DAS-40278-9, http://www.aphis.usda.gov/brs/aphisdocs/09_23301p.pdf

17 novembre 2010, : pour le soja DAS-68416-4, http://www.aphis.usda.gov/brs/aphisdocs/09_34901p.pdf

[8http://www.regulations.gov/#!docketDetail taper dans le cadre : D=APHIS-2013-0042

[10cf. note 6

[13Center for Food Safety, Farm and Ranch Freedom Alliance, Food & Water Watch, National Family Farm Coalition, National Organic Coalition, Organic Consumer Alliance, Organic Seed Alliance et Pesticide Action Network.

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