Bonneuil, C. & Thomas, F., « Gènes, pouvoirs et profits : Recherche publique et régimes de production des savoirs de Mendel aux OGM »

« Le progrès génétique n’est plus ce qu’il était. Il n’a plus l’évidence qu’il revêtait à la création de l’Inra en 1946, quand les généticiens et de l’Institut avaient pour mission de fournir aux agriculteurs des variétés à meilleurs rendements »... Ainsi commence l’introduction d’un ouvrage consacré à l’histoire de l’amélioration variétale en France et plus particulièrement à l’amélioration végétale prise en charge par la recherche publique, c’est-à-dire par l’Inra. Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, les auteurs de cet ouvrage extrêmement précis et détaillé, sont tous deux des historiens des sciences. Ils apportent un regard distancié qui permet de prendre en compte les points de vue différents sur l’amélioration variétale qui mobilise de nombreuses disciplines, des métiers et des cultures épistémologiques différentes. A travers cette histoire, on appréhende trois moments importants : le premier moment concerne la semence dite domestique, puis apparaît après la Seconde Guerre Mondiale, « le régime du progrès génétique planifié », enfin le régime contemporain marqué par la domination du gène et donc la production d’OGM. Le livre n’aborde pas l’amélioration variétale pour soi. Les auteurs précisent en effet que lorsqu’on améliore des plantes, on le fait toujours en optimisant le végétal par rapport à des objectifs et des critères particuliers et historiquement situés. Et tout cela évolue dans un contexte qui est lui-même le résultat de l’évolution des techniques. Ainsi, les auteurs montrent comment le contexte de la concentration industrielle dans le domaine des semences a amené l’Inra à « dealer » avec les entreprises telles que Monsanto, Novartis, Plant Genetics System, etc. Pour les auteurs, un tournant s’opère avec les plantes génétiquement modifiées. En effet, les PGM, d’objets purs de science et d’expérimentation, deviennent un objet social et controversé. Les OGM ont fait basculer la recherche dans le domaine public, dans les débats complexes et ont obligé l’Inra à prendre en compte la relation étroite entre science et société. L’ouvrage aborde aussi parmi les « innovations variétales buissonnières », les semences de ferme et les semences paysannes...


« Gènes, pouvoirs et profits : Recherche publique et régimes de production des savoirs de Mendel aux OGM », Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, éd. QUAE / FPH, octobre 2009, 620 p., 55 euros