n°155 - mai / juin 2019

OGM – Des techniques 
qui laissent des traces

Par Eric MEUNIER

Publié le 28/06/2019

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En 2007, le débat sur les OGM a gravi une marche dans la complexité quand les entreprises ont saisi la Commission européenne d’une série sans fin de techniques « prometteuses ». Une complexité en apparence car ces techniques visent seulement deux objectifs : insérer soit des mutations soit des séquences d’ADN.

Perdre les responsables politiques et les citoyens dans des considérations scientifiques complexes, les priver de leur parole car non scientifique : une stratégie efficace pour qui veut tromper son monde. En 2007, plutôt que d’interpeller la Commission européenne sur des techniques insérant dans un génome de l’ADN ou des mutations, les entreprises ont fait une liste de sept, puis huit, puis vingt techniques aux noms barbares, obligeant tout le monde à les regarder l’une après l’autre. Pourtant, la législation [1] n’est pas aussi complexe…

Quel matériel végétal est utilisé ?

Les plantes se reproduisent de manière naturelle par croisements ou reproduction végétative (stolons, boutures…). Les paysans accompagnent parfois cette reproduction, en favorisant certains croisements, en bouturant, en greffant… Des techniques reprises par les premiers sélectionneurs spécialisés du début du 20e siècle. Aujourd’hui, l’amélioration végétale se fait sur plante entière, sur graines ou toutes parties de végétaux capables de se développer naturellement (branches, bulbes, embryons…). On parle de conditions « in vivo  ». Mais, techniquement, il est possible pour plusieurs espèces végétales de multiplier des cellules ou des tissus de manière non naturelle sur milieu artificiel : une approche dite « in vitro » qui comporte plusieurs étapes avant et après l’étape de modification génétique elle-même et ayant chacune leur lot de modification non intentionnelles (effet hors-cible).

Des « signatures » à tout va

Pour les techniques nécessitant d’introduire du matériel dans une cellule, la première de ces étapes consiste à casser la paroi extérieure des cellules isolées de la plante entière afin de permettre d’y introduire une construction d’ADN, des protéines ou encore des ARN. Ces cellules à la paroi cassée sont ensuite multipliées sur milieu artificiel en étape deux. La troisième étape introduit le matériel qui va induire la modification génétique. Après l’étape de modification génétique en elle-même [2], les cellules ayant intégré la modification génétique sont sélectionnées en utilisant des marqueurs qui peuvent être par la suite retirés, étape cinq. L’étape six est celle de la régénération de plantes à partir des cellules sélectionnées. Chacune de ces étapes a son lot d’effets non intentionnels sur la séquence du génome (mutations) ou sur l’état chimique du génome (épi-mutations). Des effets non intentionnels directement liés donc à la multiplication non naturelle de cellules ou tissus végétaux isolés de la plante elle-même.

Une fois ces six étapes mises en œuvre, une des plantes régénérées est utilisée pour être croisée avec la variété que l’on veut modifier (dite souvent variété élite) afin de lui apporter la modification génétique induite. On parle de rétro-croisement car plusieurs croisements sont faits au cours desquels ce sont les plantes filles obtenues qui sont recroisées avec la variété élite jusqu’à ce qu’environ 3% seulement du génome de la plante génétiquement modifiée (GM) soit présent dans la variété élite, 3% qui contiennent la modification et certaines modifications non intentionnelles des étapes précédentes dont il a été impossible de se débarrasser.

Autant de modifications non intentionnelles dont les apparitions, liées à chacune des étapes préalables, sont renseignées scientifiquement et qui pourraient être vues comme des « cicatrices » signant la mise en œuvre de techniques de modification génétique couvertes par la réglementation OGM. 

[2Pour cette étape quatre, voir Eric MEUNIER, « Mutagénèse, insertion d’ADN et forçage génétique », Inf’OGM, 28 juin 2019

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