Actualités

Allemagne : interdiction des OGM (saison 2)

Par Charlotte KRINKE

Publié le 12/02/2018

Partager

Plus de quatre mois après les élections législatives de septembre 2017, les conservateurs (CDU-CSU) et les sociaux-démocrates (SPD) se sont entendus, le 7 février dernier, sur un accord de coalition. Un texte qui prévoit entre autres l’interdiction uniforme de la culture des OGM sur le territoire fédéral, rejoignant ainsi une proposition de loi du groupe SPD au Bundestag de novembre 2017.

Après l’échec du projet de loi du ministre de l’agriculture Christian Schmidt (CSU – Union chrétienne sociale), en mai 2017 [1], l’Allemagne n’a toujours pas transposé la directive européenne dite « opt-out » [2]. Cette directive permet aux États membres d’interdire la culture d’OGM autorisés au niveau de l’Union européenne sur tout ou partie de leur territoire, notamment pour des raisons socio-économiques.

Quant à la proposition de loi du groupe SPD au Bundestag, déposée en novembre 2017 alors que les négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement étaient en cours, elle n’a pas encore été examinée au Parlement [3].

Mais la transposition de la directive opt-out pourrait être à l’ordre du jour du prochain gouvernement allemand, car elle est inscrite dans l’accord de coalition trouvé le 7 février 2018. L’accord dispose en effet qu’une interdiction fédérale et uniforme de culture des OGM sera prononcée [4] – une mesure qui rejoint la proposition de loi du SPD de novembre 2017.

Une décision fédérale, mais des Länder informés

Pour interdire la culture d’OGM sur le territoire allemand, la proposition de loi du SPD prévoit une procédure bien plus simple que celle du projet de loi du ministre Christian Schmidt, finalement enterré. Dans la proposition de loi, la décision est prise par le seul niveau fédéral soit, selon les cas, l’Office fédéral de la protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire (qui dépend du ministère de l’Agriculture) ou le gouvernement fédéral. L’absence de responsabilité partagée entre gouvernement fédéral et Länder dans la prise de décision fait qu’il n’y a pas, comme c’était le cas dans le projet de loi [5], d’obstacles procéduraux qui empêcheraient l’adoption d’une décision et in fine l’interdiction de culture des OGM en Allemagne.

Les Länder sont pour leur part informés ou consultés à différentes étapes de la procédure, et peuvent soumettre au gouvernement fédéral une déclaration expliquant la nécessité d’une interdiction de culture au regard des conditions proprement régionales.

Ce faisant, la proposition de loi écarte aussi également le risque de morcellement, que créait le projet de loi de la CSU, entre les Länder interdisant ou autorisant la culture des OGM. En effet, les Länder ne pourront pas, de leur propre chef, interdire ou lever l’interdiction de culture d’un OGM à l’échelle de leur territoire.

Le groupe parlementaire du SPD voulait que sa proposition de loi soit adoptée avant que le nouveau gouvernement ne soit formé, considérant que l’absence de contraintes d’une coalition donne au Parlement une occasion unique pour le faire. D’autres éléments rendaient le contexte de l’adoption de la proposition de loi favorable : non seulement la majorité de la population allemande mais aussi de nombreux députés membres d’autres groupes politiques soutiennent l’interdiction de culture des OGM. Mais même lors du dépôt de la proposition de loi, un vote avant la formation du nouveau gouvernement paraissait incertain. Le Süddeutsche Zeitung relevait ainsi que le CDU/CSU, le FDP (Parti libéral-démocrate) et les Verts [6] pourraient empêcher le vote afin de ne pas compromettre les négociations pour la formation du nouveau gouvernement de coalition [7]. Une position pour le moins contradictoire pour les Verts, qui s’étaient fortement investis dans la précédente législature pour obtenir l’interdiction de culture des OGM en Allemagne. Alexander Hissting, directeur général de l’association Verband Lebensmittel ohne Gentechnik e. V. (VLOG), association qui gère le label « sans OGM » en Allemagne, craignait que les courants favorables aux OGM dans une future coalition entre ces trois partis rendent l’adoption d’une telle loi impossible [8].

Pour que l’accord de coalition signé le 7 février débouche sur la formation du nouveau gouvernement et que la directive soit transposée, il faudra que les membres du SPD acceptent que leur parti entre au gouvernement aux côtés de la CDU-CSU. Le résultat de la consultation, qui débutera le 2 mars, sera rendu public le 4 mars.

Il est à noter que dans l’accord de coalition, la CDU-CSU et le SPD affirment condamner les brevets sur les plantes et les animaux, de même que le clonage des animaux pour la production de denrées alimentaires. Les partis affirment aussi que, « à la suite de la future décision de la Cour de justice européenne (CJUE) à propos des nouvelles technologies de culture biomoléculaires, nous allons adopter des règles, au niveau européen ou le cas échéant au niveau national, garantissant le principe de précaution et la liberté de choix  ».

[5Le projet de loi enterré prévoyait que la décision devait être prise par le gouvernement fédéral et être soutenue par une majorité de Länder et approuvée par six ministères fédéraux.

[6Le FDP et les Verts étaient les deux partis pressentis pour la formation du nouveau gouvernement de coalition par la chancelière Angela Merkel et la CDU/CSU.

Actualités
Faq
A lire également