n°45 - août / septembre 2003

Virus génétiquement modifiés

Par Eric MEUNIER

Publié le 10/10/2003

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Alors que l’Australie et l’Espagne s’apprêtent à lâcher des virus génétiquement modifiés (VGM) dans l’environnement pour contrôler les populations de lapins sauvages, la communauté scientifique se demande si elle a la capacité de réguler correctement des populations d’animaux. L’Australie veut éradiquer les lapins, tandis que l’Espagne cherche à les protéger.

Ainsi, des chercheurs australiens du Centre de Contrôles des Animaux Nuisibles (Pest animal control) ont mis au point un virus génétiquement modifié, dérivé de la myxomatose, en lui insérant un gène capable de provoquer une destruction des cellules reproductives fécondées et donc de stériliser l’animal. Des tests vont être menés sur le terrain durant les deux prochaines années. En Espagne, des chercheurs ont développé un virus génétiquement modifié chargé de vacciner les lapins sauvages contre la myxomatose et l’ont déjà testé sur une île au large de l’Espagne. Reste à obtenir l’autorisation de l’Agence européenne d’évaluation des médicaments. Ce VGM auquel on a ôté sa capacité d’infection, a reçu un ou plusieurs gènes d’intérêt : son rôle consiste seulement à transporter des gènes dans un organisme. En effet, le virus a pour capacité naturelle d’introduire son patrimoine génétique au sein des cellules dans lesquelles il pénètre. Il se sert ensuite de son hôte pour se multiplier puis « contaminer » d’autres cellules.

Mais cette méthode soulève de nombreuses questions. En premier lieu, on sait que les virus voyagent de manière très rapide et incontrôlée, ils peuvent se transmettre de l’animal à l’homme et affecter les populations animales d’autres pays que ceux pour lesquels ils ont été conçus. En second lieu, du fait de leur grande capacité à muter, il est difficile de maîtriser la stabilité des informations génétiques que les virus transmettent. Or il est probable qu’un VGM mutant puisse atteindre une autre espèce que celle initialement visée… Comme l’explique J.M. Heard, directeur d’unité à l’institut Pasteur, « le génome d’un virus n’est pas stable, et quand un virus se réplique, c’est par millions. Lorsque les multitudes de copies d’un virus sortent d’une cellule précédemment infectée, les chances qu’au moins un des exemplaires soit différent de l’original sont proches de 100% ». Troisièmement, les chercheurs ne maîtrisent pas totalement le comportement des virus une fois lâchés dans la nature : « Si on sait à quoi ressemble le virus au moment où il touche sa cible, personne ne sait à quoi il ressemblera une fois en libre circulation. Et ce n’est pas parce qu’il fonctionne très bien dans un laboratoire qu’il fonctionnera à l’identique dans la nature », souligne J.L. Darlix, directeur d’unité à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale. Il est donc possible que « la durée de vie [d’un VGM] soit très courte. Si on se réfère au cas des VGM expérimentaux créés afin de soigner les malades du sida, on se rend compte qu’ils ne sont pas suffisamment efficaces parce que le virus sauvage (VIH) finit toujours par prendre le dessus », précise J.L. Darlix. J.M. Heard rappelle « qu’il existe des méthodes plus simples et plus sûres pour contrôler les populations animales ».

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