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Pologne : vers une baisse des importations d’OGM

Par Charlotte KRINKE

Publié le 02/03/2018

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La Pologne veut réduire ses importations d’OGM destinés à l’alimentation animale. Un projet de loi en ce sens a été déposé par le gouvernement début février. Il permettrait de contourner l’échec de la proposition européenne qui souhaitait donner aux États membres le choix d’interdire l’importation d’OGM sur leur territoire. Mais ce projet paraît contradictoire avec un récent projet de loi qui autorise la culture d’OGM sur le territoire polonais…

L’Union européenne est fortement dépendante des OGM pour l’alimentation de ses animaux d’élevage. Selon la Commission européenne, l’UE aurait importé, sur la période 2013-2015, plus de 30 millions de tonnes d’équivalent soja GM par an (environ 85 % du total de l’équivalent soja importé dans l’UE), entre 0,5 et 3 millions de tonnes de maïs GM et près de 0,5 million de tonnes de colza GM (environ 5 à 10 % du total des importations de colza) [1].

Cette dépendance inquiète le gouvernement polonais : dans ce pays, 70 % de l’alimentation animale est produite avec du soja transgénique, selon Adam Tański, directeur de la Chambre du Grain et de l’Alimentation animale en Pologne [2].

D’où le projet de loi déposé début février 2018 par le gouvernement [3]. Dans l’exposé des motifs, le gouvernement insiste sur la nécessité de protéger la vie et la santé des personnes et des animaux en limitant les possibilités d’utiliser des aliments pour animaux génétiquement modifiés dans la production et l’élevage d’animaux « car l’influence des OGM, notamment des aliments pour animaux génétiquement modifiés, sur la vie et la santé des personnes ainsi que des animaux, n’est pas déterminée de manière définitive ».

Objectif : réduire les importations de tourteaux de soja génétiquement modifié

L’objectif principal du projet de loi est de réduire l’importation de protéines fourragères [4]. Ce sont particulièrement les tourteaux de soja génétiquement modifié qui sont visés, dont la Pologne importe annuellement environ deux millions de tonnes.

Comment le gouvernement polonais compte-t-il s’y prendre ? En imposant aux entreprises du secteur des aliments pour animaux contenant des protéagineux (entreprises de production, d’importation ou d’achat intracommunautaires d’aliments pour animaux) « d’utiliser des protéagineux obtenus dans le cadre d’un contrat conclu avec un exploitant agricole sur le territoire d’au moins un État membre de l’Union européenne ». Ces entreprises devront donc se fournir auprès d’agriculteurs exerçant leur activité dans l’Union européenne [5]. Les protéagineux achetés aux agriculteurs dans le cadre de ce contrat doivent représenter une part minimale dans la quantité totale des aliments que ces entreprises vendent sur le territoire polonais au cours d’une année donnée. Cette part minimale, appelée « objectif national indicatif », sera fixée par le gouvernement polonais tous les cinq ans, en tenant compte « des disponibilités de matières premières et des capacités de transformation ainsi que des perspectives du secteur des aliments pour animaux ».

Avec ces mesures, le gouvernement espère stimuler la production nationale de protéagineux et « créer des conditions garantissant une « sécurité des protéines » dans le pays en cas d’apparition d’une crise mondiale des protéines et d’indépendance de la République de Pologne par rapport aux importations d’aliments pour animaux » [6]. Ce faisant, le gouvernement entend mettre en œuvre une loi de 2006 dans laquelle il a été prévu d’interdire sur le territoire la production, la mise sur le marché, et l’utilisation dans l’alimentation animale d’aliments pour animaux génétiquement modifiés et d’OGM destinés à l’alimentation animale [7]. L’entrée en vigueur de cette loi, repoussée à plusieurs reprises, est prévue pour janvier 2019.

Faiblesses et signaux contradictoires

Le projet de loi présenté par le gouvernement permettrait de passer outre l’échec de la proposition de directive d’octobre 2015 autorisant les États membres de l’Union européenne de restreindre ou d’interdire l’utilisation des aliments pour animaux génétiquement modifiés sur leur territoire [8].

Mais il n’interdit pas spécifiquement aux entreprises du secteur des aliments pour animaux de conclure des contrats avec des agriculteurs établis dans l’Union européenne qui cultiveraient des OGM. Certes, le seul OGM aujourd’hui autorisé à la culture dans l’Union européenne est le maïs MON810 – le maïs n’étant pas un protéagineux. Mais l’absence d’une telle interdiction apparaît néanmoins comme une faiblesse à l’heure où se pose en Europe la question du statut des organismes génétiquement modifiés par mutagénèse, et particulièrement par les « techniques nouvelles de mutagénèse dirigée mettant en œuvre des procédés de génie génétique » [9]. L’une de ces techniques, la mutagénèse dirigée par oligonucléotides, est déjà largement présente dans les champs de colza outre-Atlantique [10] [11].

Surtout le projet de loi sur l’alimentation animale paraît être en contradiction avec un autre projet de loi présenté en mars 2017 par le gouvernement polonais. Actuellement en discussion au Sénat, ce projet modifie la loi relative aux OGM en prévoyant que le territoire national est une région sans OGM, mais tout en autorisant la culture d’OGM dans des zones spécifiques… [12].

[1Commission européenne, Commission staff working document, Genetically modified commodities in the EU, 2016.

[2Cité dans « Poland plans to cut GMOs in animal feed », Radio Poland, février 2018.

[4colza, féverole, lupin jaune, lupin à feuilles étroites, pois fourrager, vesce commune, soja, mélanges de ces plantes et produits issus de leur transformation

[5L’article 4 paragraphe 2 du projet de loi prévoit cependant que les entreprises du secteur des aliments pour animaux peuvent également conclure ce contrat avec un négociant de protéagineux autorisés sur le territoire de l’Union européenne.

[6Extrait de l’exposé des motifs du projet de loi.

[7Article 15 de la loi du 22 juillet 2006 relative aux aliments pour animaux.

[9Conseil d’État, n°388649, Confédération paysanne et al., 3 octobre 2016.

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