n°105 - juillet / août 2010

Union européenne : de plus en plus de gouvernements rejettent les PGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 16/07/2010

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Depuis le début de l’année 2010, les occasions pour les Etats membres et les régions pour manifester leur opposition aux plantes génétiquement modifiées (PGM) ont été très nombreuses. Cette opposition s’accentue, notamment à l’occasion de la proposition de la Commission européenne de permettre aux Etats membres d’interdire des OGM déjà autorisés au niveau européen. Petit tour des récentes mesures anti-OGM en Europe.

Jusqu’à récemment, le maïs Mon810, mis au point par Monsanto, était la seule plante génétiquement modifiée autorisée à la culture dans l’Union européenne. Six Etats membres – Allemagne, Autriche, France, Grèce, Hongrie, Luxembourg – avaient interdit, en déposant une clause de sauvegarde, cette PGM sur leur territoire.

Italie : gouvernement versus Conseil d’Etat

En Italie, ce maïs transgénique était aussi interdit à la culture, mais pour des raisons nationales : en 2006, le ministère de l’Agriculture avait adopté un décret qui instaurait un moratoire de facto jusqu’à l’adoption de lois de coexistence par les régions. Mais un agriculteur, Silvano Dalla Libera, vice-président de Futuragra, une association de 500 propriétaires terriens favorables aux OGM, a attaqué ce moratoire devant le Conseil d’Etat. Le 19 janvier 2010, la plus haute instance judiciaire avait alors conclu que le ministère de l’Agriculture devait finaliser dans un délai de 90 jours le processus d’adoption de la loi nationale sur la coexistence afin de permettre à cet agriculteur de cultiver du maïs Mon810… Opposé aux OGM, le ministre de l’Agriculture, Luca Zaia, avait alors clairement précisé qu’il n’entendait pas se plier à ce jugement et le 15 mars 2010, il a signé un décret qui interdit la culture d’OGM sur le territoire national, au nom du principe de précaution. Cette décision s’appuie aussi sur le refus, la veille, de la Commission des semences du ministère, d’inscrire sur le registre des semences ce maïs GM Mon810. Il y avait urgence, car l’agriculteur qui avait attaqué le moratoire s’apprêtait à semer ce maïs dans la Région du Frioul. Le décret précise explicitement « que les conséquences aux niveaux environnemental, juridique et économique d’une contamination entre filières de production qui doivent rester séparées, peuvent se répercuter sur l’économie d’une région dans son ensemble ».

La pomme de terre Amflora largement contestée

En mars 2010, la Commission européenne autorise une deuxième PGM à la culture, la pomme de terre Amflora, mise au point par BASF [1]. Ce fut immédiatement un concert de protestation, non seulement des ONG mais aussi des Etats membres. Quelques semaines plus tard, le ministre autrichien à la Santé annonce que son gouvernement va déposer une clause de sauvegarde afin que l’Autriche reste une zone sans OGM. Deux autres pays, le Grand Duché du Luxembourg, le 15 juin, et la Hongrie, le 18 juin, décident à leur tour d’interdire officiellement la pomme de terre transgénique. D’autres pays, comme la Belgique, la Bulgarie, la France, la Grèce, l’Italie, Malte et la Pologne, se sont contentés, pour le moment, de dénoncer oralement cette autorisation, sans prendre de mesure réglementaire précise.

Des restrictions… aux interdictions totales

Le 18 mars 2010, le Parlement bulgare a voté contre une proposition, déposée par le ministre de l’Environnement, Nona Karadjova, qui visait à abolir le moratoire de fait sur la culture de toutes les plantes transgéniques sur le territoire national. Le même jour, le Parlement a voté à une très grande majorité un amendement qui interdit la culture des OGM (dont les essais en champs) dans les zones protégées (dont les parcs naturels, les zones Natura 2000), et sur trente kilomètres autour de ces zones, sur dix kilomètres autour des ruches et sur sept kilomètres autour des champs cultivés biologiquement. En cas d’infraction, une amende pouvant aller jusqu’à un million de levs (environ 500 000 euros) est prévue par la loi.

Dernière décision importante de ce premier semestre 2010, l’autorisation tacite accordée par la Commission européenne à Madère de se déclarer « territoire sans OGM ». Il ne s’agit pas de la mise en place d’une clause de sauvegarde sur un OGM particulier, comme nous l’évoquions pour le maïs Mon810 ou la pomme de terre Amflora, mais bel et bien d’une interdiction totale et sans limite temporelle des cultures commerciales sur le territoire de cette province autonome du Portugal. En fait, la Commission s’est contentée de ne pas s’opposer à la décision de Madère dans les délais administratifs impartis… Cette interdiction se base sur l’article 95 du Traité des communautés européennes, qui donne la possibilité à un État d’introduire des mesures nationales spécifiques. Concrètement, le Portugal avait notamment argumenté que les OGM pouvaient potentiellement menacer la biodiversité de l’île et notamment sa forêt laurifière subtropicale classée patrimoine mondial par l’Unesco.

En France, le Haut Conseil sur les Biotechnologies (HCB) devrait rendre son avis sur la coexistence d’ici un an. La loi française sur les OGM a été votée en 2008 mais elle n’est pas réellement applicable faute de décrets. Seront-ils à la hauteur des décisions évoquées précédemment, lesquelles cherchent, en Bulgarie ou à Madère, à protéger les cultures conventionnelles et la biodiversité ?

Toutes ces décisions sont conformes à l’opinion majoritaire des Européens qui, depuis plus de dix ans, expriment leur refus des plantes transgéniques. La Commission européenne est de plus en plus isolée et pour faire passer la pilule propose de scinder le dossier des importations et celui des autorisations à la culture, mais les Etats membres et la société civile ne sont pas dupes [2].

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