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FRANCE – Les arrêtés municipaux qui interdisent la culture d’OGM sont illégaux

Par Pauline VERRIERE

Publié le 02/10/2012

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Les maires sont-ils oui ou non compétents pour interdire la culture d’OGM sur le territoire de leur commune ? Sans surprise, le Conseil d’État a répondu, le 24 septembre 2012 [1] : la question des OGM relève de la compétence de l’État, compétence dans laquelle les maires ne peuvent s’immiscer. Les arrêtés municipaux d’interdiction des OGM sont donc illégaux.

C’est en 2008, que le maire de Valence prend un arrêté interdisant la culture d’OGM en plein champ pour une durée de trois ans, sur plusieurs parties du territoire de sa commune [2]. A l’appui de cette décision, il invoquait le principe de précaution pour justifier son droit à agir, notamment du fait de la présence de culture biologique et du risque accru de de dissémination dans l’une des régions « les plus ventée de France ».

Il est interdit d’interdire… la culture d’OGM sur une commune

Comme c’est généralement le cas avec ces arrêtés militants, le préfet a contesté la compétence du maire et l’a déféré devant le tribunal administratif, qui a donné tort au maire, jugement confirmé par la Cour administrative d’appel (CAA). Et c’était maintenant au Conseil d’État, après pourvoi en cassation de la commune, de se prononcer. Si sa décision du 24 septembre est sans surprise, puisqu’elle confirme la jurisprudence établie par les CAA en la matière, elle est en revanche beaucoup plus restrictive sur l’étendue de la compétence du maire.

Les CAA ont en effet régulièrement confirmé les annulations d’arrêtés municipaux estimant que la question de l’autorisation des disséminations d’OGM relève d’une police spéciale c’est-à-dire « de la compétence exclusive du ministre chargé de l’environnement ou du ministre chargé de l’agriculture, selon les cas » [3]. « […] Dès lors, le maire ne peut s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale que dans l’hypothèse de péril imminent ». Il restait donc une petite possibilité pour le maire de pouvoir prendre ce genre d’arrêté : apporter la preuve d’un péril grave et imminent. Mais voilà que le Conseil d’État donne un coup de canif à l’étendue de cette compétence. Désormais, le maire « ne saurait en aucun cas s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale par l’édiction d’une réglementation locale » [4].

« Le principe de précaution, s’il s’impose à toute autorité publique dans ses domaines d’attribution, n’a ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence ; qu’ainsi l’article 5 de la Charte de l’environnement [qui pose le principe de précaution] ne saurait être regardé comme habilitant les maires à adopter une réglementation locale portant sur la culture de plantes génétiquement modifiées en plein champ et destinée à protéger les exploitations avoisinantes des effets d’une telle culture ; qu’il appartient aux seules autorités nationales auxquelles les dispositions précitées du code de l’environnement confient la police spéciale de la dissémination des organismes génétiquement modifiés de veiller au respect du principe de précaution ».

Pour Maître Gaschignard, avocat aux Conseils représentant la Commune de Valence, cette décision s’inscrit dans une nouvelle logique du Conseil d’État : dans un domaine règlementé, le maire n’est plus en droit d’interdire ce qui a été autorisé nationalement [5]. C’est ce qui avait déjà été retenu dans la prise de position des maires quant à l’installation des antennes relais [6]. Cette décision « sonne le glas » des arrêtés municipaux militants. Mais étant donné l’inflation réglementaire dans tous les domaines, Maître Gaschignard se demande sérieusement dans quel domaine les maires pourront faire valoir leur pouvoir de police…

Pour Jacques Olivier, maire du Thor, et Président de l’association nationale des collectivités sans OGM, les maires, et de ce fait la démocratie locale, sont de plus en plus muselés dans leurs initiatives.

…mais d’autres actions locales sont possibles

L’arrêté d’interdiction des cultures d’OGM n’est pas la seule mesure à disposition des élus locaux. Rappelons que les municipalités peuvent prendre position sur la question des OGM par le biais d’un vœu. Ils peuvent ainsi marquer leur désapprobation sans risquer de se retrouver devant les tribunaux. Il s’agit ici d’une simple prise de position et non d’une décision faisant grief (c’est à dire qui porte atteinte à des droits).

Les mairies peuvent également agir au niveau des cantines dont ils ont la charge (maternelles, primaires, parfois maisons de retraite…), en interdisant l’utilisation d’OGM [7] ou en imposant des menus « bio », une mesure concrète, directement en lien avec l’éducation alimentaire. Votre commune se trouve sur le territoire d’un Parc Naturel Régional ? La loi de 2008, sous certaines conditions, peut aussi vous permettre d’interdire, légalement, la culture d’OGM [8].

L’arrêté d’interdiction n’était qu’une possibilité parmi d’autres. De plus cette action était toute symbolique puisque depuis mars 2012, la France a pris une mesure d’urgence qui interdit la culture d’OGM sur son territoire. Néanmoins, l’association nationale des collectivités sans OGM souhaite rester active sur le sujet et va envisager de nouvelles stratégies d’actions. De son côté, la Ville de Valence « continuera à sensibiliser sa population et les différents acteurs dans ce domaine ». Les élus locaux souhaitent clairement continuer à pouvoir prendre position sur la question des OGM, une question qui les touchera de très près si les OGM devaient revenir dans les champs français.

[1Conseil d’État, 24 septembre 2012, Commune de Valence, n°342990, http://www.legifrance.gouv.fr/affic… 

[2Il s’agit des zones d’urbanisation future, zones agricoles et zones protégées référencées dans le Plan d’Occupation des sols (document d’urbanisme de la commune).

[3CAA de Lyon, 8 octobre 2009, Commune de Grigny, n°07LY00757 et CAA de Lyon, 30 juin 2010, Commune de Valence, n°09LY01065

[4cf. note 1

[5Rappelons pourtant, que selon une ancienne jurisprudence administrative, les maires peuvent en cas de périls imminent et grave utiliser leur pouvoir de police, pour interdire, en l’occurrence la diffusion d’un film, malgré une autorisation nationale (Conseil d’État, 18 décembre 1959, Société « Les films Lutétia », n°36385).

[6CE, Assemblée, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492

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