Que dit la règlementation française et européenne en matière de transparence et d’information du public sur les OGM

La transparence et l’information du public en matière d’environnement sont des principes qui ont, depuis longtemps, une place importante au sein de l’Union européenne, mais dont la mise en œuvre notamment en matière d’OGM qui relèvent tant des instances européennes que nationales, reste encore imparfaite.

La transparence : les informations publiques sur les OGM (et celles qui ne le sont pas…)

Au niveau international tout d’abord, le protocole de Cartagena (cf. Qu’est-ce que le Protocole de Cartagena ?), évoque la question de la transparence. Les Parties à ce protocole doivent « s’efforcer de veiller à ce que la sensibilisation et l’éducation du public comprennent l’accès à l’information sur les organismes vivants modifiés » (article 23).

Un principe repris avec beaucoup plus de force par la Convention d’Aarhus [1], qui regroupe 46 pays ainsi que l’Union Européenne. Ce texte, qui s’intéresse à la transparence en ce qui concerne l’environnement en général, n’en oublie pas pour autant les OGM. Ils sont spécifiquement inclus dans la définition d’informations environnementales qui doivent être mis à disposition du public [2].

L’Union Européenne a également mis en place des mécanismes de mise à disposition de l’information. Certains textes concernent :


l’accès à l’information de manière générale
- règlement 1049/2001 sur l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission européenne

l’accès à l’information en matière d’environnement
- directive 2003/4 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement
- règlement 1367/2006 concernant l’application aux institutions et aux organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus.

l’accès à l’information spécifique aux OGM dans un texte consacré plus globalement aux OGM
- directive 2001/18 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement
- règlement 1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés
- règlement 503/2013 relatif aux demandes d’autorisation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux GM…

l’accès aux informations détenues par des instances qui entrent dans le processus d’autorisation des OGM
- règlement 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’AESA…

L’ensemble de ces textes rend obligatoire au niveau européen l’accès à l’information en matière d’OGM, mais ce principe de transparence est assortie d’exceptions. La volonté affichée de transparence est en effet contrebalancée par d’autres intérêts revendiqués par les entreprises, notamment la protection de leurs intérêts économiques et de leur droit de propriété intellectuelle.

De ce fait, toutes les informations ne sont pas disponibles. À la demande du propriétaire de l’OGM certaines informations peuvent restées confidentielles. La directive 2001/18 et le règlement 1829/2003 prévoient des mécanismes où le pétitionnaire peut ainsi demander à ce que certaines informations ne soient pas divulguées. A contrario, le Protocole de Cartagena, la directive 2001/18 et le règlement 1829/2003 précisent les informations à propos des OGM qui ne peuvent en aucun cas être considérées comme confidentielles. Le règlement 178/2002 liste également les informations qui sont détenues par l’AESA et qui ne peuvent être confidentielles (cf. tableau récapitulatif ci-dessous).

La France, enfin, a également prévu un mécanisme d’information concernant les données relatives aux OGM. C’est l’ordonnance 2012-8 du 5 janvier 2012 (4) qui précise les modalités de l’accès à l’information et la participation aux décisions relatives aux OGM.

Plusieurs cas de figure sont envisagés.

Pour les dossiers d’autorisation (qui sont donc déposé au niveau européen), et une fois la procédure arrivée à son terme, et « sous réserve des informations reconnues comme confidentielles », devront donc être rendus publics les rapports d’évaluation, les décisions d’autorisation ou de refus, les avis du Haut conseil sur les biotechnologies (HCB), et les décisions de la Commission européenne (si une objection a été formulée par un État ou la Commission européenne). L’ensemble de ces informations sont regroupées sur internet (http://ogm.gouv.fr/).

Pour les demandes d’essais en champs, l’ordonnance précise le contenu de la « fiche d’information du public » : le but de la dissémination, le nom et l’adresse du demandeur, la localisation de la dissémination, la description de l’OGM, le résumé de l’évaluation des risques pour l’environnement, et le plan de surveillance et d’intervention en cas d’urgence. Cette fiche est affichée en mairie.

Au delà de cette fiche d’information, le contenu du dossier de demande d’autorisation doit encore faire l’objet de précision dans un décret en conseil d’État.

A propos des cultures commerciales, la loi française de 2008 sur les OGM, prévoit plusieurs mécanismes d’information.

1) Toutes personnes souhaitant mettre en culture des OGM doit en informer ces voisins de parcelles.

2) Un registre national qui recense l’ensemble des parcelles cultivées avec des OGM doit être mis à disposition du public sur internet (article 10). Compte tenu du moratoire française renouvelé depuis 2008, et donc de l’absence de cultures, ce registre n’est pas en ligne [3].

Qu’en pense les citoyens ? La participation du public au processus décisionnel

Au niveau international

Deuxième pilier en matière de transparence : la participation du public au processus décisionnel. Sans une bonne information, la réalité de la participation semble compromise, mais encore faut-il que cette dernière soit véritablement encadrée pour être effective et efficace.

Aux termes de l’article 23 du protocole de Cartagena, les États « consultent le public lors de la prise de décisions relatives aux OVM et mettent à disposition du public l’issue de ces décisions ». La Convention d’Aarhus prévoit également cette participation (article 6), notamment pour les activités qui peuvent avoir un « effet important sur l’environnement ». Cette participation doit être « dûment prise en considération », et la décision finale doit être assortie des motifs et considérations sur lesquels la décision est fondée. En ce qui concerne la dissémination d’OGM, la participation ne doit être réalisée par les États que « dans la mesure où cela est possible et approprié ». Une formulation qui laisse la question de la participation des citoyens au bon vouloir des États signataires : les États peuvent intégrer cette participation, mais ce n’est pas le texte de la Convention qui les y oblige…

Au sein de l’Union européenne

Selon la directive 2001/18, les États membres doivent prévoir une consultation du public concernant les essais en champs d’OGM. À charge pour les États membres de fixer les modalités de cette consultation, notamment un délai raisonnable (article 9). La directive impose également à la Commission européenne de donner la possibilité aux citoyens européens de réagir aux autorisations d’OGM destinés à la mise sur le marché (article 24). La Commission européenne rend public le dossier d’autorisation sous une forme synthétique : http://gmoinfo.jrc.ec.europa.eu/gmc_browse.aspx.

« Le public dispose d’un délai de 30 jours pour faire part de ses remarques ». Rien ne dit dans quelle mesure ces remarques doivent être prises en compte. La Commission européenne n’a par exemple, aucune obligation de tenir compte des ces observations en justifiant sa décision finale.

En revanche, à la différence de la directive 2001/18, le règlement 1829/2003 ne prévoit aucune disposition concernant la participation du public. Cela signifie que pour les OGM autorisés sous ce règlement (ce qui constitue aujourd’hui l’essentiel des demandes d’autorisation), les citoyens n’ont aucune voix au chapitre… Les documents de la demande d’autorisation sont disponible auprès de l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

France

En France, les essais (article L. 533-3-2 du Code de l’environnement) doivent faire l’objet d’une consultation par « voie électronique ». Cette consultation est annoncée dans le Journal Officiel. Le ministère de l’Agriculture a ainsi organisé des consultations sur la prolongation d’essais : l’un sur des portes-greffe GM à Colmar, l’autre sur des peupliers GM à Orléans.

La loi française prévoit également que « l’Etat assure une information et une participation du public précoces et effectives avant de prendre des décisions autorisant ou non la dissémination volontaire dans l’environnement et la mise sur le marché d’OGM » (article L. 533-9 du Code de l’environnement).

Au delà de ces deux cas prévus par la réglementation OGM française, les décisions de l’autorité public ayant une incidence sur l’environnement doivent faire l’objet d’une consultation (article L. 120-1 et suivant du Code de l’environnement). À ce titre, le ministère de l’Agriculture a organisé plusieurs consultations sur les projets de moratoires du maïs MON810 en 2012 et 2014.

Le site http://ogm.gouv.fr présente les dossiers sur lequel le public doit réagir, mais le résultat de cette consultations n’est pas disponible. Inf’OGM, à plusieurs reprises, a demandé à avoir accès aux synthèses de ces consultations, mais sans succès.

Dans la pratique, cette consultation par internet reste difficile. Elle nécessite que les citoyens :

- soient informés de cette consultation, or tout le monde ne consulte pas quotidiennement le JO,

- aient accès à internet.

- et surtout puissent argumenter de façon technique sur des dossiers très pointus. Les services ministériels nous ont informés ne pas tenir compte des remarques trop générales. La compréhension de ces dossiers posent donc en soit un véritable limite dans une participation effective.

L’absence de publication des commentaires de cette consultations ainsi que de justification de la décision finale amoindrisse véritablement la portée de ces consultations.

Quand les principes d’information et de participation ne sont pas respectés… De recours en justice sont possibles

Quant l’information n’est pas disponible ou complète, lorsque les citoyens ne sont pas convenablement consultés, le dernier pilier en matière de transparence est celui de l’accès à la justice pour faire valoir ces droits.

La Convention d’Aarhus prévoit que chaque État partie légifère nationalement pour permettre à tout citoyen de former un recours devant la justice, s’il estime que sa demande d’accès à l’information a été ignoré ou rejeter sans fondement (article 9).

L’Union Européenne ne prévoit pas de recours en justice directe pour les citoyens, recours qui doivent être mis en œuvre directement au niveau national.

En France, citoyens et associations peuvent agir en justice y compris en ce qui concerne l’accès à l’information et la participation.

Une procédure simplifiée et gratuite existe auprès de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) pour obliger les autorités publiques à dévoiler certains documents en leur possession. Inf’OGM a ainsi réussi à obtenir des documents détenus par la DGCCRF suite à un recours auprès de la CADA [4].

La transparence, entre principe et réalité

On vient de le voir, il existe une importante réglementation à différentes échelles, concernant la transparence en matière d’environnement et plus particulièrement les OGM. De nombreux points de cette règlementation devraient être améliorés pour rendre l’accès à l’information et la participation des citoyens plus efficaces et véritablement effectif.

Les informations qui doivent être rendues publiques en matière d’OGM doivent l’être directement et sans qu’une procédure de demande soit instaurée. Cela permet un gain de temps pour l’autorité qui détient l’information, autant que la personne qui souhaite en faire la demande. Les informations doivent être disponibles sous format exploitables et le plus rapidement possible pour permettre une véritable contre expertise, ce que ne permet pas une diffusion trop tardive ou une fois le processus décisionnel arrivé à son terme.

La participation des citoyens est d’autant plus important dans un sujet aussi controversé que celui des OGM. L’idée de cette participation n’est pas systématique, elle n’est pas prévue pour les demandes d’autorisation d’OGM sous les règlement 1829/2003 qui constituent aujourd’hui la quasi majorité des demandes d’autorisation. Les citoyens n’ont pas la voie au chapitre. Parfois quand cette participation est prévue, elle reste particulièrement difficile à mettre en œuvre. La technicité du dossier OGM est bien souvent un frein a une participation effective, une attention particulière doit être mise sur les dossiers pour permettre à tous d’en avoir une compréhension et des enjeux qui l’entoure et trouver un moyen de donner aux citoyens tous les outils pour pouvoir véritablement prendre possession du sujet. La thématique des OGM ne doit pas rester un débat d’experts, quiconque devrait pouvoir s’exprimer sur le sujet et voir son avis véritablement pris en compte. Seules la transparence et une participation effective pourront permettre des décisions apaisées à propos des OGM.

[1Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement :
http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/documents/cep43f.pdf

[2Article 2. 3. de la convention d’Aarhus : « L’expression « information(s) sur l’environnement » désigne toute information disponible sous forme écrite, visuelle, orale ou électronique ou sous toute autre forme matérielle, et portant sur :
a) L’état d’éléments de l’environnement tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, le paysage et les sites naturels, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, et l’interaction entre ces éléments ;
 »