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INDE – OGM : rejet d’un brevet de Monsanto pour « non inventivité »

Par Christophe NOISETTE, Frédéric PRAT

Publié le 15/07/2013

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Monsanto n’a décidément plus la cote en Inde. Après la décision de l’état du Maharashtra d’interdire purement et simplement les variétés transgéniques Bt sur son territoire, c’est une demande de brevet qui vient maintenant d’être refusée à la première entreprise semencière mondiale.

En 2003, Monsanto déposait une demande pour obtenir un brevet sur un procédé qui lui permettrait d’améliorer la résistance des plantes transgéniques (soja, maïs, riz, coton, blé, etc.) à différents stress pédoclimatiques, comme la sécheresse ou la salinité. Un procédé miracle, semblait-il. Mais pour la Commission indienne d’appel des brevets, IPAB [1], il s’agit ni plus ni moins que d’une découverte [2]. Dans sa décision, rendue le 5 juillet 2013, l’IPAB écrit que ce brevet ne correspond pas à la définition d’une invention telle que précisée par la loi indienne sur les brevets de 1970. Tout d’abord la structure et la fonction de la protéine ’cold shock protein’ étaient déjà connues et citées dans des travaux antérieurs (section 2(1)(ja)), mais surtout le brevet concernait « un processus essentiellement biologique de sélection ou de régénération qui comprend la croissance de la plante dans un état de stress spécifique » (article 3(j)) [3]. Précisons que Monsanto a déjà reçu une autorisation, aux États-Unis, pour un maïs GM « tolérant à la sécheresse » grâce à la production de cette fameuse protéine (il s’agit du maïs MON87460).

Navdanya précise, dans un communiqué de presse sur ce refus de brevet à Monsanto [4], que la loi sur les brevets en Inde excluait tout brevet sur l’agriculture et les médicaments. Mais l’Inde a dû amender sa loi lors de son intégration dans l’OMC, qui impliquait de se plier à l’accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC). Cependant, suite à de forts mouvements de résistance, le gouvernement a dû préciser ce qui n’était pas brevetable : l’article 3 (d) de la nouvelle loi exclut comme des inventions « la simple découverte de n’importe quelle nouvelle propriété ou nouvelle utilisation d’une substance connue ».

Monsanto avait bien tenté de créer une opposition entre production naturelle de plantes et production basée sur l’intervention humaine. Mais cette opposition est factice, car toute reproduction conventionnelle implique aussi une intervention humaine substantielle. Cependant ceci n’implique pas, a contrario, d’équivalence entre les plantes conventionnelles et les plantes transgéniques, ces dernières étant issues d’un processus technique non naturel. L’Office des brevets et le conseil d’appel ont, à raison, rejeté cet argument et souligné que la demande de Monsanto n’était pas une invention, mais était basée sur beaucoup d’étapes génériques qui sont d’ordre essentiellement biologique [5].

Cette décision, enchaîne Navdanya dans son communiqué de presse, aura un impact important sur la biodiversité et les droits des agriculteurs et la sécurité alimentaire. En effet, un tel brevet aurait pu perturber, voire limiter, le travail de cette association qui fournit des graines de riz tolérant au sel ou au froid aux récentes victimes de catastrophes climatiques en Inde, ces dernières pouvant utiliser le procédé breveté par Monsanto. Pour Vandana Shiva, fondatrice de Navdanya, « les entreprises semencières comme Monsanto sont en train de voler aux paysans leurs connaissances et de les breveter. Nous devons protéger notre liberté de semences ». En 2009, cette association dénonçait déjà plus de 1500 brevets qui avaient été déposés sur des plantes possédant des intérêts dans le cadre de la crise climatique [6]. Navdanya se tient aussi prête à intervenir si Monsanto fait appel à la Cour suprême.

La différence entre « découverte » et « innovation » a été récemment précisée par une décision de la Cour Suprême des États-Unis, qui a refusé d’accorder à Myriad Genetics des brevets sur de « l’ADN naturel » [7].

[1The Intellectual Property Appellate Board of India, IPAB

[3L’Office européen des Brevets avait également par le passé refusé des brevets sur brocolis et tomates ridées pour utilisation d’un procédé essentiellement biologique. Cf. Anne-Charlotte MOY,
Guy KASTLER, « Contestation d’un brevet sur le brocoli : un frein dans la course à la privatisation du vivant ? », Inf’OGM, 25 mai 2011

[5Biologique, dans ce contexte, est un terme de juriste qui veut dire en gros « qui se produit ou peut se produire naturellement »

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