n°91 - mars / avril 2008

PGM : polémiques et manipulations autour d’un bilan

Par Christophe NOISETTE

Publié le 31/01/2008

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En ce début d’année, deux rapports, antagonistes, proposent un bilan des PGM. Pour l’Isaaa [1] les OGM sont une seconde Révolution verte, plus propre, permettant aux pays du Sud de participer au marché international ; pour les Amis de la Terre [2], les OGM servent à nourrir le bétail et à produire agrocarburants et textile pour les pays industrialisés, renforçant les méfaits de la Révolution verte.

Les OGM progressent…

L’Isaaa, organisme qui promeut les OGM dans les pays du Sud, subventionné en partie par des entreprises développant des OGM, annonce 114,3 millions d’hectares de “cultures biotechnologiques”, soit une augmentation de 12,3 millions par rapport à 2006 (+12%). Les PGM représentent 2,3% de la surface agricole mondiale, soit une progression de 0,3% en un an.

Sans surprise, ce sont toujours les mêmes pays qui cultivent les mêmes plantes (soja, coton, maïs, colza) avec les mêmes caractéristiques (production d’un insecticide ou tolérance à un herbicide)… Donc toujours pas de riz enrichi en vitamine A ou de blé qui pousse dans les déserts…

L’Isaaa annonce qu’en 2007 “23 pays dont 12 pays en voie de développement (PVD) et 11 pays industrialisés” ont cultivé des PGM. Mais, quatre pays (Etats-Unis, Argentine, Brésil et Canada) concentrent 86% des surfaces cultivées avec des PGM. Et quel lecteur lira en creux que les 169 autres pays n’en cultivent pas ? Quel lecteur saura que certaines cultures GM répertoriées, comme en Pologne, sont des cultures illégales ?

Des chiffres trompeurs

Par une multitude de chiffres anecdotiques, l’Isaaa cherche constamment à détourner le lecteur. Un exemple : “Durant les douze premières années, la superficie cumulée des plantes biotech a été supérieure aux deux tiers d’un milliard d’hectares, ce qui équivaut à environ 70% de la terre agricole des USA”. Quel intérêt y a-t-il à parler de superficies cumulées ?

Les amalgames dans ce rapport sont légion : “Il convient de noter que plus de la moitié (55%) de la population mondiale […] vit dans les 23 pays qui ont cultivé des plantes biotech en 2007”. Si le lecteur pressé en déduit que la moitié de l’humanité “bénéficie” des PGM, qu’en est-il réellement ?

La faim augmente

En Argentine, troisième producteur de soja GM, 27% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et ce chiffre atteint 40% dans les provinces du nord qui ont connu la plus grande progression de la monoculture du soja GM. Par ailleurs, depuis l’adoption du coton Bt par l’Afrique du Sud, le nombre des petits planteurs de coton est tombé de 3229 en 2002 à 853 en 2007. C’est un constat, même si nous n’affirmons pas que le coton Bt soit, seul, responsable de ce fait.

Quant au rendement, les Amis de la Terre expliquent que “les augmentations n’étaient pas dues au “facteur Bt” mais à des conditions météorologiques favorables, à l’adoption de systèmes d’irrigation, à l’introduction de semences conventionnelles améliorées ou de techniques de culture innovantes”. Et la FAO, dans son rapport 2006, précise que “dans les nations en développement dans leur ensemble, la faim a augmenté” pendant les dix dernières années.

…et les pesticides aussi

En se basant sur des données gouvernementales, les Amis de la Terre annoncent “une multiplication par 15 de l’usage du désherbant Roundup aux Etats-Unis. L’augmentation du glyphosate ne remplace pas pour autant les autres désherbants. Entre 2002 et 2006 l’usage du 2,4,D sur le soja a plus que doublé”. Au Brésil, “la consommation des 15 principaux ingrédients actifs contenus dans les herbicides les plus utilisés dans la culture du soja a augmenté de 60% entre 2000 et 2005” et en 2005 et 2006, trois nouvelles espèces d’adventices sont devenues résistantes au glyphosate.

L’Isaaa conteste : “La réduction cumulée des pesticides durant la période 1996-2006 a été estimée à 289 000 tonnes d’ingrédients actifs”. Et toujours selon l’Isaaa, en 2006, les PGM “ont permis d’économiser 14,8 milliards de kilogrammes de dioxyde de carbone, ce qui revient à la suppression de 6,5 millions de voitures de la route”. L’Isaaa cumule les gains liés à la non pulvérisations d’insecticides (les plantes Bt le font gracieusement) et ceux liés au non labour (qui pourtant existait bien avant les PGM). Mais, quelle quantité de Co2 est nécessaire pour produire les intrants, dont le roundup, indispensables à la croissance des PGM ?

A l’inverse, la conférence de la FAO sur l’agriculture biologique (mai 2007) précisait que les systèmes de production biologique “permettent de piéger deux fois plus de carbone dans le sol (principalement dans les systèmes d’élevage biologique) que dans le cas des systèmes de production conventionnels, et de réduire les émissions de gaz à effet de serre”.

[1“Global Status of Commercialized Biotech/GM Crops : 2007”, http://www.isaaa.org

[2Qui tire profit des cultures GM ?”,

Les Amis de la Terre, http://www.foei.org

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