n°149 - mars / avril 2018Fiche technique / Etat des lieux

Les moratoires sur les OGM dans le monde

Par Charlotte KRINKE

Publié le 11/04/2018

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Les mesures d’interdiction visant les OGM à travers le monde se caractérisent avant tout par leur diversité.

Diversité, d’une part, de la nature de l’interdiction : certains pays interdisent la culture commerciale, d’autres la culture expérimentale ou les deux. D’autres encore interdisent l’importation d’OGM. Diversité, d’autre part, du champ de l’interdiction : l’interdiction peut être plus ou moins limitée dans le temps, et plus ou moins étendue d’un point de vue matériel. Par exemple, ne viser que quelques espèces végétales, les OGM transgéniques, les « organismes vivants modifiés » ou, pour les interdictions d’importation, concerner seulement les semences et pas les OGM directement destinés à l’alimentation humaine ou animale ou à être transformés. L’interdiction peut aussi varier dans sa portée territoriale : elle peut s’appliquer à l’ensemble du territoire national ou ne s’appliquer qu’à une partie de ce territoire.

Enfin, deux précisions doivent être gardées à l’esprit : un pays qui n’interdit pas l’importation d’OGM n’autorise pas l’importation de tous les OGM pour autant. Dans la majorité des pays, tout événement de transformation génétique (transgénique le plus souvent) non autorisé est en effet interdit à l’importation. En outre, si une minorité d’États interdit la culture ou l’importation d’OGM, les États qui ne les interdisent pas n’en cultivent ou n’en importent pas nécessairement. Il est donc important de croiser les données sur les interdictions de culture ou d’importation, notamment avec celles sur la culture.

C’est sur le continent européen que sont adoptées la majorité des interdictions de culture commerciale visant les OGM. 

Dans l’Union européenne, la majorité des États membres interdit la culture du seul OGM transgénique qui y est actuellement autorisé à la culture : le maïs transgénique MON810. Ce sont ainsi 17 États membres (sur 28) et quatre régions qui ont fait usage de la possibilité, ouverte depuis la directive opt-out de 2015, de demander à ce que leur territoire soit exclu d’une autorisation de culture d’un OGM délivrée au niveau de l’Union européenne. En France, l’interdiction de culture du maïs MON810 a connu un contentieux judiciaire important avant 2015 : les mesures d’interdiction de culture avaient été annulées à trois reprises. En 2014, une loi a interdit la culture de l’ensemble des maïs transgéniques.

Culture interdite mais importation autorisée : cherchez l’erreur !

Mais l’interdiction de culture commerciale qui est en vigueur dans les 17 États membres de l’Union européenne et les quatre régions n’est pas dénuée d’hypocrisie car elle ne s’accompagne pas d’une interdiction d’importation des OGM. L’Union européenne est en effet fortement dépendante de l’importation des OGM pour l’alimentation de ses animaux d’élevage : la majorité des OGM importés sont utilisés à cette fin. Sur ce point, seule l’Autriche fait figure d’exception : en plus d’interdire la culture commerciale du maïs MON810 sur son territoire, elle interdit son importation (elle interdit aussi l’importation d’autres événements transgéniques : le maïs Bt, le maïs T25, le maïs MON863 et le colza Ms8*Rf3).

En outre, l’interdiction de culture ne vise pas la culture à des fins expérimentales. Certains États membres autorisent ainsi les essais en champ d’autres plantes génétiquement modifiées sur leur territoire alors qu’ils interdisent la culture commerciale du maïs transgénique. C’était le cas de la France entre 2008 et 2013. Hors UE, c’est aussi le cas de la Suisse.

Les lois de certains pays vont plus loin que simplement interdire la culture commerciale des OGM. C’est le cas au Venezuela. Non seulement les cultures commerciales et expérimentales y sont interdites mais aussi l’importation de semences transgéniques. En 2004 déjà, la suspension de toute utilisation de semences transgéniques sur le territoire national avait été prononcée. En 2016, une nouvelle loi sur les semences pose comme objectif d’empêcher « la libération, l’usage, la multiplication, l’entrée dans le pays et la production nationale de semences transgéniques […] ». Elle interdit, entre autres, de produire, commercialiser, utiliser, libérer, et importer des semences transgéniques [1]. Selon un rapport du ministère de l’Agriculture américain, le pays a cependant importé, de janvier à septembre 2017, du maïs et du soja génétiquement modifiés ainsi que des produits issus de ces OGM, principalement en provenance des États-Unis [2]. Mais il est vrai que l’interdiction d’importation ne concerne que les semences transgéniques…

Des interdictions parfois très locales

Le fait qu’un État n’interdise pas la culture d’OGM au niveau national, et même cultive des OGM transgéniques sur son territoire, ne signifie pas pour autant qu’il en cultive sur l’ensemble de celui-ci. Il peut en effet y avoir des interdictions de culture à une échelle territoriale inférieure (ville, district, comté, région, état fédéré…). Ces interdictions sont parfois purement déclaratoires voire illégales. Ainsi au Portugal, deuxième producteur d’OGM dans l’Union européenne, les archipels de Madère et des Açores ainsi que plusieurs communes se sont déclarés régions sans OGM. Ces déclarations ne sont pas juridiquement valides et n’empêchent pas les agriculteurs de cultiver des OGM. Mais elles constituent néanmoins une prise de position politique. Dans certains pays, les interdictions prises à l’échelle locale ont en revanche un effet contraignant. C’est le cas en Australie, en Belgique (la région Wallonie interdit la culture du maïs MON810), au Mexique, au Royaume-Uni (le pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord interdisent la culture du maïs MON810). C’est aussi le cas aux États-Unis même si, de plus en plus, les états fédérés tendent à adopter des lois qui leur transfèrent la compétence de légiférer en matière de semences au détriment des districts, comtés ou villes.

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