n°97 - mars / avril 2009

L’incroyable histoire du maïs Mon810

Par Eric MEUNIER

Publié le 19/05/2009

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Quatre propositions de levée de moratoire le concernant, trois demandes de renouvellement d’autorisation couvrant l’ensemble des utilisations possibles de plantes et une évaluation des impacts potentiels toujours en cours : le maïs Mon810 est au centre de toutes les attentions en ce début d’année 2009. Ces actualités sont l’occasion pour Inf’OGM de tracer un court historique de cette Plante, seule PGM cultivée en Europe aujourd’hui.

Le maïs Mon810 est commercialisé par Monsanto (Etats-Unis) sous le nom de Maïs YieldGard. Il a été modifié génétiquement pour qu’il synthétise la protéine Cry1Ab, une molécule insecticide contre la pyrale européenne (Ostrinia nubilalis), dont les larves sont le principal ravageur des cultures de maïs.

Premières autorisations

Dans l’Union européenne, il a été autorisé commercialement en février 1998 pour l’alimentation humaine et animale selon la procédure du règlement 258/97 (abrogé depuis par le règlement 1829/2003).

En 2004, ce maïs en tant qu’aliment ou produit dérivé destiné à l’alimentation humaine et animale a été « notifié » selon le règlement 1829/2003 et inscrit sur le registre communautaire en avril 2005. Cette démarche permet à Monsanto de demander son renouvellement selon le règlement 1829/2003 au lieu de la directive 2001/18.

Par ailleurs, il a été autorisé le 22 avril 1998 pour la culture, selon la directive 90/220 (abrogée depuis par la directive 2001/18).

Dans l’UE, en 2008, ce maïs a été cultivé dans 7 pays sur 107 719 hectares en 2008 : Espagne (79 269 ha), République Tchèque (8380 ha), Roumanie (7146 ha), Portugal (4851 ha), Allemagne (3173 ha), Pologne (3000 ha de cultures bien qu’illégales) et Slovaquie (1900 ha).

En France, en 2007, l’année qui a précédé le moratoire, 22 000 hectares ont été ensemencés avec du Mon810.

Le maïs Mon810 est aussi autorisé dans neuf autres pays, dont récemment au Brésil.

Renouvellement du maïs Mon810

Les autorisations données en 1998 étaient illimitées dans le temps, mais la modification de la réglementation européenne et la notification de 2004 ont rendu obligatoire leur renouvellement au bout de dix ans. Ainsi, en 2007, Monsanto a déposé, à la Commission européenne, trois demandes de renouvellement couvrant la culture, l’alimentation humaine et animale, l’importation et la transformation.

Ce renouvellement est l’occasion pour l’UE d’évaluer ce maïs selon sa nouvelle procédure, mise en place depuis 2003 : la procédure 1829/2003. Monsanto a en effet fait le choix de suivre cette procédure, en partie allégée par rapport à la procédure 2001/18 alors que cette dernière cible pourtant spécifiquement la mise en culture.

Précisons que la procédure liée au règlement 1829/2003 fait que l’Etat-membre qui reçoit un dossier ne peut pas ne pas le transmettre à l’UE. L’Etat-membre devient une simple boîte à lettre. La « clause de sauvegarde » se transforme en « mesures d’urgence » moins à facile à déclencher. Actuellement, la Commission européenne gère donc les demandes de l’entreprise Monsanto de renouvellement des autorisations commerciales dont bénéficie le maïs Mon810. Elle a, pour le niveau européen, demandé à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) d’étudier le dossier d’évaluation fourni par Monsanto. Et pour le niveau Etat-membre, c’est l’Espagne – le pays qui accueille le plus de surfaces de maïs Mon810 dans l’UE – qui a été choisie pour évaluer de son côté les données fournies par Monsanto. Notons que les comités d’experts, nationaux ou européens, ne réalisent jamais de contre-expertise mais se contentent de donner leur avis sur les études fournies par les pétitionnaires. Ceci est un point critiqué dans le débat sur l’évaluation des PGM.

Selon le site de l’AESA, au jour du 16 février 2009, les trois dossiers couvrant l’ensemble des autorisations demandées n’ont pas encore été complètement traités. L’AESA n’a donc rendu aucun avis sur les impacts potentiels de ce maïs, dans le cadre des procédures de ré-autorisation des PGM.

Pour l’AESA, l’argumentaire français (avis du Comité de préfiguration de la Haute autorité (CPHA) et rapport « Le Maho », cf. Mon 810 et impacts sanitaires : un débat mal engagé ne remet pas en cause l’avis historique sur le maïs Mon810 publié par le Comité Scientifique des Plantes, le 10 février 1998, avis qui a servi à l’époque à autoriser le Mon810. Or cet avis a été adopté alors que, entre autres, le principe de précaution n’était pas encore appliqué dans la législation européenne sur les plantes transgéniques. Mais c’est depuis le cas, puisqu’il a été intégré à la réglementation européenne dans le préambule de la directive 2001/18. Le Comité Scientifique des Plantes notait dans sa décision de 1998 que ce maïs ne présentait pas de risque pour la santé humaine et animale, mais qu’il considérait que « l’utilisation de la protéine isolée dans les études de toxicité ne reproduit pas de manière adéquate le modèle de dégradation de la même protéine lorsqu’elle est un composant d’une alimentation ». En clair, que les études étaient incomplètes. Une partie de ces études est désormais effectuées, et les résultats, sujets à controverse également, sont présents dans le dossier fourni par Monsanto pour le renouvellement de ses autorisations. Dossier sur lequel, rappelons-le, l’AESA n’a pas encore rendu d’avis.

Un petit sursis ?

Le 16 février, se réunissait le Comité Permanent de la Chaîne alimentaire pour répondre. Or, on l’a vu (Moratoire français et nouvelles autorisations : <BR>la Commission passe à l’offensive !, aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée lors de cette réunion des experts des Etats-membres. La décision sur le maintien ou non des moratoires français et grec est donc reportée à un futur Conseil de l’Union européenne, dont la date n’est pas encore connue.

Mais, le 2 mars 2009, le Conseil Environnement sera saisi de la proposition de la Commission d’obliger la Hongrie et l’Autriche à lever leurs moratoires sur le maïs Mon810. La décision qui émergera de ce Conseil sera déterminante pour l’avenir de la clause de sauvegarde française… A suivre sur www.infogm.org.

Paradoxalement, l’histoire du Mon810 se compose d’une commercialisation vieille de dix ans, d’une évaluation des risques associés en cours, des interdictions nationales… Une histoire complexe qui met bien à jour les désaccords entre la Commission et des Etats-membres et qui souligne, encore une fois, que la gestion des PGM dans l’UE reste pour l’instant entre les mains de la Commis-sion européenne.

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