n°21 - juin 2001Tribune

Le patrimoine génétique entre privatisation et nationalisation

Par Arnaud Apoteker

Publié le 31/05/2001

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Il est encore trop tôt pour connaître l’issue des négociations intergouvernementales, méconnues du public, sur ce qu’on appelle l’Engagement International de la FAO, qui se déroulent à Rome entre le 25 et 30 juin. L’Engagement International, engagement volontaire signé en 1983, a pour objectif de préserver le libre accès aux ressources génétiques pour l’agriculture et l’alimentation pour la recherche et l’amélioration des variétés cultivées, condition absolument nécessaire pour préserver et accroître la biodiversité agricole. Il est en cours de renégociation depuis 1995, sous les pressions contradictoires de l’Organisation Mondiale du Commerce, qui cherche, depuis les accords de Marrakech en 1994 à imposer les brevets comme systèmes de propriété intellectuelle pour les organismes vivants, incluant donc les variétés de plantes, les considérant comme des produits industriels ou mécaniques privatisables, et de la Convention sur la Diversité Biologique, qui reconnaît le droit souverain des états sur leurs ressources génétiques, qui sont donc de fait nationalisées et susceptibles d’échanges économiques pour les Etats riches en biodiversité.

Les enjeux de ces négociations sont de faire de l’Engagement International un accord légalement contraignant qui préserve le libre accès aux ressources génétiques pour l’agriculture et l’alimentation, les droits des agriculteurs et le juste partage des bénéfices liés au développement de nouvelles variétés à partir des collections de semences du domaine public.

Entre les intérêts des firmes semencières et agrochimiques transnationales et de certains des Etats qui exigent la possibilité de breveter les espèces végétales tout en refusant de céder une partie des bénéfices dérivés en faveur d’un fonds destiné à préserver les ressources génétiques et la biodiversité agricole, et ceux d’autres Etats, ceux du Sud riches en biodiversité majeure, qui veulent monnayer au mieux leurs ressources génétiques et espèrent, sans doute à tort, de meilleures conditions lors de négociations bilatérales avec les utilisateurs potentiels, le mythe des ressources génétiques comme patrimoine commun de l’humanité semble avoir vécu. Le défi pour la société civile de remettre dans l’agenda international cette notion de patrimoine commun de l’humanité, à préserver pour les générations futures, sera sans doute très difficile.

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