n°95 - novembre / décembre 2008

Organismes génétiquement manipulés ou modifiés ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 01/11/2008

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Une rencontre de scientifiques, le sommet du gène, promise par le Président Nicolas Sarkozy lors du Grenelle de l’Environnement, vient d’être repoussée sine die. Une occasion ratée pour redéfinir la notion même d’OGM, dont le divorce entre le scientifique et le législatif est de plus en plus patent. La société civile a maintenu son contre-sommet (cf. page 3), pour explorer, entre autre, ces nouvelles définitions.

Selon l’article 2 de la directive 2001/18, « un OGM est un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ».

La définition officielle

Tout un chacun pourrait donc croire qu’un organisme dont le patrimoine génétique a été modifié en laboratoire d’une manière non « naturelle » est un OGM. En application de cette directive, c’est le cas des plantes transgéniques mais non des plantes mutantes qui pour certaines voient pourtant leur patrimoine génétique modifié en laboratoire d’une manière non naturelle. Comment comprendre l’expression OGM alors ? Les modifications peuvent être obtenues soit en modifiant directement l’ADN (mutagénèse, polyploïdie, [1]), soit en incorporant un morceau d’ADN (transgenèse, fusion cellulaire…). Au final, la modification génétique doit aboutir à un « nouveau » patrimoine génétique en apparaissant dans les cellules de l’organisme « modifié » autrement que par multiplication et/ou recombinaison naturelle. Dans ce cadre, la directive 2001/18 définit que la recombinaison de l’ADN, la micro ou macro injection d’ADN ou l’hybridation de cellules vivantes (modifiées ou par des techniques non naturelles) conduisent à des OGM. Mais, selon la 2001/18, la fécondation in vitro, l’induction polyploïde (plusieurs copies des chromosomes [2]), les processus naturels de reproduction non sexuée – conjugaison, transduction, transformation – (s’ils n’utilisent pas d’ADN déjà GM bien sûr), la mutagénèse et la fusion cellulaire ne conduisent pas à des organismes juridiquement considérés comme des OGM. Notons que la mutagénèse et la fusion cellulaire, d’abord considérée comme conduisant à des OGM, sont ensuite explicitement exclues par exception.

Une définition à rediscuter ?

Une méthode comme la mutagénèse par exemple, conduit ainsi à l’obtention d’organismes génétiquement modifiés ou manipulés pour le scientifique mais pas pour le législateur. Sans vouloir redéfinir un OGM, on peut considérer que l’expression « génétiquement modifié  » n’est pas suffisamment pertinente et que « Organisme Génétiquement Manipulé », terme utilisé initialement comme l’a rappelé Pierre-Henri Gouyon lors de la mission parlementaire sur les OGM (2005), se rapproche plus de la réalité. Chaque enfant, chaque plante, est un organisme génétiquement modifié par rapport à ses parents. Modifié oui, mais pas manipulé. Si le terme « manipulé » répond à une certaine ambiguïté, il ne répond pas à la question de « quelle technique pour quel résultat ? ». Au regard du résultat obtenu, on peut considérer que la transgenèse, la mutagénèse, l’induction polyploïde (et aussi la fusion cellulaire et l’hybridation si ces deux techniques utilisent des cellules au matériel génétique déjà manipulé) conduisent à des organismes génétiquement manipulés car il y a manipulation du patrimoine génétique d’un organisme, par le biais de modification ou d’incorporation d’ADN, lesquelles sont improbables naturellement.

Pour les plantes mutantes, si certaines sont obtenues selon des techniques reproduisant ce qui se passe dans la nature, la vitesse de sélection imposée aux caractéristiques de ces plantes leur confère une qualité « non naturelle », sans parler des plantes mutantes obtenues non naturellement comme par exposition à des produits chimiques de synthèse ou des rayonnements artificiels. Les exclure des organismes génétiquement manipulés, ou modifiés selon la terminologie officielle, est donc une possibilité législative très discutable scientifiquement. Certains parlent d’ailleurs déjà d’« OGM clandestins… ».

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