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UNION EUROPEENNE – Le Conseil discutera OGM en 2014, pas avant !

Par Eric MEUNIER

Publié le 28/11/2013

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La Commission européenne pensait pouvoir profiter, le 6 novembre 2013, de sa proposition d’autoriser le maïs TC1507 pour remettre au plus vite sur la table du Conseil son nouveau système d’interdictions nationales. Les États membres, eux, entendent suivre leur calendrier : le 20 novembre, la Lituanie, qui préside l’Union européenne jusqu’au 31 décembre 2013, a renvoyé le dossier à la présidence grecque, en début d’année 2014.

Le 6 novembre 2013, Tonio Borg, commissaire européen à la santé des consommateurs, annonçait que la Commission européenne présenterait au Conseil des ministres de l’environnement une proposition d’autorisation du maïs TC1507 [1]. Profitant de cette annonce, le commissaire rappelait le souhait de la Commission que les États membres aient à nouveau « un débat au sein du Conseil des Ministres sur la proposition « Culture » [précédemment appelée proposition Dalli] pour laquelle le Parlement européen a déjà adopté une position » [2]. Car depuis mars 2012, le débat initié par la Commission européenne pour faire évoluer la procédure réglementaire d’interdiction nationale est bloqué. La Commission avait proposé en juillet 2010 de modifier la directive 2001/18 de manière à ce que les États membres puissent interdire la culture de plantes génétiquement modifiées (PGM) sur leur territoire pour des raisons autres que sanitaires ou environnementales.

La décision sur le maïs TC1507 reportée

Lors du Comité des représentants permanents (COREPER) du 20 novembre, la présidence lituanienne de l’Union européenne a obtenu des États membres que le Conseil des ministres de l’environnement, prévu le 13 décembre, n’aborde pas le dossier du maïs TC1507. Selon un diplomate européen, la Présidence a fait valoir que la proposition ayant été reçue mi-novembre, le Conseil n’avait pas le temps de l’étudier. Toujours selon la même source, la Grèce, qui assurera la présidence de l’Union européenne entre le 1er janvier et le 31 juin, a donné un accord informel à ce renvoi sous sa présidence. Mais le calendrier précis reste à définir. La seule décision qui semble acquise est que ce dossier passera du Conseil des ministres de l’environnement au Conseil des ministres de l’agriculture dont une réunion se tiendra le 27 janvier. Mais l’ordre du jour formel de cette réunion reste à établir et un autre report n’est pas à exclure.

La proposition « Dalli », ou « culture », toujours bloquée

Aucune décision n’a en revanche été prise ce 20 novembre quant à une possible relance des discussions sur la « proposition Dalli », maintenant appelée « proposition culture ». Alors que la Commission n’a pas fait de demande formelle pour ce que ce point soit inscrit à l’ordre du jour d’une prochaine réunion du Conseil, les membres du COREPER considèrent ce dossier comme toujours bloqué alors même qu’en janvier 2013, le porte-parole du nouveau Commissaire européen à la santé nous indiquait que « la priorité du nouveau commissaire [était] de relancer les discussions [sur la proposition « culture »] et il parlera dans un futur très proche avec des États clefs comme la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni…  » [3]. Justement, le 22 novembre 2013, le Ministre français de l’agriculture, Stéphane le Foll, a rappelé au commissaire européen que la France souhaite « un dispositif qui soit inattaquable à l’OMC » [4]. Un souci présent dans la tête de certains États membres depuis le début des discussions.

Interdiction d’OGM par les États : une histoire ancienne

Sur cette proposition Dalli, les discussions internes au Parlement européen et Conseil des Ministres n’ont pas échappé au contexte politique entourant la culture des PGM dans les États membres de l’Union européenne. Après quinze ans de débat sur les PGM, seules deux plantes sont autorisées à la culture : le maïs MON810 de Monsanto et la pomme de terre Amflora de BASF, retirée rapidement du marché. Si la Commission européenne s’agace depuis longtemps des réticences des États membres sur la culture des PGM, elle ne peut que constater que plusieurs pays ont pris des interdictions nationales. Ces interdictions, ainsi que la demande des États membres que soit renforcée l’évaluation des risques environnementaux liés aux OGM formulée en décembre 2008, témoignent d’un manque d’enthousiasme d’avoir des cultures de PGM en Europe. Avec la proposition Dalli, la Commission européenne espérait apporter une réponse à ce problème politique. Mais la proposition n’a pas abouti du fait de certains États membres critiques quant à sa mise en œuvre : faiblesse juridique des arguments évocables face à l’OMC en cas de plainte d’un pays tiers, et désaccord politique sur le traitement de cette proposition avant d’avoir traité la demande de renforcement de l’évaluation environnementale des PGM formulée en décembre 2008.

Depuis juillet 2010 donc, trois Conseils des ministres de l’environnement ont échoué à se mettre d’accord à la majorité qualifiée, notamment car la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne se sont opposés à la proposition. En mars 2012, le Danemark avait formulé un compromis qui, reprenant la philosophie de la Commission européenne, proposait que chaque pays puisse négocier directement avec une entreprise pour que cette dernière ne l’inclue pas dans la zone géographique couverte par l’autorisation donnée au niveau européen. Mais ce compromis a lui aussi échoué à obtenir l’aval des États membres. Depuis, aucune discussion officielle n’a eu lieu. Si, le 6 novembre, le Commissaire Borg s’est plu à rappeler qu’une « majorité considérable » d’États membres (en nombre de pays, pas en nombre de votes) ont accepté la proposition de la Commission, il aurait pu également rappeler que ces mêmes États membres ont également confirmé que la question de l’évaluation des PGM devait aboutir avant toute autre discussion.

De son côté, il n’aura fallu qu’une année au Parlement européen pour adopter, en première lecture, son rapport final sur la proposition de la Commission. Et ce rapport changeait notablement la proposition de la Commission car le Parlement décidait que des arguments scientifiques concernant les impacts potentiels sur l’environnement des cultures GM pouvaient être invoqués par les États membres pour justifier une interdiction nationale. Une position clairement opposée à celle de la Commission européenne. Le Parlement, sous la houlette de la rapporteure Corinne Lepage, décidait également que la base légale de la directive européenne 2001/18 devait être la protection de l’environnement et non plus l’harmonisation du marché intérieur comme c’est le cas aujourd’hui.
Et le Parlement rappelait enfin à la Commission européenne que la priorité de cette dernière devait être la mise en œuvre des conclusions adoptées par les ministres de l’environnement en 2008, sur le renforcement des procédures d’autorisation des PGM, avant d’envisager toute modification de la directive 2001/18. Un rappel que les États membres ont pris soin de faire lors de chaque réunion du Conseil des ministres qui abordait ce point.

Le Parlement en pointe, la Commission à la traîne : un futur trilogue difficile ?

Aujourd’hui, un retour de ce dossier sur la table du Conseil des ministres aura donc lieu sans nouvel élément. La Commission n’a pas avancé sur la question de l’évaluation environnementale (du moins officiellement) et la question des arguments invocables – et donc de leur solidité juridique – est toujours d’actualité. Mais la Commission européenne semble interpréter le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne comme un rappel à la loi et une impossibilité de traîner plus pour traiter les demandes d’autorisation à la culture en cours. Prochaine étape donc : une discussion au sein du Conseil des ministres de l’agriculture début 2014. Si le principe de discussions paraît acté, la base sur laquelle elles auront lieu reste à définir, les États membres pouvant choisir comme base la proposition de la Commission de 2010 ou celle du Parlement européen de 2011. Si, en bout de course, Conseil des ministres et Parlement européen devaient tomber d’accord, une nouvelle réglementation serait alors adoptée. En cas de désaccord, la proposition du Parlement européen repartira en deuxième lecture et la Commission européenne intègrera alors les discussions, la procédure passant du dialogue au trilogue. Un potentiel trilogue qui s’annonce difficile, la Commission européenne ayant dès septembre 2011 fait part de son désaccord avec les principales modifications apportées par le Parlement à sa proposition en juillet 2011.

Le report décidé par le COREPER du 20 novembre montre que le dossier de la culture des PGM semble voué à rester bloqué dans l’immédiat. Pourtant, ce que la Commission européenne nomme blocage apparaît plus simplement comme un désaccord des États membres sur ce sujet. La Commission pourrait tout aussi bien proposer une politique de refus des PGM. Mais l’ombre des instances internationales qui imposent des arguments scientifiques à toute décision d’autorisation ou de rejet plane… Et le traité bilatéral en cours de discussion entre les États-Unis et l’Union européenne n’apporte pas des promesses de changement dans le bon sens.

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