n°101 - novembre / décembre 2009

OGM en 2010 : gros chantier pour la législation européenne

Par Eric MEUNIER

Publié le 03/12/2009

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La Commission européenne (CE) conduit depuis début 2009 une évaluation des textes législatifs qui encadrent les Plantes Génétiquement Modifiées (PGM). Cette évaluation concerne principalement deux textes : la directive 2001/18 et le règlement 1829/2003. Cette évaluation a été demandée par le Conseil européen des ministres de l’Environnement du 4 décembre 2008, qui souhaitait un renforcement de l’encadrement des PGM. Mais, au vu de l’actualité récente, certains se demandent s’il ne s’agirait pas plutôt d’alléger cet encadrement. Le point sur ce chantier en cours…

La première législation consacrée aux PGM à visée commerciale date des années 90 : la directive 90/220 s’intéressait à tout ce qui relevait de la dissémination des PGM dans l’environnement et le règlement 258/97 s’occupait, lui, des aliments produits à partir de, ou contenant, des PGM. 

Un moratoire pour faire évoluer la législation

A la fin des années 90, l’Union européenne, suite aux demandes d’Etats membres comme la France, décide de mettre en place ce qui fut appelé pendant longtemps un moratoire de facto. Ces demandes des Etats membres étaient le fruit de plusieurs campagnes nationales d’opposition aux PGM. Car déjà à cette époque, si les entreprises assuraient de l’innocuité sanitaire, environnementale et des bienfaits économiques de leurs produits, des acteurs de la société civile n’étaient pas convaincus et leurs actions ont réussi à amener le débat et les doutes dans la sphère politique. Au final, la volonté de l’époque était de se donner du temps pour améliorer la législation européenne existante, en vue d’assurer une meilleure évaluation des PGM avant autorisation, de se doter d’un système de biovigilance permettant de « surveiller » les cultures de PGM et leurs possibles impacts sur l’environnement une fois mises aux champs, de mettre en place une vraie traçabilité et un étiquetage des produits en contenant, d’adopter un régime de responsabilité adéquat et de définir un seuil de contamination applicable aux lots de semences.

Avec l’adoption de la directive 2001/18 et des règlements 1829 et 1830/2003, la Commission européenne avait alors considéré avoir répondu aux demandes des Etats membres et avait donc repris les autorisations le 19 mai 2004, en autorisant l’importation de maïs Bt11 de Syngenta.

Plusieurs années et vingt-sept autorisations plus tard – mais aucune autorisation ne concernant la mise en culture ! – ces textes législatifs sont de nouveau l’objet d’une critique de la part des Etats membres et donc d’une nouvelle évaluation [1].

Les experts entrent en action

Mais cette fois, les objectifs visés sont moins clairs. Car toute la dynamique en branle depuis 2008 fait penser à une évolution vers plus de souplesse que de contrôle. Tout d’abord, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) entreprend, sur mandat de la Commission européenne, un travail de réflexion sur les procédures d’évaluation des risques liés aux PGM avant autorisation [2] et « l’évaluation des risques liés aux plantes génétiquement modifiées en Europe : quels principes ? », Inra]]. Les conclusions finales attendues pour mars 2010 iront très probablement dans le sens d’une évaluation moins contraignante car basée sur l’équivalence en substance qui permet de s’affranchir des analyses de toxicologie par exemple. Concernant l’évaluation des textes législatifs en cours, le mandat donné par la Commission vise à établir si les textes existants ont permis la protection « de la santé humaine et animale, de l’environnement et des intérêts des consommateurs, tout en s’assurant que le marché interne reste efficace dans son fonctionnement » [3]. Enfin, anticipant l’utilisation de nouvelles techniques de biotechnologie, la Commission européenne a demandé aux Etats membres de mandater deux experts au sein d’un groupe de travail européen. Pour la France, s’il n’a pas été possible de connaître au ministère de l’agriculture le nom des deux experts, Inf’OGM s’est fait confirmer par la DGAL qu’ils sont tous deux membres du Haut conseil des biotechnologies. L’ensemble de ces experts doivent donc répondre à la question : les nouvelles techniques de biotechnologie conduisent-elles ou non à des PGM ? [4] Les enjeux de la réponse des experts sont assez clairs puisqu’il s’agit d’établir si des plantes modifiées génétiquement seront considérées ou non comme des PGM et tomberont donc ou non, sous le coup de la législation en cours d’évolution.

Vers une législation moins contraignante ?

Quelle suite donnera la CE des rapports qu’elle recevra en 2010 ? Soit elle considèrera que le cadre législatif actuel convient et elle n’envisagera alors aucun changement ; soit le cadre législatif ne convient pas car entre autres il échoue à protéger les consommateurs et l’environnement, et elle entamera alors un travail de modification de la loi européenne visant à renforcer l’encadrement des PGM comme demandé par le Conseil des ministres de l’environnement. La CE peut également considérer que le cadre législatif est efficace dans son objectif de protéger les consommateurs et l’environnement mais qu’il gêne le marché européen. L’argument pourrait être qu’il restreint les importations aux seuls pays capables d’assurer des productions non GM, ou des productions avec des PGM autorisées en Europe.

Dans ce cas, au regard des pressions auxquelles l’UE fait face actuellement, par exemple sur sa politique de refus catégorique des PGM non autorisées, il est probable que la CE propose un changement du cadre législatif permettant notamment une accélération des procédures d’autorisation. Pour cela, elle pourra jouer sur plusieurs fronts : raccourcir la phase d’évaluation (la proposition de l’AESA d’alléger l’ensemble va dans ce sens) ; accélérer le traitement des demandes d’autorisation (une centralisation de cette gestion au niveau européen est possible avec une plus faible mobilisation des Etats membres dans les procédures d’autorisation, ce que le règlement 1829/2003 permet par rapport à la directive 2001/18) ; et surtout, mettre un terme à l’utilisation des clauses de sauvegarde par les Etats membres comme l’OMC lui demande.

Pour envisager tout ceci, la CE aura besoin d’un outil de négociation avec les Etats membres. Ce que pourraient être les propositions des Pays-Bas de mars 2009 [5] et de l’Autriche de juin 2009 [6], qui demandent à la CE de laisser les Etats membres être souverains sur les PGM qu’ils souhaitent autoriser à la culture sur leur territoire, en échange d’une absence d’intervention de leur part dans tous les autres domaines, que ce soit l’importation, la transformation, ou l’alimentation.

Les questions en suspend

Il est d’ailleurs intéressant de noter que la CE n’a toujours pas pris position sur la question des seuils de contamination des lots de semences. A l’heure actuelle, les Etats membres sont libres d’autoriser la commercialisation de lots de semences contaminés par des PGM à des taux qu’ils peuvent établir entre 0 et 0,9%. Que la CE réponde à cette question deviendrait inutile si les Etats membres devenaient officiellement souverain dans leur politique interne sur les PGM en culture.

2010 est donc une année qui verra arriver sur la table de la Commission et des Etats membres des rapports, des avis et des recommandations sur l’évolution à donner à la réglementation européenne sur les PGM. Il faudra alors suivre avec attention les positions des acteurs engagés dans le débat et celles des pays hors UE, intéressés à connaître, si ce n’est influencer, une telle évolution. A l’heure actuelle, aucune disposition de consultation du public n’est annoncée dans ces procédures. Il paraît évidemment nécessaire et impératif que les citoyens européens qui ont porté le refus des PGM depuis dix ans soient consultés directement sur la nouvelle loi.

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