Fiche technique / Etat des lieux

2002 – OGM : le calme avant la tempête

Par Christophe NOISETTE, Eric MEUNIER

Publié le 31/12/2002

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Nous affirmions, l’année dernière, que l’Odyssée des OGM n’avait pas eu lieu… On pourrait dire aujourd’hui sensiblement la même chose, si ce n’est que l’année 2002 a vu les pressions s’accroître de toutes parts, laissant penser que l’année 2003 sera charnière. Les Etats-Unis actuellement pénalisés au niveau du commerce international par le choix d’une agriculture délibérement ouverte aux OGM n’entendent pas en rester là. Leur pression s’exercent aussi bien sur l’Europe, espérant la fin du moratoire de facto de 1999, que sur les pays du Sud, par le biais de l’aide alimentaire. En Europe, les militants pro-OGM sortent aussi de leur réserve… Autant l’année 2001 était celle de la contestation par l’arrachage, autant l’année 2002 aura vu les partisans de cette technologie monter au créneau, que ce soit à travers les rapports des Académies, les discours des Commissaires européens, l’engagement de l’Inra, voire les condamnations des responsables syndicaux engagés dans des arrachages, que certaines personnes jugent excessives…

Cependant, la question de l’amélioration des rendements et celle de l’innocuité sanitaire ne sont toujours pas tranchées et l’année 2002 a apporté son lot de contamination, de flux de gènes… La nouveauté serait peut-être à rechercher du côté de la moléculture… Les essais en champs augmentent, les promesses financières et techniques sont de plus en plus souvent vantées… Les craintes aussi de voir la chaîne alimentaire contaminée par des molécules thérapeutiques ou industrielles.

Globalement, la situation des OGM au niveau mondial a peu changé que ce soit en termes de pays producteurs, de variétés de plantes modifiées cultivées ou encore de modifications génétiques (tolérance à un herbicide, production d’un insecticide). Voici quelques chiffres qui illustrent ces propos, d’après les estimations du Service International pour l’Acquisition des Applications Biotechnologiques (ISAAA)1. La superficie de culture de plantes transgéniques à l’échelle mondiale est, pour 2002, de 58,7 millions d’hectares, représentant une progression de 12% par rapport à l’année 2001. Les principales plantes transgéniques cultivées sont le soja (62% de l’ensemble des cultures transgéniques), le maïs (21%), le coton (12%) et le colza (5%). A ceci s’ajoute, pour moins de 1% des cultures de plantes transgéniques, et principalement pour l’Amérique du Nord, la pomme de terre et la tomate. Toujours d’après les estimations de l’ISAAA, quatre pays se sont partagés 99% de l’ensemble des cultures transgéniques : Etats-Unis (66%), Argentine (23%), Canada (6%) et la Chine (4%).

Aujourd’hui, d’après Greenpeace, 4 firmes contrôlent la totalité du marché des OGM et 60% du marché des semences : Aventis CropScience (devenu Bayer CropScience), Dupont de Nemours, Monsanto et Syngenta. En 1998, Monsanto commercialisait, à elle seule, 90% des plantes transgéniques.

Coton transgénique approuvé en Inde

La principale avancée des OGM cette année est liée à l’autorisation de mise en culture commerciale de trois variétés de coton Bt en Inde, obtenue en mars 2002 (Inf’OGM n°30). Ce coton transgénique, créé par Monsanto et distribué par Mahyco, la filiale indienne de Monsanto, a été expérimenté pendant 5 ans en Inde. En 2001, une contamination importante a, sans conteste, accéléré la procédure d’autorisation, afin d’éviter une grave crise agricole. Cette autorisation, valable d’avril 2002 à mars 2005, est conditionnée par la mise en place de zones tampons et la réalisation de tests réguliers de réactivité du parasite à l’insecticide Bt produit par la plante. Sachant que l’Inde est le troisième producteur de coton (toutes variétés confondues) au niveau mondial, cette autorisation aura inévitablement des répercussions sur la scène économique internationale. Cependant, la résistance indienne aux OGM est active. Comme l’a rappelé, en septembre 2002, la Research Foundation for Science, Technology and Ecology, dans plusieurs Etat indiens des agriculteurs doivent faire face à une grave crise financière. La déception des agriculteurs vis-à-vis de ces semences, coûteuses et finalement moins productives qu’annoncées, a été entendue par le Président du Parti Vidarbha Jan Andolan Samiti (mouvement social de l’Etat du Vidarbha en Inde, état particulièrement touché par cette situation) qui réclame au Ministère de l’Agriculture environ 106 millions d’euros pour leur éviter de sombrer. Plus récemment, un article de Nature Biotechnology reprend les propos d’un expert affirmant que « ce n’est manifestement pas une technologie pour les paysans pauvres de l’Inde »2.

Aide alimentaire : des OGM sinon rien ?



Le débat sur l’aide alimentaire, contenant du maïs génétiquement modifié, a reposé la question de la lutte contre la faim dans le monde avec force. Dans son rapport du 3 mai 20023 , l’association Care International indiquait que, pour la Zambie, la production de maïs avait baissé de 76% et que l’ensemble des récoltes seraient consommées en juin 2002. Ce rapport estimait que cette crise alimentaire toucherait d’autres pays d’Afrique Australe comme le Malawi, le Zimbabwe, le Mozambique… 12 millions de personnes seraient touchées par cette famine. Le maïs transgénique offert par les États-Unis, via le Programme Alimentaire Mondial (PAM) à l’Afrique Australe de janvier à juin 2002 (8 500 t pour le Zimbabwe, 17 500 t au Mozambique et 15 000 t à la Zambie), a été tout d’abord refusé par les destinataires au mois de juin. Ce refus était motivé par une méfiance accrue vis-à-vis des OGM et une volonté de ne pas contaminer la production agricole locale pour ne pas risquer de perdre le marché d’exportation que représente l’Union européenne (pour l’Afrique, ce marché représente, en 2001 et pour les produits agricoles une exportation de 10,7 milliards de dollars4). De plus, ces pays voyaient dans cette aide une imposition des OGM, ou plus exactement une façon « valorisante » d’écouler des stocks alimentaires que plusieurs pays, notamment de l’Union européenne, ne veulent plus acheter. La forte pression du gouvernement américain soutenue et orchestrée par la FAO, l’OMS et l’OMC a eu raison, mi-août, des réticences gouvernementales du Mozambique et du Zimbabwe. Seule la Zambie a maintenu son opposition, revendiquant la nécessité d’appliquer le principe de précaution. Pour éviter, malgré tout, la famine qui sévit dans ce pays, des pays comme le Japon, l’Union européenne et certains pays d’Afrique (Tanzanie, Kenya…) ont mobilisé des quantités d’aliments équivalentes à celles offertes par le PAM, mais garanties sans OGM (Inf’OGM n°36).

L’épisode de l’aide alimentaire est aussi un élément important dans le bras de fer économique et culturel qui oppose les États-Unis à la Communauté européenne. Comme le précise un responsable africain de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, « si suffisamment de pays adoptent la production d’OGM, les États-Unis auront constitué un groupe de pays les appuyant dans leur

conflit commercial avec l’Union européenne »5. Autrement dit, l’opposition européenne est un facteur souvent énoncé pour demander de freiner le développement des OGM. Que ce soit l’Ouganda qui réfléchit, au niveau gouvernemental, à l’intérêt d’autoriser la culture d’OGM, ou des associations agricoles nord-américaines qui demandent un moratoire sur le blé transgénique, tous évoquent la perte du marché européen si des OGM contaminent les exportations vers ce continent. Si le facteur de la résistance européenne et de la fermeture de son marché est important pour apprécier ce problème, ce n’est pas le seul. En 2002, plusieurs études se sont données pour objectif de faire un état des lieux de la rentabilité d’une agriculture transgénique.

Des surcoûts liés aux OGM



Une première étude6 , réalisée par Charles Benbrook, membre de l’Académie Nationale des Sciences aux États-Unis, avait, début 2002, souligné une perte de 92 millions de dollars pour les agriculteurs américains due à des dépenses pour la culture de maïs Bt supérieures à la vente de cette même production (intégrant notamment le prix mondial du maïs) pour la période 1996-2001. La Soil Association, association britannique de défense de l’agriculture biologique, a publié une étude7 dont les conclusions indiquent une rentabilité toute relative sur la période 1996 à 2001. Leur étude a pris en compte le surcoût pris en charge par l’État (augmentation des subventions allouées dues à la baisse des prix de vente ou à la perte du marché européen ou rappel des produits dans le cadre de contamination) comme le surcoût pris en charge par l’agriculteur. Ce dernier est lié à l’achat des semences transgéniques, à l’augmentation de l’utilisation d’herbicide du fait de l’apparition de résistances ou encore à la baisse de rendement agronomique pour certaines cultures transgéniques par rapport aux cultures conventionnelles.

A l’opposé, une étude8 cosignée par plusieurs associations américaines dont l’American Soybean Association a mis en avant les avantages dérivés d’une agriculture de plantes transgéniques. Cette étude indique par exemple qu’il est observé une diminution du dégagement de gaz carbonique dû au labourage (impliqué dans le réchauffement de l’atmosphère) du fait justement d’un labourage de la terre moins intense. Mais les spécialistes de semis direct rétorquent que cette technique est complètement indépendante des OGM. 

Enfin, d’autres surcoûts sont liés à la question de l’étiquetage obligatoire et la mise en place d’une double filière. Greenpeace a rendu publique une étude9, réalisée par l’Institut de Prospective Technologique (organe de recherche de la Commission européenne) qui établit très précisément que les agriculteurs devront faire face à des surcoûts de production élevés au cas où des cultures transgéniques commerciales devaient se généraliser à grande échelle en Europe (+10 à 41% pour le colza et +1 à 9 % pour le maïs). L’étude estime que la culture dans une même exploitation de plantes transgéniques et de plantes conventionnelles est « un scénario irréaliste, même dans le cas d’une grande exploitation ». Enfin, cette étude conclut que la non-contamination transgénique des semences est quasiment impossible dans la plupart des cas. Pour reprendre les termes du Commissaire à l’Agriculture, Franz Fischler (13 février 2002) la co-existence avec les OGM s’avérerait « difficile d’un point de vue technique aussi bien qu’économique »10.

Le moratoire de l’Union européenne, maintenu malgré les pressions…



Le moratoire de facto européen instauré en juin 1999 continue de freiner considérablement les exportations américaines et le développement des OGM dans le monde. En 2001 déjà, le gouvernement américain avait menacé d’attaquer ce moratoire devant l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC. En 2002, les États-Unis ont intensifié leur pression sur l’Union européenne suite à des pertes économiques enregistrées par son agriculture attisant la colère des agriculteurs et de leurs puissantes associations professionnelles.

Cette pression a été, pour une part, relayée au sein même de l’Union Européenne par le biais notamment du Commissaire à la santé et à la protection des consommateurs, David Byrne. Ce dernier considère aussi que ce moratoire est illégal car  » toutes les enquêtes […] attestent que les aliments génétiquement modifiés s’avèrent aussi sains que les aliments traditionnels »11. Début décembre, le Conseil des Ministres de l’Environnement a fixé les seuils de présence fortuite d’OGM au-dessus desquels l’étiquetage des produits sera obligatoire (0,9% pour les OGM autorisés, 0,5% pour les contaminations accidentelles)12. Ces deux nouvelles directives (qui doivent être approuvées par le Parlement européen en 2003) concernent l’étiquetage et la traçabilité des produits destinés à l’alimentation humaine et animale. Par ailleurs, l’Union européenne doit encore légiférer sur deux dossiers importants : le taux « légal » de contamination par des OGM des semences conventionnelles et la mise en place d’un régime de responsabilité pour les producteurs d’OGM. 

Curieusement, le dossier de la responsabilité, présenté l’année dernière par plusieurs pays, dont la France, comme condition sine qua non à la levée du moratoire, semble être oublié… Les directives sur l’étiquetage et la traçabilité satisfont désormais les exigences des responsables politiques européens.

Contaminations et résistances confirmées



De nouveau, en 2002, des constats divergents sur les connaissances quant aux impacts des OGM sur l’environnement et la santé humaine ont été établis par différentes organisations. Certaines considèrent ces connaissances trop lacunaires pour délivrer les autorisations de mise sur le marché. C’est le cas de la British Royal Society13, la British Medical Association14, le conseil des sciences et des technologies au Canada15 ou encore le Conseil National de la Recherche des Académies Nationales aux Etats-Unis16.

Dans le cadre de ce débat, la France a connu une fin d’année médiatique avec la publication des rapports des Académies des Sciences17 et de Médecine/Pharmacie (18), en décembre 2002. Les Académies considèrent, au contraire que les risques sanitaires ou environnementaux sont négligeables, alors que la transgenèse représente un fort potentiel d’avancées médicales et alimentaires. Elles concluent à la nécessité de reconsidérer les réglementations « limitantes » de l’utilisation des OGM. Pour elles, il faut donc lever le moratoire européen et reprendre les autorisations au cas par cas.

Le risque environnemental le plus solidement reconnu finalement par la communauté scientifique reste la dissémination des transgènes dans l’environnement par le biais des pollinisations croisées. En mars 2002, l’Agence Européenne de l’Environnement19 confirme que le pollen de colza peut se disséminer sur un rayon au moins égal à 4,5 km. Elle évoque également ce risque pour d’autres espèces comme la betterave, la pomme de terre, le maïs, le blé et l’orge. Afin de limiter de tels transferts, elle recommande la mise en place de zones tampons autour des cultures transgéniques et souhaite qu’une recherche plus intense dans le domaine du transfert du matériel génétique à des semences dites sauvages soit engagée.

Ces risques de dissémination établis scientifiquement ne sont pas sans poser un problème économique et social. Ils mettent en danger l’agriculture biologique et autres AOC, dont les cahiers des charges ne permettent aucun OGM, même à l’état de traces, sous peine d’une amende, d’une perte du label, et de la déclassification des produits. Cette année, de nombreuses contaminations ont été révélées et cela à tous les niveaux de la chaîne agro-alimentaire et dans de nombreux pays.

L’exemple le plus flagrant reste, au Canada, la contamination de miel par des gènes de colza transgénique situé à 3 km des ruches. Une étude de 60 millions de consommateurs22, publiée en janvier, avait aussi montré que sur 103 produits de consommation courante, 36 contenaient des traces d’OGM sous le seuil de 1% (seuil à l’époque « d’étiquetabilité »). Cette proportion de produits contenant des OGM fut également confirmée par le rapport de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes – France) de mars 2002 (23) ainsi que par l’étude publiée par UFC – Que Choisir (24) (juin 2002). Enfin, ce qui est plus conséquent, des lots de semences ont été commercialisés de façon illégale.

Ainsi, en Italie, des semences a priori non transgéniques, vendues par une dizaine de semenciers, se sont révélées polluées ; aux États-Unis, Monsanto a reconnu officiellement que ses semences de colza transgéniques étaient contaminées par l’événement de transformation non autorisé GT 2000 ; en France, la Direction Générale de l’Alimentation (25) (Ministère de l’Agriculture) a indiqué que sur 447 prélèvements réalisés sur des semences importées en France en 2002, 109 échantillons étaient contaminés par des OGM (dont 2 à plus de 0,5%) et non étiquetés. Les 2 lots ont été renvoyés vers leur pays d’origine, le Chili.

Aux États-Unis, la société Prodigen (26) a dû détruire sa production de soja destinée au marché alimentaire car contaminée par du maïs transgénique modifié pour produire des molécules pharmaceutiques. La société a indiqué que ce maïs était cultivé en 2001 dans le champ où fut cultivé le soja en 2002. De son côté, l’Organisation des Industries de Biotechnologie (Biotechnology Industry Organisation) a adopté un moratoire sur la culture de plantes transgéniques produisant des molécules pharmaceutiques ou industrielles dans les régions de maïsiculture destinées à l’alimentation animale ou humaine (Inf’OGM n°36).

L’autre risque environnemental, à nouveau démontré cette année, est l’apparition de résistances, végétales ou animales. Ainsi, après cinq années de suivi des cultures de coton Bt (20) en Chine, le Professeur Xue Dayuan, de l’Institut Nanjing des sciences environnementales et consultant pour Greenpeace, et l’Administration Nationale de la Protection de l’Environnement ont indiqué que des résistances à la toxine Bt étaient apparues chez les insectes nuisibles cibles, comme le Charançon du Cotonnier.

Aux États-Unis, la résistance de certaine »mauvaises herbes » au Round Up a été détéctée, engendrant des surcoûts. La dernière étude en date a été réalisée par Neil Rhodes et Bob Hayes, de l’Université du Tennessee (21).D’une façon générale, la résistance s’explique par deux facteurs : l’augmentation de l’utilisation de Round Up du fait des varitétés transgéniques Roundup Ready et la capacité du transgène de tolérance à cet herbicide à se disséminer et donc à intégrer le génome des plantes adventices (parentes des plantes cultivées).

Les expérimentations en champ en question et la question du débat public sur les OGM



Par rapport à l’évaluation des risques environnementaux, les instances gouvernementales préconisent toutes la mise en place d’expérimentations en champ. Cependant, en France, suite à la contestation de ces essais par la Confédération Paysanne, ATTAC et d’autres associations, durant l’été 2001, le gouvernement Jospin a mandaté quatre « sages » pour organiser un débat public sur les essais en champ d’OGM. Ce débat a eu lieu, en février 2002, au Conseil Économique et Social (Paris). Le rapport (27), publié le 6 mars 2002, reconnaît l’intérêt des essais en champs, dans la mesure où ceux-ci sont autorisés au cas par cas et font l’objet d’une concentration géographique. Mais il préconise également une longue série de recommandations : possibilité juridique pour un maire de prendre connaissance et de refuser l’installation d’un site d’expérimentation sur sa commune, en raison d’un risque probable de dissémination ; création d’une commission chargée de réaliser une expertise socio-économique, pendant sociologique de la CGB (Commission du génie biomoléculaire). Tablant sur trois principes fondamentaux – précaution, parcimonie et transparence -, les quatre sages proposent une révision fondamentale des procédures actuelles : analyse au « cas par cas » accompagnée d’une pré- et post- évaluation de ces essais, nécessitant de démontrer l’intérêt économique de l’OGM ; nécessité également de clarifier le principe de responsabilité juridique et la question des assurances non encore résolue mais maintes fois soulevée durant ce débat. Les Sages concluaient par le besoin que ce rapport serve de base à un débat parlementaire, permettant de voter un texte fondateur sur les biotechnologies, dès le début de la prochaine législature. Le nouveau gouvernement français n’a pas tenu compte de ces recommandations et a autorisé 8 nouveaux essais en champ dont 4 ont été ensemencés.

Par ailleurs, dans un article publié par Libération, le 23 septembre 2002, la directrice de l’Inra (M. Guillou) et son Président (B. Hervieu) ont pris position sur la nécessité de pratiquer ces essais en champ afin,

notamment, de pouvoir étudier le flux de gènes. Une réponse, formulée par un groupe de citoyens dans une « lettre ouverte à l’Inra » (28), publiée par Inf’OGM au mois d’octobre, interrogeait le changement d’attitude de l’Inra. Les signataires estiment que désormais l’Inra n’est plus un lieu d’expertise neutre mais un acteur engagé, posant le problème de fond de l’existence d’une recherche au service du bien public. Suite à cette lettre ouverte, une vingtaine d’organisations françaises ont rencontré la direction de l’Inra fin décembre pour tenter de rallier cet institut à la demande politique d’un débat public. Réponse négative de l’Inra, mais les organisations ont décidé d’avancer ensemble sur cette idée en 2003, avec dans un premier temps la rédaction commune d’un dossier sur les OGM, servant à un appel ultérieur pour l’organisation d’un vaste débat public repris par le Politique.

Revers dans les procès des « anti-OGM »



Il est important, cependant, de replacer l’article de Libération dans son contexte social : les procès intentés par le Cirad et le Cetiom, deux organes de recherche publique qui ont connu, en 2001, des « arrachages ». Suite aux procédures d’appel, la Cour de Cassation a finalement condamné,

le 14 novembre 2002, José Bové et René Riesel, syndicalistes de la Confédération Paysanne lors des faits, à 14 mois de prison ferme (6 mois pour l’affaire du Cirad et 8 mois de sursis révoqués pour l’arrachage de Gaudiès). Le juge n’a pas reconnu l’argument « d’état de nécessité » (défense classique dans ces procès) mais a tout de même établi l’existence d’un risque de contamination de cultures suite à un potentiel transfert de gène. Une campagne pour obtenir la grâce présidentielle pour Bové s’est organisée très rapidement, seul moyen à ce point de la procédure d’éviter la prison. Un autre procès a trouvé son issue au cours de l’année 2002. Il s’agit de la confirmation par la Cour d’Appel du Canada (29) de la condamnation de Percy Schmeiser. Monsanto accuse cet agriculteur d’avoir utilisé frauduleusement des semences transgéniques Roundup Ready, après que l’analyse de ses cultures eut révélé la présence de colza possédant ce gène breveté. L’agriculteur affirme avoir été victime d’une contamination. La Cour d’Appel a considéré qu’il aurait dû être au fait de la présence d’OGM dans ses cultures. Schmeiser a donc décidé de saisir la Cour Suprême du Canada.

La précaution entre dans le droit international



Répondant à certaines craintes, principalement économiques et environnementales, deux mesures – la création de zones sans OGM et le Protocole de Carthagène – ont connu un développement favorable cette année.

Suite à la campagne « Pas d’OGM dans ma commune » en France (30), plus de 1200 communes, fin 2002, ont banni les OGM de leur territoire. Certaines municipalités ont vu leurs arrêtés annulés par les tribunaux administratifs, considérant qu’il n’est pas du ressort d’un maire de prendre de telles dispositions. Le Conseil d’État pourrait se voir saisi de l’affaire sur demande des maires concernés. Une telle campagne prend également de l’ampleur en Belgique (31), en Italie et en Autriche. Au Canada, un mouvement de citoyens de Montréal a interpellé le comité exécutif pour le développement durable afin que celui-ci fasse déclarer la ville « zone sans OGM »,mais sans succès ; aux Philippines, les dix conseillers municipaux de Tampakan, au sud du Cotabato, ont voté à l’unanimité une résolution interdisant tout essai d’OGM sur le territoire de la commune. Au Brésil, le nouveau président Luis Ignacio Lula da Silva a déclaré que son gouvernement adopterait une position en faveur du bannissement des cultures d’OGM ; en Thaïlande, des zones exemptes d’OGM ont été définies afin de ne pas perdre toute possibilité d’exportations de produits vers l’Europe…

Le protocole de Carthagène régissant les mouvements transfrontières des OGM fut, quant à lui, intégré par les conseils européens de l’environnement et de l’agriculture, le 17 octobre 2002, dans une proposition de loi plus restrictive que le Protocole lui-même. Ainsi, les OGM non ciblés par le protocole comme ceux destinés à un usage confiné ou à être transformés, sont concernés par ce projet européen pour leur étiquetage. De plus, comme indiqué dans le protocole de Biosécurité, la proposition de loi implique la création d’un registre archivant toutes les données concernant les échanges d’OGM (organismes producteurs, organismes acheteurs, intermédiaires, nature des OGM échangés…). En 2002, les pays qui ont ratifié le protocole (32) sont : Slovénie, Mozambique, Cuba, Croatie, Mali, Nicaragua, Luxembourg, Mexique, la Communauté Européenne, Danemark, Autriche, Suède, Botswana, Samoa,Venezuela, Panama, Bolivie, Suisse, Kenya, Espagne, Pays-Bas. D’autres pays ont accédé au processus de ratification du Protocole : Barbade, Ukraine, Maldives, Bhoutan, Biélorussie, Ile Maurice, Djibouti, Liberia. En décembre 2002, 38 pays ont donc ratifié ce protocole, mais il en faut 50 pour qu’il entre en vigueur.

2003 : levée du moratoire européen ?



Si 2003 voit la ratification du Protocole de Carthagène, il est aussi possible que 2003 voit la fin du moratoire européen. En tout cas, plusieurs ministres européens ont estimé que les directives sur l’étiquetage et la traçabilité, qu’ils pensent voir adoptées cette année, sont suffisantes pour envisager la levée du moratoire. Or, on sait à quel point il est stratégique pour le développement ou non des OGM à grande échelle. Tant que les consommateurs européens maintiennent une position de refus, et que cette volonté s’exprime politiquement, les exportations nord-américaines seront freinées. Le débat est donc délibérément économique. Certains en déduisent que les campagnes anti-OGM vont s’intensifier. A Porto Alegre, lors du Forum Social Mondial, les membres de la campagne « Por um Brasil livre de transgenicos » (33), ont invité les acteurs de la lutte internationale contre les OGM à échanger des informations et des expériences mais également à discuter d’actions communes.

Notes

1. « Global Status of Commercialized Transgenic Crops : 2002 », Clive James, ISAAA, janvier 2003, www.isaaa.org


2. « Poor crop management plagues Bt Cotton experiment in India », K.S. Jayaraman, Nature Biotechnology, novembre 2002, vol. 20, n°11, p.1069


3. « Les mois de la famine », 20 mai 2002, association Care International, www.carefrance.org/terrain/urgc_encours.cfm


4. www.wto.org/indexfr.htm, rubrique statistique


5. « Africa is merely a pawn », Saliem Fakir, in Mail and Guardian, Johannesburg, 8 octobre 2002


6. « When does it pay to plant Bt Corn », Charles Benbrook, décembre 2001


7. « Seeds of doubt, North American farmers’ experiences of GM

crops », septembre 2002, www.soilassociation.org


8. www.lifesciencesnetwork.com/repository/020916_report.doc


9. www.greenpeace.fr/campagnes/ogm/EC_coexistence.pdf


10. europa.eu.int/rapid/start/cgi/guesten.ksh ?p_action.gettxt=gt&doc=SPEECH/02/212|0|AGED&lg=EN&display=


11. « Aussi inoffensifs que les autres aliments », Christian Losson, Libération, 12 septembre 2002


12. Compte-rendu du Conseil européen des Ministres de l’environnement,9 décembre 2002, ue.eu.int./pressData/fr/envir/73945.pdf


13. www.royalsoc.ac.uk/files/statfiles/document-165.pdf


14.www.bma.org.uk/ap.nsf/Content/gmcrops?OpenDocument&Highlight=2,gmo,trial


15. www.cst.gouv.qc.ca/ftp/OGM/MEMENTO-OGM.pdf


16.www4.nationalacademies.org/news.nsf/isbn/0309082633 ?OpenDocument


17. « Les plantes génétiquement modifiées », Académie des Sciences, éd. Tec&Doc, novembre 2002

www.academie-science.fr/publications.rapports/rapports_html/RST13.htm


18. www.infogm.org/article.php3?id_article=847


19.reports.eea.eu.int/environmental_issue_report_2002_28/en/GMOs%20for%20www.pdf


20. www.greenpeace.org/~geneng/reports/env_impact_eng.pdf


21. Delta Farrm Press, 23 août 2002


22. 60 millions de consommateurs n°357, janvier 2002


23. www.infogm.org/article.php3?id_article=323


24. www.infogm.org/article.php3?id_article=540


25. www.agriculture.gouv.fr/alim/actu/presse/cp%20ogm%20060802.htm


26. www.infogm.org/article.php3?id_article=769


27. www.infogm.org/article.php3?id_article=280


28. www.infogm.org/article.php3?id_article=706


29. decisions.fct-cf.gc.ca/fct/2002/2002fca309.html


30. www.infogm.org/article.php?id_article=436


31. www.natpro.be/pcommunes.htm


32. www.biodiv.org


33. C/o AS-PTA – fax : +55 21 2233 8363 ou campanhatrans@uol.com.br

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