n°28 - février 2002Tribune

Les académiciens au champ

Par Jean-Marc Lelièvre, INRA Toulouse

Publié le 28/02/2001

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Il y a un siècle, le rapport de productivité agricole entre pays pauvres et pays riches se situait dans une échelle de 1 à 10, il est compris entre 1 et 500 aujourd’hui. Selon la FAO, plus de 30 millions de personnes sont mortes de faim en 1998 et 828 millions étaient frappées de malnutrition sévère. Comble : une partie des sous-alimentés vivent dans des pays exportateurs de céréales. Dans ce contexte, le délit d’arrachage des essais au CIRAD est à replacer à l’échelle d’autres délits : les politiques d’ajustement du FMI et la violence des échanges commerciaux dans le monde qui font beaucoup de ravages et peuvent être légitimement tenus pour responsables, au moins en partie, de la malnutrition.

Il y a un siècle, le rapport de productivité agricole entre pays pauvres et pays riches se situait dans une échelle de 1 à 10, il est compris entre 1 et 500 aujourd’hui. Selon la FAO, plus de 30 millions de personnes sont mortes de faim en 1998 et 828 millions étaient frappées de malnutrition sévère. Comble : une partie des sous-alimentés vivent dans des pays exportateurs de céréales. Dans ce contexte, le délit d’arrachage des essais au CIRAD est à replacer à l’échelle d’autres délits : les politiques d’ajustement du FMI et la violence des échanges commerciaux dans le monde qui font beaucoup de ravages et peuvent être légitimement tenus pour responsables, au moins en partie, de la malnutrition. Les OGM sont-ils dès lors essentiels ? On peut en douter, du moins si on admet l’évidence : ce n’est pas la quantité de nourriture produite, mais sa distribution et le pouvoir d’achat des populations qui posent le plus de problèmes.

Comme pour toutes les innovations, il n’est pas inutile de se demander aussi à qui et à quoi servent les OGM. La polémique sur les OGM illustre un autre point que nos « anti-obs-curantistes » oublient : la science fournit de plus en plus vite des objets que le marché s’empresse de vendre, si possible en position de monopole. Que certains de ces objets soient ou non nécessaires est presque secondaire par rapport à la question de savoir comment on peut les utiliser de façon intelligente, et sans être ramené à la consommation « libre, mais obligatoire ». Autre question incontournable : la rapidité avec laquelle les applications suivent une découverte initiale. C’est une question clé pour des OGM non confinés dans les laboratoires, comme les plantes transgéniques qu’on cultive déjà en plein champ, alors que d’importantes questions scientifiques posées par la complexité des interactions possibles dans le monde réel, non confiné, sont loin d’être réglées. Il n’est pas très étonnant que la désobéissance civile puisse apparaître, sous des formes plus ou moins acceptables (mais depuis quand la désobéissance doit-elle être politiquement correcte ?), comme opposées aux institutions chargées de mettre en place une science toujours plus efficacement au service du marché – et donc apparemment à la science elle-même. Faut-il en rester là, et en conclure que des « hordes » des « banlieues de la science » en quelque sorte, comme Madame l’Académicienne et Messieurs les Académiciens semblent le penser, seraient une menace sérieuse pour trouver des solutions aux problèmes de fond ? Le croire ne contribue-t-il pas à nous présenter la fuite en avant du capitalisme comme seule perspective alors que les principes qui fondent notre « vivre ensemble » et la planète qui permet notre existence sont en crise grave et exigent des changements

profonds ?

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