B. Mitchener précise que l’entreprise a des « essais en champs académiques qui sont en cours […] nous n’avons pas voulu laisser tomber les scientifiques en arrêtant les financements de ces recherches en cours. Pour des raisons scientifiques, nous continuons de les soutenir ». Et de conclure que si « tout se fera maintenant aux États-Unis et dans d’autres pays », l’entreprise Monsanto sera heureuse « de revenir en Europe quand le public européen le voudra ». Il a d’ailleurs précisé à Inf’OGM que, concernant les cultures commerciales, « il est possible que nous continuions à vendre de petites quantités de semences GM dans des pays où des agriculteurs nous les demandent, comme en Roumanie » !
Ces précisions limitent de fait la portée de l’annonce... Concrètement, si Monsanto souhaite pouvoir commercialiser, pour la culture, des produits en Espagne et au Portugal, elle devra continuer à obtenir de Bruxelles des autorisations de culture. Or, ces autorisations seront valables sur l’ensemble du territoire européen. Par ailleurs, les autorisations concernant l’importation sont obligatoires pour que les exportations vers l’Europe des PGM produites aux États-Unis aient lieu. On imagine dès lors mal Monsanto renoncer à la possibilité d’exporter les cultures GM des États-Unis et autres pays vers le continent européen... Brandon Mitchener le confirme d’ailleurs à Inf’OGM en précisant : « nous n’avons pris aucune décision visant à arrêter de soumettre des demandes d’autorisation » !
Seul impact potentiel de la décision de l’entreprise étasunienne : qu’elle ne distribue plus de semences GM dans les 25 autres pays de l’Union européenne. Mais le marché interne étant ouvert, les semences en vente en Espagne et au Portugal seront de fait disponibles pour les agriculteurs des autres pays souhaitant s’en procurer. On se souvient par exemple que la Pologne avait interdit la vente de semences de maïs MON810, et que, malgré cela, 3000 hectares avaient été cultivés avec des semences achetées en Slovaquie, République tchèque ou Allemagne.
Cette annonce n’est pas sans rappeler celle de BASF indiquant en 2012 retirer ses demandes d’autorisation pour des pommes de terre transgéniques, ce qu’elle fit effectivement début 2013 [3]. L’entreprise avait, à l’instar de Monsanto aujourd’hui, évoqué un cadre législatif et politique européen incertain. Mais la décision de BASF trouvait plus probablement son origine dans les premiers retours négatifs d’experts, notamment français, sur une possible autorisation commerciale des dîtes pommes de terre. Pour Monsanto, la très faible part des cultures de maïs MON810 en Europe, quinze ans après que l’autorisation ait été donnée, est un échec commercial cinglant [4].
Enfin, comme l’a confirmé Brandon Mitchener à Inf’OGM, cette annonce « ne concerne que les seules plantes transgéniques ». Or, d’autres techniques de biotechnologie permettent de modifier le génome des plantes. Certaines de ces techniques pourraient être considérées par le législateur européen comme ne donnant pas des OGM ou donnant des OGM mais non soumis à la législation. De telles plantes génétiquement modifiées biologiquement, mais non considérées comme telles légalement, sont le futur des biotechnologies, la transgenèse étant d’ores et déjà une technique obsolète, comme Inf’OGM l’explique depuis plusieurs années.
L’annonce de Monsanto semble donc bien être dans cette ligne d’un changement de visage des biotechnologies : si les plantes transgéniques s’arrêtent, d’autres plantes génétiquement modifiées et brevetées seront à leur tour poussées par les entreprises. Le débat sur les OGM n’est pas fini...