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Nouveaux OGM : un rappel de droit pour le ministère italien de l’Agriculture

Par Eric MEUNIER

Publié le 28/01/2021

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Mercredi 13 janvier 2021, la commission Agriculture de la Chambre des députés italienne a rappelé au Gouvernement que l’interdiction de culture d’OGM en vigueur en Italie concerne également les OGM obtenus par les nouvelles techniques de modification génétique. Ce rappel contrecarre une demande portée par la commission Agriculture du Sénat italien qui proposait de réglementer différemment OGM transgéniques et nouveaux OGM.

Les efforts déployés pour que les OGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique soient exemptés des obligations légales requises en matière d’OGM (évaluation des risques et étiquetage notamment) se multiplient en Europe. En France, le ministre de l’Agriculture a déclaré le 7 janvier 2021 que ces nouvelles techniques ne produisent pas des OGM, à l’encontre de toutes les dispositions juridiques et décisions judiciaires en vigueur [1]. En Italie, une autre offensive menée là aussi par le ministre de l’Agriculture, suivi par le sénat, est contrée par les députés.

Le gouvernement rappelé à ses responsabilités légales

En 2020, le ministère italien de l’Agriculture a annoncé son intention d’adopter quatre décrets concernant le secteur semencier italien. Comme l’a expliqué à Inf’OGM Antonio Onorati, de l’Association rurale italienne (Associazione rurale Italiana – ARI – membre de La Via Campesina Europe), ces quatre décrets [2] contiennent une ouverture aux nouveaux OGM en les considérant non plus comme des OGM mais comme des variétés essentiellement équivalentes aux variétés conventionnelles non soumises à la législation OGM.

Appelée à émettre une opinion (non contraignante) sur ces projets de décrets, la commission agriculture de la Chambre des députés italienne s’est opposée le 13 janvier 2021 à leur adoption. Elle a déclaré que « l’interdiction de la culture des OGM [3] doit être considérée comme étendue, conformément à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 juillet 2018, également aux produits obtenus par l’utilisation de « nouvelles techniques de sélection » (New breeding techniques-NBT) ou (par) « l’édition du génome », compte tenu des risques élevés pour l’environnement et la santé humaine » [4]. La position de cette commission est que soit respectée la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui arrêtait en juillet 2018 que les nouvelles techniques de mutagénèse (et par extension toutes les nouvelles techniques modifiant le génome d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison) produisent des OGM réglementés [5].

La commission Agriculture du Sénat italien, fer-de-lance des pro-OGM

Le vote du 13 janvier dernier de la commission Agriculture de la Chambre des députés est diamétralement opposé à celui de la commission Agriculture du Sénat italien de décembre 2020. Comme le rapportent ARI, Crocevia et plusieurs autres associations, cette commission a demandé, le 28 décembre 2020, que soient établies des règles permettant de réglementer différemment les OGM et les produits obtenus par les nouvelles techniques de modification génétique [6]. Elle a également précisé que les OGM « de l’ancienne génération, s’ils peuvent être définis de cette manière, restent un élément à garder (…) loin de notre agriculture ». Mais pour elle, ces OGM doivent être considérés différents des produits des nouvelles techniques. Une position politique qui va donc à l’encontre de la décision de la CJUE. Selon ARI, la commission sénatoriale invitait donc le gouvernement italien à promouvoir au niveau de l’UE une initiative législative visant à «  réglementer d’une manière différente les OGM et les NBT ».

Le projet de décrets et la position de la commission Agriculture du Sénat italien s’inscrivent dans une ligne politique déjà exprimée en février 2020 par la ministre de l’Agriculture, Teresa Bellanova, qui vient de démissionner du gouvernement le 13 janvier dernier. À l’époque, le syndicat italien Coldiretti signait un accord avec la Société italienne de génétique agricole (Italian Society of Agricultural Genetics – SIGA) visant à utiliser les futures techniques de modification génétique sur des variétés italiennes. Teresa Bellanova avait alors déclaré que « les OGM appartiennent au passé et leur culture est et restera interdite en Italie » mais appelait l’Union européenne à faire la différence entre ces « anciens » OGM et les « nouveaux » OGM [7].

Les organisations italiennes, dont ARI et Crocevia, se réjouissent

Dans un communiqué de presse du 14 janvier 2021, 26 associations environnementales et de consommateurs, syndicats et organisations d’agriculture biologique et paysanne italiens [8] se sont réjouies de la position adoptée la veille par la Chambre des députés. Elles indiquent accueillir « avec une grande satisfaction les avis conditionnels votés hier par la Commission de l’Agriculture de la Chambre [des députés] sur les décrets du ministère de l’Agriculture, qui tentaient de forcer une ouverture illégitime aux « anciens » et « nouveaux » OGM (…) et de refuser aux agriculteurs la possibilité d’exercer des activités telles que la réutilisation des semences ou l’échange d’une partie de la récolte comme semences ou matériel de multiplication ». Alors que, depuis le 13 janvier, la fonction de ministre de l’Agriculture est occupée par intérim par le Président du Conseil italien, Giuseppe Conte, les organisations estiment que « le futur ministre de l’Agriculture sera appelé à respecter les contraintes imposées par les avis exprimés à la Chambre (des députés) ». L’objectif des organisations est que l’arrêt de la CJUE soit respecté et les produits issus de nouvelles techniques de modification génétique soumis à la réglementation sur les OGM. Elles demandent donc « la suppression des références aux OGM dans les décrets en question, confirmant la nature de l’Italie en tant que pays sans OGM ». Il reste maintenant à attendre la décision finale du ministère de l’Agriculture.

[1Article d’Inf’OGM à paraître.

[2Les décrets sont disponibles en ligne.

[3Le décret législatif n°227 du 14 novembre 2016 interdit la culture de toutes les variétés transgéniques en Italie qui ont été autorisées ou sont en cours d’autorisation (articles 26bis et 26ter).

[4Les discussions et décisions de la commission Agriculture de la Chambre des députés italienne sont disponibles en ligne.

[6Voir la note explicative de Crocevia.

[8ACU, AIAB, Altragricoltura Bio, ARI, ASCI, Association Agr. Biodynamica, Civiltà Contadina, Coord. Zero GMO, Crocevia, Deafal, Égalité, European Consumers, European Coordination Via Campesina, Fair Watch, FederBio, Firab, Greenpeace, ISDE, Legambiente, Lipu, Navdanya, Pro Natura, Slow Food, Terra !, UNAAPI, WWF.

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