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Les OGM sont-ils stériles ?

Par Inf’OGM

Publié le 01/09/2014

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Plusieurs technologies de modification génétique (regroupées sous le nom de GURT – Genetic Use Restriction Technology) et plus connues sous le nom de Terminator) ont été mises au point pour rendre des plantes génétiquement modifiées (PGM) stériles. A l’état sauvage, les plantes et les animaux peuvent se reproduire. La reproduction est même un des critères pour définir un être vivant. L’agriculture est née en utilisant cette fonction première du vivant et les hommes ont commencé à croiser des plantes de la même famille pour obtenir de nouvelles variétés (ou des animaux pour de nouvelles espèces). Cependant, toutes les plantes ou tous les animaux ne peuvent toutefois pas se croiser entre eux. Il existe des barrières biologiques. A la marge, certains croisements réalisés par les hommes ont abouti à des animaux stériles, comme le mulet. Grâce à la sélection paysanne, la biodiversité naturelle a été utilisée pour créer la biodiversité agricole. Les myriades de courges, tomates, etc. n’auraient pas pu contenter nos yeux et nos papilles si l’industrie semencière, qui n’existait pas encore, s’en était mêlée trop tôt. En effet, au XIXe siècle, les entreprises semencières ont réellement émergé. Et avec elles, les techniques de sélection et les droits sur les semences ont considérablement évolué. Elles ont commencé à organiser la stérilisation biologique et juridique des semences. Buts annoncés : produire des semences à haut rendement et garantir un juste retour sur investissement pour les semenciers. Ainsi, on a vu apparaître les premières semences « hybrides F1 » et les premiers droits de propriété industrielle sur les semences. Nous évoquerons aussi la technologie Terminator qui vise à proprement parler à rendre les plantes génétiquement modifiées (PGM) stériles.

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Crédits : Chapstickaddict

Les semences « hybrides » F1 se généralisent après la Seconde Guerre mondiale

Les hybrides F1 sont issus du croisement de deux lignées sur lesquelles l’autogamie a été forcée pendant un certain nombre de générations afin d’avoir des individus homozygotes (dotés de gènes aux allèles identiques) présentant une caractéristique intéressante. Dans le cas des plantes allogames, l’autogamie forcée produit une « dépression consanguine » importante.

Toutes les plantes cultivées n’ont pas été hybridées pour des raisons techniques et agronomiques. La généralisation des hybrides en Europe s’est faite après la seconde guerre mondiale (90% des maïs étaient déjà hybrides en 1945 aux États-Unis). Les maïs hybrides F1, s’ils sont ressemés l’année suivante, dégénèrent dans le champ de l’agriculteur. Leur descendance produit peu d’épis, ou des épis mal conformés. L’agriculteur doit donc acheter, tous les ans, sa semence auprès des semenciers. Ces derniers argumentent que les variétés hybrides sont plus « vigoureuses » que les variétés non hybrides. Certains agronomes constatent qu’un semencier qui a mis au point une variété hybride stoppe la recherche de variété équivalente non hybride, ce qui peut expliquer ces différences de rendement. Ces semences hybrides sont plus chères et ne sont pas reproductibles [1], et le gain éventuel en rendement peut donc être absorbé par les coûts d’achat des semences. Avec les hybrides, la sélection paysanne n’a plus d’intérêt. Avec les hybrides, l’agriculture s’est scindée en deux branches : ceux qui produisent et ceux qui reproduisent. Aujourd’hui, les maïs, betteraves, tournesols inscrits au catalogue et cultivés dans les champs européens ou nord-américains sont majoritairement des hybrides F1 (première génération de croisement). Les paysans du Réseau Semences paysannes travaillent actuellement sur des maïs et des tournesols population, donc non hybrides et reproductibles, avec des résultats très satisfaisants.

Le blé ou le soja sont toujours des espèces dont les variétés commerciales restent facilement reproductibles à la ferme par autofécondation (autogame). S’ils existent quelques variétés F1 de blé ou de soja, la grande majorité ne l’est pas.

Quant au coton, les variétés F1 sont quasiment la norme, sauf en Chine où les sélectionneurs ont travaillé sur des cotons GM F1 et non F1. Cependant la généralisation des F1 semblent s’opérer à grande vitesse. La part de ces hybrides étaient de 33 % en Chine en 1999, elle est passé à plus de 60% en 2006.

Un OGM hybride, comme un hybride non OGM, sans être au sens stricto sensu stérile, ne sera pas reproduit par le paysan. En revanche, des OGM non hybrides, comme le soja (car largement autogame), sont facilement reproductibles à la ferme. Ainsi un agriculteur qui cultive du soja Roundup Ready peut facilement mettre une partie de sa récolte de côté pour s’en servir comme semence l’année suivante. Il aura un bon rendement. C’est ce qui explique en partie le développement rapide des sojas GM au Brésil ou en Argentine. Ces deux pays n’ont pas imposé de droit de propriété intellectuelle sur les semences (brevet, cf. faq brevet) et donc les agriculteurs ont pu reproduire à la ferme leur semence.

L’un des derniers avatars de cette longue mise sous dépendance des paysans est une biotechnologie connue sous le nom donné par ses détracteurs : Terminator. C’est aussi le terme adopté par le ministère allemand de l’Environnement dans un rapport publié en 2003 [2].

Terminator : comment ça marche ?

Plusieurs technologies de modification génétique (regroupées sous le nom de GURT – Genetic Use Restriction Technology) ont été mises au point, soit pour rendre des plantes génétiquement modifiées (PGM) stériles de façon inconditionnelle (les semences Terminator) ou avec une stérilité réversible , en utilisant un agent chimique (les semences Traitor).

Une plante « Terminator » donne naissance à des plantes bien conformées mais dont les graines sont incapables de germer : les graines récoltées une année ne peuvent donc être utilisées comme semence l’année suivante. Cela implique pour l’agriculteur qui les plantent qu’il devra en racheter d’autres l’année suivante. Techniquement , les constructions géniques réalisées comprennent un gène létal dont l’expression est sous la dépendance d’un autre gène qui n’est inhibiteur qu’à la première germination. Cette technologie a été développée initialement par Delta & Pine Land en lien avec le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), Syngenta, DuPont, Monsanto, BASF, et les universités de Purdue, d’Iowa et de Cornell. Cette technologie est bien entendu brevetée.

Dans la continuité, ETC group a dévoilé un autre projet de l’industrie semencière en évoquant les semences Traitor : « Il s’agit de la possibilité de charger dans le patrimoine héréditaire de la plante un certain nombre de propriétés commerciales qui peuvent être activées ou des désactivées avant ou après la vente à l’agriculteur ». Le gène répresseur présent dans les semences de type terminator est remplacée par un catalyseur chimique.

Terminator pour mieux gérer la co-existence des filières ?

Pour mieux vendre une technologie, il faut trouver des arguments socialement valorisables. Ainsi les partisans de cette technologie annoncent que grâce à cette stérilité, la contamination des filières non OGM par des OGM sera réduite. Or, rien ne prouve que cette stérilité génétique permettrait d’empêcher les flux de gènes. La FAO notait dès 2002 : « Cependant, ce mécanisme peut ne pas fonctionner correctement » [3]. De même, un article paru dans Nature Biotechnology [4] soulignait que « Terminator peut ne pas fonctionner comme prévu. Des questions non résolues persistent concernant la bonne ségrégation de gènes multiples, les conséquences de l’inactivation des gènes ainsi que la présence de pollen transgénique ».

Comme le souligne l’association ETC Group, même si la technique Terminator était sûre à 100 %, « il est inacceptable et dangereux de faire croire que l’agriculture devrait dépendre de la stérilisation génétique des semences comme méthode pour contenir la pollution génétique en provenance des plantes génétiquement modifiées. La contamination génétique est un problème grave qui doit être abordé, mais la sécurité alimentaire des populations démunies ne doit pas être sacrifiée pour résoudre le problème de pollution génétique de l’industrie. Si les semences génétiquement modifiées ne sont pas écologiquement sûres, elles ne doivent pas être utilisées » [5].

Terminator dans les champs ?

Plusieurs plantes génétiquement modifiées de type Terminator ont été expérimentées dans des laboratoires et sous serre aux États-Unis : tabac, coton, etc. Mais en 2003, l’entreprise Delta Pine and Land précisait qu’aucun essai en champ de cette technologie n’avait été mené. Il est quasiment impossible de vérifier cette déclaration. Aux États-Unis, les essais en champs sont très nombreux et ils ne sont pas identifiables avec précision. En 2006, des chercheurs en Nouvelle-Zélande ont aussi annoncé avoir créé des conifères génétiquement modifiés et stériles [6].

Actuellement, et officiellement, aucune plante GM utilisant la technologie « Terminator » n’est commercialisée.

Un moratoire international toujours fragile

En 2000, la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) a adopté un moratoire de fait sur les technologies de type GURT. En 2006, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et plusieurs entreprises semencières se sont mobilisés pour qu’à la Conférence des Parties qui s’est tenue à Curitiba (Brésil), la CDB mette fin à ce moratoire. Ces pays réclamaient une évaluation au cas par cas, ce qui a été rejeté par le groupe de travail en charge de l’évaluation de cette technologie. Finalement, la CDB a réaffirmé le moratoire sur Terminator et l’a même renforcé en précisant que toute recherche future doit être effectuée dans les limites établies par le moratoire – ce qui exclut les essais en champs.

Mais la CDB n’étant pas un texte contraignant, chaque pays reste libre d’autoriser ou non Terminator.

L’UE, le projet transcontainer et Terminator : « il est passé par ici… »

Issu du 6e Programme-cadre de l’UE (2002-2006), un projet de trois ans, TransContainer, développait pour l’Europe des arbres et cultures GM que l’on peut « confiner biologiquement » grâce à une « stérilité transgénique réversible ». En gros : une nouvelle tentative de ressusciter Terminator et consorts. « Nous savions que l’industrie des semences ne renoncerait jamais à une technologie aussi lucrative que Terminator, avait déclaré alors Hope Shand, d’ETC Group, mais c’est une honte que l’Union européenne consacre des deniers publics à la mise au point de méthodes de stérilisation génétique des semences ». Il ajoutait : « Le financement du projet Transcontainer par l’UE est d’autant plus troublant que le Parlement européen s’est fermement opposé à Terminator l’an dernier seulement ». Les défenseurs du projet Transcontainer allèguent que son but n’est pas de limiter l’utilisation des semences, mais bien de confiner les transgènes, ajoutant que la technologie à l’étude est différente de Terminator en raison du caractère réversible de la stérilité – les semences pourront redevenir fertiles, sans doute sous l’action d’un produit chimique quelconque. Hope Shand rétorque : « Un scénario qui force les agriculteurs à acheter un produit chimique pour rétablir la viabilité des semences crée une situation de monopole permanent pour l’industrie semencière. Même si ces semences-zombies n’ont pas pour but express de limiter l’utilisation des semences, elles obligent en fait les agriculteurs à payer chaque année le privilège de rétablir la fertilité de leurs semences. Les semences-zombies ne sont pas plus acceptables que les semences-suicide. La technologie Terminator ne sera jamais sûre ni acceptable, quelle qu’en soit la forme ».

En 2011, la Commission européenne lançait un nouvel appel d’offre dôté d’un budget conséquent (3 millions d’euros) pour étudier « scientifiquement » la possibilité de la coexistence (cf. Qu’appelle-t-on la coexistence des filières OGM / non OGM ?). Les résultats précédents (Coextra, Sigmea, etc.) avaient tous conclu que la coexistence OGM / non OGM, pour la plupart des espèces cultivées, est difficile à obtenir si on se base sur le seuil logique de 0,1% pour définir le « sans OGM. Ceci ne semblait donc pas convenir à la Commission. Ce nouvel appel d’offre incite donc les candidats à étudier de plus près les stratégies de bioconfinements : « Il y a aussi besoin d’études de cas de confinement biologique avec, par exemple, un maïs combinant résistance aux insectes, tolérance à un herbicide, et CMS » [7]. Que ce soit cette technique ou celle de Delta Pine and Land, ou une autre encore, derrière c’est la stérilisation du vivant qui est en jeu afin de « maîtriser » les incontrôlables « caprices » du vivant (flux de gène, notamment).

Terminator en Inde, au Brésil et au Canada : « repassera-t-il par là ? »

L’Inde et le Brésil ont inscrit dans leurs lois l’interdiction des semences Terminator… Mais les lois peuvent être modifiées… Ainsi, le Brésil pourrait être le premier pays à autoriser la vente de semences transgéniques utilisant la technologie Terminator. Depuis 2007 en effet, un projet de loi visant à autoriser les semences Terminator (sous condition) se promène dans les couloirs du Congrès brésilien… Il a refait surface en avril 2013. Son examen est toujours en attente. La technologie Terminator y est présentée comme une technique de confinement des plantes transgéniques, ce qui signifie donc que les flux génétiques existent bel et bien entre les variétés transgéniques et « les espèces locales » et / ou les « mauvaises herbes ». Terminator est donc, d’une certaine façon, l’aveu d’un échec des OGM : une fuite en avant… Au Canada, à deux reprises, en 2007, et en 2009, un projet de loi a été déposé par le Nouveau Parti Démocratique (NDP) qui aurait interdit l’importation, l’achat et l’utilisation de semences Terminator, autant au niveau expérimental que commercial.

Alors, les OGM sont-ils stériles ? La plupart ne le sont pas, ce qui explique d’ailleurs les nombreuses contaminations des plantes conventionnelles par les PGM. Mais l’on se doute que face à la difficulté des semenciers à faire respecter l’obligation de racheter chaque année des semences (mettre un enquêteur derrière chaque agriculteur potentiellement contrefacteur revient cher !), les semenciers rêvent d’un système, tel Terminator, biologiquement contraignant, qui obligerait ces rachats. La société civile l’a pour l’instant rejeté. Jusqu’à quand sera-t-elle la plus forte ?

[3Commission de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’Agriculture, Les conséquences potentielles des technologies de restriction de l’utilisation des ressources génétiques sur la biodiversité agricole et les systèmes de production agricole : étude technique ; préparée pour la IXème session ordinaire, Rome, 14-18 octobre 2002

[4Daniell, H., « Molecular strategies for Gene Containment in Transgenic Crops », Nature Biotechnology, Vol. 20, Juin 2002, p. 581-586

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