n°40 - mars 2003Tribune

Brevets en procès

Par Eric Gall, Greenpeace

Publié le 28/02/2003

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Suite à un recours de Greenpeace, de Misereor et du gouvernement mexicain, la chambre des recours de l’Office européen des brevets (OEB) a révoqué le 12 février dernier un brevet de la compagnie Dupont sur du maïs à haute teneur en huile et en acide oléique. De tels maïs existent déjà dans la nature, notamment au Mexique, mais Dupont prétendait avoir fait preuve d’inventivité en décrivant une méthode combinant mutagenèse chimique et hybridation (autrement dit… la castration du maïs). Le brevet, accordé en août 2000 par l’OEB, couvrait le procédé mais aussi toutes les utilisations de tels maïs, de la récolte aux applications industrielles, en passant par les animaux nourris avec ces plantes.

Tout est bien qui finit bien, pourrait-on croire, les paysans mexicains peuvent dormir sur leurs deux oreilles en attendant un recours contre le brevet américain. Si ce n’est que ce cas exemplaire de biopiraterie est représentatif d’une tendance de fond et des dérives de l’OEB. Le débat sur la brevetabilité du vivant se focalise souvent sur les brevets sur les gènes humains et leur impact en matière de santé publique. Pourtant, ce n’est rien de moins que le contrôle des ressources alimentaires qui est en jeu avec les brevets sur les ressources phytogénétiques. Quelle marge de manœuvre restera-t-il aux rares semenciers indépendants et surtout, quelle place pour les paysans et pour des modèles d’agriculture non-industriels ?

Une bonne partie de la communauté scientifique et du monde politique a bien compris l’aberration d’un tel régime de propriété intellectuelle. La Directive européenne 98/44 permet de breveter des découvertes, freine la recherche et constitue un non-sens économique et stratégique pour l’Europe. Sur le million de demandes de brevets sur des séquences génétiques déposées dans le monde, 85% sont d’origine américaine. Neuf Etats membres de l’UE n’ont toujours pas transposé cette directive et les députés français avaient voté à l’unanimité un amendement aux lois de bioéthique en exigeant sa renégociation. Le 28 janvier, sous l’impulsion de Jean-François Mattéi, les sénateurs ont reculé en adoptant une formulation qui se contente de réduire la portée des brevets à la fonction décrite.

Cela semble suffisant pour faire enrager la Commission européenne et une partie de l’industrie mais, sans modification des règles européennes et du fonctionnement de l’OEB, les aménagements nationaux resteront des écrans de fumée destinés à rassurer l’opinion.

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