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OGM et fichage ADN : la Cour européenne des droits de l’homme déclare irrecevables les requêtes des Faucheurs volontaires

Par Christophe NOISETTE

Publié le 25/01/2012

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Les Faucheurs volontaires contestent, voire refusent depuis de nombreuses années, le prélèvement de leur ADN en vue de son inscription dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Les Faucheurs volontaires contestent, voire refusent depuis de nombreuses années, le prélèvement de leur ADN en vue de son inscription dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

34 Faucheurs ont porté l’affaire [1] devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). L’État français a proposé de régler le différend à l’amiable [2] en versant à chaque faucheur la somme de 1500 euros. Les Faucheurs ont non seulement bien entendu refusé cette proposition, mais l’ont de plus largement médiatisée, en s’offusquant d’un tel procédé, même si tous savaient que ce procédé était légal. Que redoutait tant l’État français, au point de vouloir faire avorter le processus judiciaire ? Un désaveu de la CEDH notamment sur la durée de conservation des données du FNAEG ?

Mais le 20 janvier 2012, c’est le coup de massue pour les Faucheurs : la CEDH déclare « irrecevables » leurs requêtes au motif de « violation de l’obligation de confidentialité des négociations sur un règlement amiable » [3]. Dans son arrêt, la CEDH rappelle en effet «  qu’aux termes des articles 39 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 62 du Règlement de la Cour, les négociations en vue de parvenir à un règlement amiable sont confidentielles ». La CEDH précise que « cette règle de confidentialité revêt un caractère absolu [car] elle vise à préserver les parties et la Cour elle-même de toute tentative de pression politique ou de quelque ordre que ce soit ». Ainsi, la Cour « constate qu’un tel comportement [le fait de divulguer à la presse les détails de la négociation sur un éventuel règlement amiable] illustre une intention malveillante et à tout le moins une exploitation déloyale dès lors que se sont ajoutés à la diffusion de ces informations des propos susceptibles de jeter le discrédit sur la démarche du Gouvernement qui s’était conformé aux règles en vigueur ».

On peut s’offusquer de cette pratique juridique qui restreint le droit à la transparence de l’information, mais cette obligation de confidentialité était connue aussi des Faucheurs. Ils estimaient que le non respect de cette clause entraînerait des sanctions (par ex. le fait d’être débouté de toute forme d’indemnisation) mais n’avaient pas envisagé que la CEDH conclurait à une irrecevabilité. En effet, les juges de la CEDH n’avaient pas d’obligation légale à utiliser cet argument de forme. Choisir d’utiliser cet argument reste donc surprenant et les Faucheurs estiment qu’il masque autre chose.

Alain Barreau, l’un des requérants, interrogé par Inf’OGM, nous a déclaré que cette décision « [l]’a complètement surpris : on ne pensait pas que la Cour irait jusque là ». En guise d’explication, Alain Barreau se demande s’ils n’ont pas été victimes d’un piège. Pour lui, en effet, les diplomates du ministère des Affaires étrangères ont joué avec les règles formelles de fonctionnement de la CEDH. Ainsi, explique-t-il, l’État français a cherché le moyen de se sortir des trois questions que les faucheurs posaient à la CEDH, notamment sur l’atteinte à la liberté individuelle et sur la durée de conservation des données du FNAEG. La condamnation de l’Etat était probable, ce qui aurait jeté un discrédit sur l’ensemble de la loi sur la sécurité intérieure et plus fondamentalement sur le non respect des droits de l’homme par la France. Alain Barreau a déclaré à Inf’OGM que pour éviter cette condamnation, l’État français a anticipé la réaction des Faucheurs sur deux points : ils ne pouvaient pas accepter une somme d’argent pour régler une question de principe ; et ils allaient forcément communiquer largement sur ce qu’ils estimaient être « un scandale ». Il conclut : « nous sommes en quelque sorte tombés dans le panneau ».

Mais Alain Barreau est certain que cette affaire ne fait que commencer : «  Comment pourra-t-on continuer à accepter qu’un État puisse proposer de l’argent public à des militants pour qu’ils renoncent à des requêtes touchant les droits de l’homme ? Si les institutions n’évoluent pas, le scandale ne peut que resurgir, plus vif encore » conclut-il.

Précisons aussi que depuis le vote de la loi française sur les OGM en 2008, un délit spécifique a été établi pour le fauchage d’OGM, délit qui n’entraîne plus le fichage ADN. Pour ce motif, plusieurs tribunaux ont relaxé les Faucheurs qui avaient refusé ce fichage.

[1affaires Mandil c. France (requête no 67037/09), Barreau et autres c. France (no 24697/09) et Deceuninck c. France (no 47447/08)

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