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Biopiraterie – Le protocole de Nagoya bientôt ratifié par l’UE ?

Par Pauline VERRIERE

Publié le 04/09/2013

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Le Protocole de Nagoya [1] tente, au niveau international, de lutter contre la biopiraterie, c’est-à-dire l’appropriation de ressources génétiques sans l’accord ni la rétribution du pays dont elles sont issues, ni des populations locales qui les utilisent traditionnellement. Ratifié par seulement 19 États, le texte n’est toujours pas en vigueur, faute des 50 ratifications nécessaires. Ces ratifications sont pourtant importantes : outre rendre obligatoire le texte pour les Parties, elles permettront dans le législations nationales de préciser les lacunes du texte, notamment cette question : les obligations de l’utilisateur doivent-elles être déclenchées par le nouvel accès à une ressource ou une nouvelle utilisation de cette ressource ? Les obligations découlant du protocole doivent-elles se déclencher au moment de la ratification du texte par le pays utilisateur, par le pays d’où proviennent les ressources ou les deux ? L’Union européenne travaille actuellement à ratifier ce texte et essaye de trouver une réponse à ces deux questions, au cœur du débat parlementaire en cours…

Pour que l’Union européenne devienne à part entière Partie à ce Protocole, elle doit d’abord approuver le texte dans sa globalité [2]. Elle doit également prendre des mesures pour mettre en œuvre le texte sur son territoire [3]. Si la première démarche ne pose pas de problème, le projet de règlement, en revanche, soulève plusieurs questions.

Deux associations, La Déclaration de Berne et Natural Justice ont des doutes sur cette proposition quant au respect des principes posés par le Protocole de Nagoya. Le champ d’application du texte proposé par la Commission est très restreint et exclura bon nombre de ressources, ce qui, pour les deux ONG « reviendra à légaliser la biopiraterie » [4].

Nombreuses sont les ressources naturelles déjà utilisées par les entreprises occidentales. Pourtant le Protocole de Nagoya, censé rendre cette utilisation plus juste pour les pays d’où proviennent les ressources, n’est toujours pas en vigueur. En attendant, l’utilisation et l’appropriation des ressources continuent.

C’est pour cette raison que le moment de l’entrée en vigueur du texte est importante.

Imaginons une entreprise française utilisant du roïboos dans l’un de ses produits : parce que le Protocole n’est pas en vigueur au moment de l’acquisition de la ressource, cela-signifie-t-il que l’entreprise en question ne doit pas partager les avantages avec l’Afrique du Sud, d’où provient cette ressource ? C’est cette hypothèse, celle où c’est l’acquisition qui déclenche les obligations de Nagoya, qui a été retenue par la Commission européenne. Toutes les ressources acquises avant son entrée en vigueur, et elles sont nombreuses, ne seront donc pas concernées par un partage juste et équitable. De quoi faire perdre un peu d’intérêt au texte initial, et qui serait contraire aux objectifs du protocole selon les deux ONG. Une telle interprétation aurait également l’effet pervers de créer une incertitude juridique pour les entreprises européennes : contrairement à la position de la Commission, beaucoup de pays qui détiennent les ressources ont fait le choix de faire débuter la mise en place des ressources pour une nouvelle utilisation, et non pas le moment du prélèvement. Ce qui aurait pour conséquence de rendre la même situation légale en Europe, mais illégale dans les pays ressources.

Sur la base de la proposition de la Commission, le 4 juillet 2013, la Commission environnement du Parlement européen, a voté les amendements présentés par Sandrine Bélier (Europe Ecologie Les Verts) sur ce projet de règlement. Et c’est un texte beaucoup plus ambitieux qui est sorti de cette Commission : l’accès et l’utilisation permettent de mettre en œuvre les obligations des utilisateurs. Une nouvelle utilisation d’une ressource, même si cette dernière a été collectée de longue date, entrera dans le champ du texte. Ce sont donc beaucoup plus de ressources génétiques qui seront concernées par la partage des avantages.

Le texte doit encore faire l’objet d’un vote devant le Parlement européen, les 10 et 11 septembre prochains. Nous saurons alors si l’Union tient des engagements forts vis-à-vis du Protocole de Nagoya… ou pas [5].

[1découlant de la Convention sur la diversité biologique, entend assurer, à l’échelle internationale, « l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantage découlant de leur utilisation ». cf. Traités contre la biopiraterie : Nagoya / Tirpaa

[4Communiqué de presse et document d’analyse : http://www.evb.ch/fr/p25021509.html

[5sur la biopiraterie, voir également : Frédéric PRAT, « Biopiraterie et savoirs des peuples (vidéo) », Inf’OGM, 28 novembre 2016

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