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ETATS-UNIS – Pourquoi de nombreux OGM échappent à toute régulation aux Etats-Unis ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 12/12/2011

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Inf’OGM rapportait en juillet 2011 que l’entreprise étatsunienne Scott allait pouvoir légalement commercialiser un gazon transgénique sans autorisation de l’administration [1]. Les raisons techniques sont intéressantes à détailler car elles préfigurent ce qui pourrait être demain une stratégie de contournement de la loi étatsunienne sur les OGM pour les entreprises. Scott a modifié génétiquement par transgenèse la variété de gazon appelée pâturin des prés (Poa pratensis / Kentucky Bluegrass) pour la rendre tolérante au Roundup (herbicide à base de glyphosate). Dans son courrier en date du 13 septembre 2010, adressé au ministre étatsunien de l’Agriculture, Tom Vilsack, Scott rappelle que selon les règles du ministère lui-même [2], est considérée comme plante génétiquement modifiée (PGM), toute plante « qui a été modifiée ou produite par génie génétique, si l’organisme donneur, l’organisme receveur, le vecteur ou l’agent vecteur » sont des ravageurs, nuisibles aux végétaux. Une liste de ces organismes a été établie par le Service d’Inspection de la Santé Animale et Végétale (APHIS en anglais) [3]. Scott précise donc dans sa lettre que ni les billes d’or utilisées en biolistique pour forcer l’introduction du transgène dans les cellules végétales, ni la variété pâturin des prés (l’organisme receveur), ni Arabidopsis thaliana (l’organisme donneur du transgène) ne se retrouvent dans cette liste. En conséquence, l’entreprise demandait au ministère de confirmer que son gazon transgénique n’était pas concerné par la législation sur les plantes génétiquement modifiées (PGM) aux États-Unis. Ce que le ministère a fait par le biais d’une décision publiée le 7 juillet 2011 au registre fédéral [4]. Pourtant, une interdiction était légalement envisageable, pour peu que le ministère ait considéré le produit final (le gazon transgénique) comme soumis à la loi sur les plantes invasives et nuisibles, du fait de l’émission de pollen pouvant transporter le caractère transgénique vers d’autres plantes sexuellement compatibles. Une possibilité rapidement écartée par l’APHIS le 30 juin 2011, du fait, notamment, du peu de rapports scientifiques concernant des dommages dus au gazon [5].

Cette décision concerne, aux États-Unis, l’ensemble des plantes génétiquement modifiées avec de telles caractéristiques. Dans sa foire aux questions, l’APHIS elle-même précise qu’une des trois conditions (l’organisme donneur, le receveur ou le vecteur est un « nuisible » du monde végétal) remplie suffit à considérer la PGM comme soumise à la loi sur les OGM [6]. Échappent donc à la loi sur les OGM – et donc aux obligations d’essais en champs et d’autorisation formelle – les PGM obtenues selon une procédure ne faisant intervenir aucun organisme nuisible. Les PGM obtenues en utilisant la bactérie Agrobacterium ne sauraient donc être considérées comme non OGM. Mais les entreprises ont désormais la possibilité d’adapter leur procédure de fabrication de PGM avec de nouvelles techniques de biotechnologie [7] pour répondre à ces critères. Ces techniques visent à modifier génétiquement les plantes autrement que par transgénèse. Et certaines d’entre elles, comme la cisgénèse (pour laquelle les organismes donneurs et receveurs sont les mêmes, et a priori, ne sont pas des « nuisibles ») couplée à la biolistique (une technique « physique » donc non classée comme « nuisible »), ou encore la mutagenèse guidée par oligonucléotides (là encore, en dehors de l’intervention de tout nuisible, cf. réf. 7), répondent d’ores et déjà en partie aux conditions énoncées…

[27 CFR Part 340 : Introduction of Organisms and Products Altered or Produced Through Genetic Engineering Which are Plant Pests or Which There is Reason to Believe are Plant Pests, http://www.access.gpo.gov/nara/cfr/…

[3Section 340.2 de la loi 7 CFR Part 340, http://edocket.access.gpo.gov/cfr_2… 

[4Registre fédéral, Vol76, n°130, 7 juillet 2011, pp39 812, http://www.regulations.gov/# !docume… 

[5« Review of Petition to Add Genetically Engineered Glyphosate-tolerant Kentucky Bluegrass to the Federal Noxious Weed Regulations », 30 juin 2011, http://www.regulations.gov/# !docume… 

[7Meunier et al., Nouvelles techniques de transformation du vivant : pour quoi ? pour qui ? ; éd. PEUV, 2011

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