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UE – Transparence des données sur les OGM : Monsanto s’oppose à l’AESA

Par Christophe NOISETTE, Eric MEUNIER

Publié le 14/03/2013

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Monsanto a adressé un courrier à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), menaçant de la « poursuivre en justice pour avoir publié les données utilisées pour rendre un avis favorable à l’autorisation de commercialisation de son maïs OGM NK603 » [1]. Le 14 janvier 2013, l’AESA avait en effet rendu public le dossier complet de demande d’autorisation déposé par Monsanto, incluant donc les données brutes fournies par l’entreprise [2]. L’AESA a précisé à l’AFP qu’elle comprenait « qu’il puisse y avoir une opposition à notre initiative de la part de Monsanto ». L’AESA aurait également pu préciser avoir informé Monsanto, préalablement à la publication du dossier, de sa décision de rendre publiques ces données, comme elle l’a indiqué à Inf’OGM dans un courriel daté du 16 janvier 2013, précisant l’avoir fait « en accord avec le cadre légal ».

Dans l’Union européenne, le règlement 1049/2001 [3] établit que « les documents [des dossiers de demande d’une autorisation commerciale pour un OGM déposés par les entreprises, ndlr] [doivent être] rendus accessibles au public soit à la suite d’une demande écrite, soit directement sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre ». Jusqu’au 14 janvier 2013, l’AESA tenait – et tient toujours – à disposition tous les dossiers complets de demande d’autorisation commerciale de plantes génétiquement modifiées (PGM), dans le cas d’une demande écrite. Mais ce 14 janvier, elle faisait le choix de rendre public celui du maïs NK603 non plus sur demande, mais sous forme électronique en libre accès sur son site internet. Cependant, l’AESA précise clairement que le dossier mis en ligne ne lui appartient pas et que toute personne ou organisme souhaitant « reproduire, traduire, redistribuer, exploiter ou utiliser commercialement le contenu » de ce dossier doit « contacter Monsanto Services International S.A », propriétaire des droits d’auteurs sur ce dossier. En effet, le règlement 1049/2001 indique s’appliquer « sans préjudice de toute réglementation en vigueur dans le domaine du droit d’auteur pouvant limiter le droit du destinataire de reproduire ou d’utiliser les documents divulgués » (article 12) .

Interrogée par Inf’OGM, l’entreprise Monsanto ne considère pas avoir menacé l’AESA mais indique « avoir déjà engagé un dialogue avec [elle] sur le sujet et espère trouver une solution acceptable par les deux parties sans avoir à engager d’action en justice  ». Pour l’entreprise, les procédures actuelles permettent « un équilibre entre transparence et droits d’auteurs ». Inf’OGM attend encore des réponses de Monsanto et de l’AESA sur leur lecture respective du droit quant à la transparence sur les dossiers complets.

Que les dossiers complets soient mis en ligne ou à disposition sur demande, les conséquences sont pourtant les mêmes : les dossiers complets doivent être rendus publics selon la loi. Pourquoi Monsanto met-elle alors l’AESA sous pression ? L’AESA a rendu public le dossier du maïs NK603 dans le cadre d’une initiative de transparence plus large qui pourrait concerner, demain, tous les dossiers de PGM [4]. L’enjeu d’une transparence complète est fondamental, et Monsanto a donc fait le choix de mettre la pression sur les institutions publiques pour qu’elles n’aillent pas trop loin dans cette transparence. Mais la société civile, les citoyens, eux, exigent de sortir des discussions en vase clos, notamment quand l’évaluation sanitaire est en jeu. Or, la publication des données brutes est une des conditions pour la réalisation de contre-expertises indépendantes des études réalisées par les entreprises en vue d’obtenir une autorisation de mise sur le marché.

Si l’AESA est donc, pour une fois, du côté de la transparence, elle peut cependant progresser. La demande des scientifiques est que la publication des données se fasse dans un format utilisable et non pas au format .pdf qui oblige la saisie des données, ce qui demande plus de temps, et surtout ce qui peut introduire des erreurs de saisie.

Ainsi, si Monsanto au final se décidait à porter plainte, la Justice sera amenée à clarifier les obligations de transparence ce qui, pourquoi pas, pourrait faire progresser les pratiques actuelles. Un tribunal pourrait en effet donner tort à Monsanto tout en allant plus loin que ce que l’AESA a fait jusqu’à maintenant et imposer par décision de justice que les données soient fournies publiquement sous forme exploitable, telles que, on l’espère, reçues par les experts de l’AESA et des comités des Etats membres.

[3Règlement (ce) n°1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, JO L 145 du 31.5.2001, p. 43–48, http://www.europarl.europa.eu/regdata/pdf/r1049_fr.pdf

[4cf. note 2

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