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Déréglementation des OGM/NTG : l’unanimité n’est pas au rendez-vous

Par Christophe NOISETTE

Publié le 08/11/2023, modifié le 16/01/2024

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Récemment, le Comité économique et social européen a adopté en urgence, dans le cadre de la procédure de consultation obligatoire, un avis critique par rapport au projet de la Commission de déréglementer les nouveaux OGM/NTG. Le Comité des régions européens a également été saisi, son avis n’a pas encore été publié. Mais, en mai 2023, ce comité avait rendu un avis sur les systèmes agroalimentaires, qui abordait déjà la question des OGM/NTG de manière critique. Ces deux instances de l’Union européenne insistent pour qu’une approche de précaution soit réellement mise en place dans l’encadrement des produits issus des nouvelles techniques de modification génétique.

Le Comité économique et social européen (CESE) a publié, le 25 octobre 2023, un avis sur « les plantes produites par les nouvelles techniques génomiques » [1]. Cet avis est clairement critique vis-à-vis de la proposition législative de la Commission européenne. Certes, il commence par évoquer que ces nouvelles techniques pourraient « accélérer les processus de sélection végétale et fournir aux agriculteurs de l’UE [Union Européenne] des variétés végétales prometteuses et résilientes ». Il semble également accepter « le principe consistant en une évaluation des risques sur l’environnement et la santé adaptée au type de modification appliquée ». En revanche, le CESE se désolidarise de la Commission européenne et exige « une surveillance [qui] comprenne un suivi des potentiels effets systémiques ainsi qu’une analyse bénéfice-coût [de ces plantes NGT] ». Notons l’utilisation de l’adjectif « systémique ». Il est rare que soit demandé par des instances officielles une évaluation des effets systémiques. Le CESE précise donc (paragraphe 37) : « Une surveillance systémique, ou globale, diffère d’une évaluation au cas par cas, comme dans le cas de l’évaluation analytique. Elle nécessite la mise au point […] d’indicateurs relatifs à la dynamique des systèmes auxquels nous appartenons (sociétés, écosystèmes, etc.) ».

Le CESE demande également des mesures de coexistence harmonisées au niveau européen pour que l’agriculture biologique et la filière « sans OGM » puissent continuer à « prospérer ». Mais le CESE précise par ailleurs que « les OGM sont interdits [dans l’agriculture biologique] et les NTG le seraient aussi, cependant, comme aucune méthode de détection, d’identification et de traçabilité n’est requise, les acheteurs, les États membres et la Commission seraient incapables de bien appliquer la loi ». Enfin, le CESE réclame la création « de manière publique et décentralisée, [d’]une banque européenne de semences traditionnelles […] pour les préserver et les rendre disponibles » et l’impossibilité « aux personnes autres que les professionnels des NTG d’acheter sur internet et d’utiliser sans encadrement des kits permettant de modifier génétiquement des êtres vivants ». L’avis est aussi très clair sur la menace que les brevets font peser aux agriculteurs et aux PME semencières [2]. Ainsi, le CESE « appelle à une clarification des règles en matière de propriété intellectuelle sur le vivant d’ici l’entrée en vigueur de cette législation ».

De son côté, le Comité européen des Régions (CdR), dans un avis publié en mai 2023 et consacré aux systèmes alimentaires durables, se disait « inquiet d’une possible réintroduction d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans notre alimentation européenne avec la future proposition de règlement européen sur les plantes produites par les nouvelles techniques génomiques (NTG). Cette proposition devrait être basée sur une évaluation solide et des preuves scientifiques solides de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA/EFSA). En tout état de cause, chaque produit alimentaire contenant des OGM devrait porter une étiquette sur le devant de l’emballage indiquant la présence d’OGM » [3]. Plusieurs régions autrichiennes ont d’ailleurs d’ores et déjà pris position publiquement pour demander le droit d’interdire les OGM/NTG, comme nous l’a précisé une représentante du CdR.
Le Comité européen des Régions a été invité par le Conseil de l’UE à émettre un avis dédié à la proposition législative. Cet avis sera discuté le 23 novembre en Commission suite aux intervention de Cécile Collonier (de l’agence européenne e charge des droits sur les variétés – CPVO), de Guy Kastler (Coordination européenne de la Via Campesina) et d’un représentant de la Présidence espagnole [4].Interrogé par Inf’OGM, le CdR nous précise : « C’est une consultation obligatoire mais l’accord sur ce texte entre le Parlement et le Conseil peut intervenir sans que l’avis du CdR soit adopté ». Le Conseil avait demandé au CdR que l’avis soit publié avant la fin de l’année (sous trois mois). Le site du Comité précise : « Lorsque le Parlement européen, le Conseil ou la Commission consultent le Comité (à titre obligatoire aussi bien que facultatif), ils peuvent lui fixer un délai (d’un mois au moins, conformément à l’article 307 du traité FUE), à l’expiration duquel ils peuvent passer outre à l’absence d’avis ». Cependant, les instances du CdR ont considéré que ce sujet était très complexe, qu’il fallait du temps pour débattre et s’informer. Ainsi, elles ont préféré décaler le calendrier. L’avis définitif sera alors adopté en plénière, les 17-18 avril 2024.

Lors d’une conférence organisée le jeudi 24 septembre par l’eurodéputé Christophe Clergeau, des représentants des deux comités ont souligné la pression qui avait été mise par l’Espagne pour que leur avis soit rendu dans des temps manifestement record. Pour le représentant du CdR, « le point le plus important aujourd’hui, c’est le calendrier. Sur un sujet d’une telle complexité, le calendrier imposé par la rapporteure du Parlement européen est juste inacceptable ».

L’Espagne espère finaliser l’adoption de ce règlement sur les OGM/NTG avant la fin de sa présidence, fin décembre 2023… Est-ce que la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen écouteront ces deux comités ? Ou continueront-ils à jouer la montre pour éviter qu’un débat démocratique et ouvert s’organise ?

 

[4Ces débats seront accessibles en streaming.

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