n°119 - novembre / décembre 2012

Pourquoi réclamer les données brutes ?

Par Eric MEUNIER, Pauline VERRIERE

Publié le 27/11/2012

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Gilles-Eric Séralini (GES) l’a répété à nouveau le 16 octobre 2012, les données brutes de son expérience seront rendues publiques lorsque l’AESA et / ou le ministère de l’Agriculture auront fait de même avec les données brutes de Monsanto pour le dossier du maïs NK603.

L’enjeu est de taille puisque seules les données brutes peuvent permettre de conduire une véritable évaluation d’une étude. Surtout, elles permettent de calculer théoriquement la puissance de l’étude présentée, comme l’Anses l’a fait pour le maïs MON810 (et conclure à un manque radical de puissance !), et vérifier la corrélation entre les conclusions présentées par l’entreprise et les résultats bruts obtenus. Ainsi, G.-E. Séralini précisait avoir commencé à fournir ses données brutes aux experts de l’Anses pour qu’ils puissent évaluer son étude. Une autre raison est que GES voudrait que les scientifiques puissent voir si les différences significatives retrouvées par Monsanto pour le NK603 et dites non biologiquement pertinentes par les toxicologues de l’Anses correspondent aux différences qu’il retrouve dans son étude. Ce point est effectivement très important et pourrait complètement changer la donne ! Mais côté Anses, la comparaison des résultats de GES et de Monsanto n’a pas été faite…La demande d’accès aux données brutes n’est pas nouvelle. Aujourd’hui, elles sont accessibles sur demande par les membres des comités d’experts mais non au-delà de ce cercle restreint. Le Criigen a ainsi dû saisir plusieurs fois la Commission d’accès au documents administratifs (CADA) pour pouvoir obtenir les données concernant le MON863. Après une première victoire du Criigen, la Commission du Génie Biomoléculaire a finalement communiqué ces documents tronqués en de nombreux endroits, sous couvert de protection du secret industriel. La demande du Criigen a été jugée recevable une deuxième fois par la CADA, mais c’est finalement par le biais d’une Cour de justice allemande, saisie par Greenpeace, que ces données ont pu être obtenues… Interrogée sur la possibilité d’une publication systématique sur internet de ces données, Mme Geslain-Lanéelle, directrice de l’Agence européenne de Sécurité des Aliments (AESA) a dit que « ce ne serait pas une mauvaise idée [1].

Mais les choses commencent à bouger un peu. Le 22 octobre 2012, l’AESA déclarait avoir communiqué toutes les données au scientifique français. Mais « quand on épluche les dossiers à notre portée depuis lundi seulement, il n’y a pas les données biologiques (analyses de sang, des tissus) sur lesquelles on peut travailler. C’est vraiment un jeu de dupe », a souligné vendredi Joël Spiroux, président du Criigen et coauteur de l’étude. De son côté, Jean-Christophe Pagès, président du Comité scientifique du HCB, confirme que « l’accès aux données brutes pour les chercheurs est nécessaire, et une bonne chose pour lever le point de crispation que représente cette question », position partagée par Christine Noiville, présidente du Comité Economique, Ethique et Social du HCB. Marc Mortureux, de l’Anses, a indiqué que l’Anses tenait à disposition des chercheurs le souhaitant, les données brutes des analyses des entreprises, sous condition de respect des informations confidentielles telles que le nom des laboratoires ayant conduit les expériences. Il faut souligner ici que l’accès aux données brutes par les experts n’est pas forcément gage de travail possible. Le 8 septembre 2011, M. Mortureux indiquait à Inf’OGM que l’Anses avait bien reçu de la part de l’AESA des données brutes d’analyse de toxicité subchronique, mais « sous format papier » ! Autant dire sous une forme immédiatement inutilisable puisque les données nécessitent d’être ressaisies sur ordinateur, avec les erreurs possibles que la saisie de plusieurs milliers de chiffres comporte… Gagner la transparence sur ce point est important. La gagner en obtenant les données sous format numérique exploitable est encore mieux !