Les élu.es et les OGM

Si la réglementation OGM relève de la compétence de l’Union européenne, avec une marge de manœuvre laissée aux États sur certains sujets (c’est le cas par exemple de l’étiquetage sans OGM), les élu-e-s locaux ne sont pas en reste. Ils disposent de quelques outils, bien que limités, pour faire entendre leurs voix sur les OGM et agir directement au niveau local.

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Les élu-e-s locaux peuvent-ils interdire les cultures d’OGM sur leur territoire ?

Au début des années 2000, des maires ont souhaité interdire les cultures d’OGM sur le territoire de leur commune en faisant jouer leur pouvoir de police générale. Certains ont donc pris des arrêtés municipaux basés sur l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), article qui confie au maire le soin d’assurer « le bon ordre, la sûreté et la salubrité publique (…) et « prévenir par des précautions convenables, [(…) afin] de faire cesser les pollutions de toutes natures ».

Malgré cette volonté d’agir de la part de plus de 2200 maires militants (sur 36 000 communes), les arrêtés ont été quasiment tous attaqués par les Préfets devant les Tribunaux administratifs. Ces derniers concluaient majoritairement que la question des OGM relève de la compétence exclusive de l’État. Le Conseil d’État l’a définitivement rappelé en 2012 [1].

Extrait de la décision du Conseil d’État

«  Le principe de précaution, s’il s’impose à toute autorité publique dans ses domaines d’attribution, n’a ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence ; qu’ainsi l’article 5 de la Charte de l’environnement [qui pose le principe de précaution] ne saurait être regardé comme habilitant les maires à adopter une réglementation locale portant sur la culture de plantes génétiquement modifiées en plein champ et destinée à protéger les exploitations avoisinantes des effets d’une telle culture. [Le Conseil d’État ajoute] qu’il appartient aux seules autorités nationales auxquelles les dispositions précitées du code de l’environnement confient la police spéciale de la dissémination des organismes génétiquement modifiés de veiller au respect du principe de précaution  »

Avec cette décision, le maire n’est plus en droit d’interdire ce qui a été autorisé nationalement. Cette décision marque un recul dans l’étendue des pouvoirs du maire, qui pouvait jusqu’à cette décision agir, y compris dans un domaine relevant de la compétence de l’État, en cas de péril grave et imminent [2].

Mais tant que les OGM ne sont pas cultivés en France (la France renouvelle ses moratoires d’interdiction depuis 2008)(cf. Quels sont les pays de l’UE qui ont adopté un moratoire sur les OGM ?), il semble difficile de pouvoir justifier de l’existence d’un péril grave et imminent. En revanche, cette compétence pourrait être utile si les OGM viennent à être à nouveau autorisés, notamment pour protéger des cultures particulières (agriculture biologique, AOC, labels rouges…) des contaminations par des PGM. 

En savoir plus sur les arrêtés d’interdiction : Pauline VERRIERE, « FRANCE – Les arrêtés municipaux qui interdisent la culture d’OGM sont illégaux », Inf’OGM, 2 octobre 2012

Interdire la culture d’OGM dans les espaces protégés

Si les maires n’ont pas la possibilité d’interdire les OGM sur leur territoire, ils peuvent malgré tout interdire les cultures transgéniques dans certains espaces protégés.

Le Code de l’environnement (article L. 335-1) permet, sous condition, cette interdiction dans les parcs nationaux (PN) et les parcs naturels régionaux (PNR) sur tout ou partie de leur territoire. Premièrement, la possibilité d’interdire doit avoir été intégrée dans la charte du parc, laquelle est actualisée tous les douze ans. Deuxièmement, il faut l’accord unanime de tous les agriculteurs présents sur la zone concernée.

Pour mettre en œuvre cette exclusion, le PNR des Monts de l’Ardèche a par exemple obtenu l’accord unanime des agriculteurs par une délibération de la chambre de l’agriculture (composé de représentants élus de l’ensemble des acteurs agricoles au niveau du département), au lieu de réunir l’unanimité des 2500 exploitants, professionnels ou non, que compte le PNR. Cette interprétation du Code de l’environnement, n’a, à ce jour, pas été remise en cause. Cette interdiction peut porter sur l’ensemble du parc ou sur un espace particulier. Ainsi, toute commune présente sur ce type d’espace protégée peut interdire légalement les OGM sur son territoire en utilisant cet article du Code de l’environnement et sous couvert de remplir les deux conditions.

En savoir plus sur l’interdiction des cultures d’OGM dans les espaces protégés : Pauline VERRIERE, « France – PGM et espaces protégés : des pistes mal balisées », Inf’OGM, 21 janvier 2011

Les élu-e-s locaux peuvent prendre position

À défaut d’arrêté d’interdiction, les élus locaux peuvent prendre une position sur le sujet des OGM sous forme de vœu. Il s’agit d’une délibération d’assemblée qui exprime une position sur « tous les objets d’intérêt local » [3].

Un vœu exprime seulement une opinion, il ne permet pas d’interdire la culture d’OGM sur un territoire. Il permet en revanche de sensibiliser les citoyens à cette question, et de faire entendre la voix des collectivités auprès des instances compétentes (États et Union Européenne).

Les élus représentés au sein des organes consultatifs sur les OGM


Le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) appuie le gouvernement français sur les décisions relevant des OGM en lui fournissant des avis. Le Comité économique, éthique et social est notamment composé de représentants des élus, leur permettant de s’exprimer sur le sujet.

Le décret 2008-1273 détaille la composition de cet organe (article R. 531-12) :

«  Le comité économique, éthique et social comprend : (…)

11° Un représentant de l’association des maires de France, désigné par son président ;

12° Un représentant de l’assemblée des départements de France, désigné par son président ;

13° Un représentant de l’association des régions de France, désigné par son président ;

14° Un député et un sénateur de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, désigné par le président de l’office ;
 »

Au niveau européen, le Comité des régions [4], assemblée de l’UE des représentants régionaux et locaux, est consulté au cours de l’élaboration des textes. À ce titre, il intervient donc régulièrement sur la question des OGM.

Des actions locales concrètes

Au delà de la simple prise de position, les collectivités peuvent mettre directement en place des actions concrètes.

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Crédits : European Parliament

Les cantines « sans OGM »

Les cantines scolaires peuvent être un levier d’action important dans le domaine des OGM : en 2014, les collectivités regroupent plus de 47 500 structures de restauration qui assurent un milliard de repas par an. Six millions d’élèves, de la maternel au lycée, fréquentent les cantines.

Un premier pas vers l’exclusion des OGM dans la restauration collective : interdire les produits étiquetés « OGM ». Une action facilement réalisable puisqu’il n’y a dans l’Union européenne qu’une trentaine de produits contenant des OGM. Si cette démarche est un signal fort auprès des producteurs, elle aura cependant peu d’impact sur la production mondiale d’OGM, ces produits représentant peu de volume.

Les élus peuvent aller plus loin en excluant les produits issus d’animaux nourris avec des OGM, comme le lait et produits laitiers, la viande, le poisson, les œufs… En effet, le véritable enjeu des OGM se situe sur les produits issus d’animaux : plus de 80% des OGM cultivés dans le monde servent à nourrir le bétail, et la production de viande absorbe à elle seule 84% du soja importé en France. Mais la principale difficulté est que ces produits issus d’animaux nourris avec des OGM ne font l’objet d’aucun étiquetage particulier. Pour pallier cette absence d’information, les collectivités peuvent introduire au menu des produits qui sont étiquetés « sans OGM » ou dont le cahier des charges correspond à l’absence d’OGM y compris dans l’alimentation animale (agriculture biologique, certains Labels rouges et AOC). Cette démarche permet de sensibiliser les élèves et leurs parents à la questions des OGM, ainsi que de soutenir une agriculture sans OGM. Début 2014, 59% des établissements de restaurations collectives proposent des produits bio (qu’il s’agisse de quelques produits ou de l’ensemble du repas).

Inf’OGM a dressé un état des lieux des applications du « sans OGM » dans les cantines scolaires et a lancé une enquête auprès des collectivités pour recueillir leurs témoignages et leur proposer des pistes de réflexions. Retrouvez ici le rapport complet de l’enquête, avec des exemples d’application dans un certain nombre de communes et des conseils pour la mise en place d’une restauration scolaire sans OGM.




Les cantines scolaires sans OGM (Rapport)

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En savoir plus sur l’étiquetage des OGM dans l’alimentation : Inf’OGM, « Que dit l’étiquetage « avec ou sans OGM » en France et en Europe ? », Inf’OGM, 1er septembre 2020

Soutenir un signe de qualité sans OGM

Le cahier des charges d’une Appellation d’Origine contrôlée (AOC) ou un Label Rouge est en cours de création ou de modification dans votre région ? Même si un élu n’a pas la capacité d’intervenir de manière directe dans la définition des cahiers des charges, il a une position d’acteur essentiel du territoire et peut appuyer l’intégration de l’exigence supplémentaire du « sans OGM » dans ce nouveau cahier des charges.

De nombreuses AOC ont déjà franchi le pas : Comté, volailles de Bresse, bœuf de Charolles, Blason prestige…

À noter que la loi de 2008 sur les OGM (cf. Que dit la loi française sur les OGM ?) prévoit la possibilité de mettre en place un mécanisme de protection des signes de qualité contre les OGM [5]. Des mesures peuvent ainsi être envisagées pour éviter toute contamination (zones tampon entre ces différentes cultures, interdictions sur certains territoires…).

En savoir plus :

Christophe NOISETTE,
Pauline VERRIERE, « Fêtes de fin d’année : vous reprendrez bien un peu… d’OGM ? », Inf’OGM, 14 décembre 2013

Pauline VERRIERE, « Comment communiquer (indirectement) sur le « sans OGM » ? L’exemple de l’AOC Beaufort », Inf’OGM, 10 janvier 2013

Anne FURET, « FRANCE – L’interdiction des OGM n’est pas intégrée dans le projet de loi sur la valorisation des produits agricoles », Inf’OGM, décembre 2007

Inciter la production sans OGM

Les départements et régions octroient des aides à l’agriculture : pour la construction de bâtiments, le développement de certaines filières, l’agriculture biologique, etc. Certaines collectivités ont décidé de poser l’absence d’utilisation d’OGM comme condition à l’octroi de l’aide, permettant ainsi d’encourager très concrètement le développement d’une agriculture durable sur leur territoire.

Citons deux exemples. En 2005, la Région Aquitaine Aquitaine a décidé d’écarter des dispositifs de subvention les entreprises agro-alimentaires utilisant des produits étiquetés OGM. Et depuis 2007, la Région Poitou-Charentes demande aux exploitants agricoles qui sollicitent une aide de signer une déclaration sur l’honneur par laquelle ils s’engagent à ne pas cultiver d’OGM ni en utiliser pour nourrir leurs animaux.

En savoir plus : , « Conditionnner les aides publiques : l’incitation à la production sans OGM », Inf’OGM, 8 juin 2009

Les guides régionaux sans OGM

Certaines régions ont également décidé, en partenariat avec une association locale, de créer un guide des produits régionaux sans OGM, notamment pour les produits issus de l’élevage (viande, produits laitiers, œufs) : une action qui permet de valoriser les producteurs locaux et d’aider les consommateurs et les collectivités à trouver des produits locaux sans OGM. 

Consommer sans OGM en Bretagne : [http://www.consommersansogmenbretagne.org/]

Consommer sans OGM en région Centre : [http://www.consommersansogmenregioncentre.org/]

Consommer sans OGM en Pays de la Loire : [http://www.consommersansogmenpaysdelaloire.org/]

Consommer sans OGM en Normandie : [http://www.consommersansogmennormandie.org/]

Être élu et agir : auprès de qui se renseigner ?

Association Foll’avoine en PACA

L’association agit pour la ré-appropriation du vivant par la collectivité, défend et valorise la biodiversité pour tous via l’information et la sensibilisation ainsi que la proposition et la mise en œuvre d’alternatives.

L’association propose également aux collectivités ayant pris position sur les OGM un panneau « commune sans OGM ».

En savoir plus : [Page Facebook de l’association]

Rés’OGM info en Rhône-Alpes

Rés’OGM Info est née en 2005 d’une rencontre entre une quinzaine de structures liées au monde agricole et à l’environnement, qui voyaient la nécessité de diffuser une information sur les OGM, citoyenne et indépendante. L’association développe des projets d’information sur les OGM et de valorisation des alternatives aux OGM (bulletin d’info, documentaire, conférences débats) sur le territoire rhônalpin auprès de différents publics (agriculteurs, élus, grand public, lycéens).

En savoir plus : [http://www.resogm.org/]

Veille au Grain Bourgogne

L’association est un réseau de plus de 30 organisations en Bourgogne : associations et syndicats agricoles, associations de protection de l’environnement, de la santé, de défense des consommateurs et de solidarité. Son objet : produire et diffuser de l’information indépendante sur les OGM et les pesticides et plus généralement sur les questions d’agriculture et d’alimentation en lien avec la santé, l’environnement et la privatisation du vivant.

En savoir plus : [http://www.veilleaugrain.org/]

Le Réseau Cohérence en Bretagne

L’association regroupe, sur la Bretagne et au-delà, plus d’une centaine d’organisations membres (associations, syndicats, entreprises…) et des membres individuels. Tous sont engagés pour un développement véritablement durable et solidaire. Le réseau travaille notamment sur les guides consommer sans OGM. 

En savoir plus : [http://www.reseau-coherence.org/]

Association nationale des collectivités sans OGM

Suite aux arrêtés d’interdiction de cultures GM, les communes ont connu leurs premiers déboires judiciaires. Est alors née l’idée, en 2009, de créer l’association des collectivités sans OGM pour faciliter l’échange d’expérience et recenser les différentes initiatives.

En savoir plus : , « L’association des collectivités sans OGM », Inf’OGM, 3 septembre 2009

Au niveau européen, c’est le collectif GMO-free Europe qui recense les différentes initiatives dans les régions européennes.

En savoir plus : [6]

[http://www.gmo-free-regions.org/fr/gmo-free-regions.html]

Existe également le réseau des régions sans OGM qui regroupe toutes les collectivités européennes adhérant à la Charte de Florence (2005). Elles s’engagent notamment à œuvrer pour la mise en place sur leur territoire de règles protégeant les cultures sans OGM et biologiques.

[http://gmofree-euroregions.regione.marche.it/Home.aspx]

[2Rappelons pourtant que, selon une ancienne jurisprudence administrative, les maires peuvent en cas de péril imminent et grave utiliser leur pouvoir de police, pour interdire, en l’occurrence la diffusion d’un film, malgré une autorisation nationale (Conseil d’État, 18 décembre 1959, Société « Les films Lutétia », n°36385)

[3conseil municipal art. L. 2121-29 CGCT, conseil général art L. 3131-2 CGCT, conseil régional art L. 4142-1 CGCT)

[5« Art. L. 642-5-1. – Lorsque cela est nécessaire à la protection d’un signe d’identification de la qualité et de l’origine mentionné au 1° de l’article L. 640-2, l’organisme de défense et de gestion concerné ou l’Institut national de l’origine et de la qualité propose à l’autorité administrative toute mesure particulière de renforcement de cette protection concernant les organismes génétiquement modifiés  ».