Fiche technique / Etat des lieux

BULGARIE : ses PGM et sa loi deviennent européennes

Par Eric MEUNIER et Laure Thomas (Agrolink)

Publié le 31/01/2007

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La Bulgarie a intégré l’Union européenne le 1er janvier 2007. En 2004, suite à une proposition de loi parlementaire, la réaction d’une coalition d’ONG a conduit à l’adoption d’une loi qui a largement rétréci le champ des possibles pour l’introduction des PGM commerciaux et expérimentaux. Mais ce quasi moratoire tiendra-t-il encore longtemps vis-à-vis de la Commission européenne ?

L’utilisation des biotechnologies en agriculture en Bulgarie remonte au début des années 90. Pas encore sous la coupe des réglementations communautaires, la Bulgarie a été un terrain d’expérimentation pour les entreprises semencières. Ces dernières se sont appuyées sur les laboratoires de recherche nationaux en quête de nouvelles sources de financements après la chute du régime communiste. De nombreuses informations présentées ici sont extraites d’interviews et de déclarations de l’administration ou de chercheurs, sur lesquelles se sont appuyées par la suite les associations EcoSouthWest et ANPED pour leur rapport “Bulgaria : The Corporate European Playground for Genetically Engineered Food and Agriculture” publié en mai 2000. Compte tenu du caractère confidentiel des informations relatives aux PGM avant 2004, il fut parfois difficile à ces ONG d’obtenir des confirmations officielles.

Années 90 : champ libre aux expérimentations

Dès 1991, un tabac comportant des gènes de résistance à des virus et à des bactéries ainsi qu’une luzerne transgénique étaient cultivés expérimentalement à Kostinbrod par l’Institut du Génie Génétique (IGE). En 1999, une pomme de terre GM résistante au doryphore était testée pour la première fois en plein champ sur 30 ha en 2000, puis sur 3 hectares en 2001. On relevait également des cultures de tournesol et de tabac. Selon le rapport d’Eco-SouthWest, plusieurs interviews et articles de presse de l’époque citaient des essais sur d’autres cultures, incluant des variétés de blé résistant à un herbicide de Monsanto et de Novartis, ainsi qu’une variété de pomme de terre Bt de Monsanto [1]. Pourtant, le même rapport précise que, selon les membres du Conseil de Biosécurité de l’époque, seules des autorisations de cultures expérimentales avaient été accordées au maïs résistant au Round Up de Monsanto et au maïs Liberty Link de Pioneer, mais pas aux variétés Bt résistantes aux insectes. En 2000, des scientifiques bulgares déclaraient que les avancées les plus probantes concernaient le tabac et portaient sur des caractères de résistances au virus de la “mosaïque”, des maladies bactériennes et fongiques, des caractères de résistances aux températures extrêmes et de tolérance aux herbicides et métaux lourds. À cette époque, ils déclaraient que d’autres PGM avaient été mises au point, incluant la luzerne, la tomate, la vigne, l’orge, le maïs, la pomme de terre, l’œillet et la pomme [2].

Les essais en champ étaient alors autorisés par le Conseil de Sécurité de l’Ingénierie Génétique des Plantes Supérieures, établi selon des règlements de 1996 [3]. Présidé par le Ministre de l’Agriculture et un Secrétaire exécutif, le Prof. Atanassov, également Directeur de l’IGE, ce conseil était chargé, avant 2004, de délivrer des autorisations de cultures en plein champ à des fins commerciales et de recherche. Cependant les registres contenant les informations sur les autorisations accordées et le détail des PGM en cause étaient considérés hautement confidentiels et n’étaient pas rendus publics. Le conseil pouvait accorder, indépendamment du gouvernement, des autorisations d’essais en plein champ, de culture commerciale, d’importation et d’exportation de plantes GM, de semences et d’autre matériel végétal GM. Un enregistrement des cultures GM était mis à jour mais restait et reste toujours non disponible pour le public. Quiconque appartenait à ce conseil signait une clause de confidentialité. Le Prof. Atanassov, figure clef dans ce paysage institutionnel comme secrétaire de ce Conseil, conduisait, dans le même temps, des travaux avec Monsanto et Pioneer, au sein de l’IGE dont il est toujours directeur.


La nouvelle réalité agricole bulgare

Dans les années 90, après la fin de 40 ans de monopole communiste, l’agriculture bulgare connaît une profonde déstructuration et un déclin grandissant dans l’économie nationale. Ce secteur couvrait, en 2004, 11% du PIB et employait 25% de la population active. En 2003, les terres agricoles utilisées représentaient 5 326 000 ha soit 48% du territoire national dont 60 % en terres arables et presque 8% temporairement non-cultivées. L’agriculture est devenue un secteur basé sur la propriété individuelle ainsi que des coopératives privées et des entreprises privées : 98% des terres agricoles ont aujourd’hui un statut de propriété privée. Environ 770 000 exploitations gèrent 3,4 millions d’hectares, soit environ 4,4 ha par exploitation, mais ces chiffres rendent difficilement compte d’une réalité des extrêmes. L’agriculture de subsistance joue un rôle tampon dans les bas salaires en milieu rural [4]. Plus de 1,5 millions de foyers (soit 51,5% des foyers en Bulgarie) cultivent des terres et élèvent du bétail, sur une surface moyenne de 0,64 ha. À l’opposé, un petit nombre de particuliers ou entreprises coopératives, pour la plupart producteurs de céréales, occupe la majeure partie des terres agricoles.

Dans le même temps, le secteur des productions spécialisées à haute valeur ajoutée (petits fruits, herbes médicinales et aromatiques, roses pour la fabrication d’huile essentielle) se développe pour mieux correspondre à un marché d’exportation, et ce notamment en agriculture biologique.


Mystérieuses cultures commerciales

Pour ce qui est des cultures commerciales, dès 1998, une information officielle révélait que trois compagnies – Monsanto, Pioneer et Novartis – avaient déposé une demande d’autorisation pour commercialiser du maïs transgénique, soit tolérant à un herbicide (Round Up ou Basta), soit résistant à la pyrale du maïs (maïs Bt) ou bien une combinaison des deux caractères. Bien qu’il ne soit pas établi que ces compagnies aient obtenu ces autorisations, on peut supposer que ce fut le cas, puisque les catalogues des compagnies semencières proposaient des variétés de maïs GM dès 1999 et 2000. Les compagnies semencières ont alors passé des contrats avec des distributeurs locaux qui revendaient directement les semences aux exploitants agricoles. Ainsi, lors de la saison de production de semences de 2000, le distributeur de semences Panacea, dans la région de Sevlievo, disposait d’un contrat avec les firmes Monsanto et Pioneer. Le maïs Roundup Ready était vendu aux agriculteurs à 702 euro pour un lot contenant environ 450 000 semences ainsi que 30 litres de Round Up. Selon le revendeur, il n’y avait aucune restriction quant à la quantité que les agriculteurs pouvaient acheter et semer [5].

Selon Svetla Nikolova de Agrolink, une organisation de promotion de l’agriculture biologique, les autorisations commerciales accordées à la fin des années 90 aux compagnies semencières par le Conseil de Sécurité des Plantes Supérieures Génétiquement Modifiées, pour la vente de semences et la culture de PGM, l’étaient à la condition que les compagnies s’engagent à acheter et écouler les productions à l’étranger ou à détruire la récolte, sans garantie d’une trace écrite de cette obligation. D’ailleurs, des récoltes de maïs GM ont été écoulées dans l’alimentation animale comme le rapporte EcoSouthWest et l’ANPED suite à un entretien avec Mityu Mitev, exploitant agricole sur la ferme coopérative de “ZPPK Edinstvo” à Bogatevo, près de Sevlievo. Ce dernier explique avoir acheté des semences Monsanto de maïs Roundup Ready en 1999 auprès du distributeur Panacea, les avoir mises en culture sur trente hectares sans qu’aucun contrat n’ait été signé. L’ensemble de la récolte a été écoulé comme fourrage par trois biais : un tiers est revenu au distributeur pour être revendu, un autre tiers a été utilisé directement sur la coopérative et le dernier tiers a été vendu à l’extérieur.

Mais on observe, de 1999 à 2003 et selon les statistiques officielles, un recul des surfaces cultivées avec du maïs GM, passant de 13 000 ha en 1999 à 2195 ha en 2003, citation d’un rapport du MAF, n°O201-15 15.03.2004 (non public)]]. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène, mais la pression commerciale peut avoir joué de la même manière que pour la compagnie belge Amylum basée à Razgrad. Ses partenaires européens refusant d’acheter de l’amidon dérivé de maïs GM, cette entreprise a dû revoir sa politique d’approvisionnement auprès des producteurs. Le même phénomène s’est produit concernant les cultures de tabac, concentrées dans la région des Rhodopes. En 1997, Philip Morris, British American Tobacco et Reemtsma menacèrent la Bulgarie d’arrêter leurs achats dans la région si les essais sur le tabac GM se poursuivaient. Suite à ces premières alertes, le Parlement suspend en juin 2000 ses financements en direction de la recherche et du développement de PGM sur tabac et vigne, craignant pour le marché d’exportation [6]. Plus récemment pourtant, l’Ambassade des Etats-Unis en Bulgarie, à travers son département d’agriculture, n’hésitait pas à défendre les laboratoires de recherche bulgares sur les PGM. Lors de l’ouverture de AgroBiotech Park, fondé par l’AgroBio Institut (ancien IGE) en 2003, l’Ambassadeur états-unien J. Pardew a fait un don de 7736 euro et a insisté sur le soutien du gouvernement des Etats-Unis en faveur du développement de l’ingénierie génétique en Bulgarie.

Une loi basée sur le principe de précaution

Dès 1996, la Bulgarie disposait donc d’une loi de biosécurité. Le but était de donner un cadre légal au travail des laboratoires nationaux et d’attirer les compagnies semencières pour développer librement la recherche commerciale. Le 16 février 2004, le Parlement a voté en première lecture une nouvelle loi sur les PGM. Rédigée dans le cadre d’un projet financé par l’UNEP/GEF et conduit par le laboratoire AgroBio Institut, répondant à une commande conjointe d’organismes d’Etat et des entreprises incluant Monsanto et d’autres entreprises de biotechnologies, cette loi visait initialement à donner un cadre législatif plus clair aux activités des firmes semencières. Suite à la réaction d’une coalition d’ONG, “GM-free Bulgaria”, le Parlement a néanmoins introduit de nombreux amendements, donnant une nouvelle orientation au texte.

La nouvelle loi fut publiée au journal officiel le 29 mars 2005 [7]. Son objectif est finalement de permettre de mettre fin à une dissémination incontrôlée de PGM dans l’environnement et sur le marché. La loi bulgare instaure donc des procédures d’autorisation plus strictes, différencie les expérimentations en milieu confiné, les essais en champs expérimentaux, la mise sur le marché de produits contenant tout ou partie d’une PGM et les transports et mouvements transfrontaliers de PGM. Les trois premières catégories dépendent du Ministère de l’Environnement et des Eaux (MEE) tandis que la dernière relève de la responsabilité du Ministère de l’Agriculture et de la Forêt (MAF). Les grandes lignes de la loi bulgare actuelle, portant sur l’évaluation scientifique des dossiers de demande d’autorisation, les conditions de mise en culture, les règles d’étiquetage et de traçabilité sont basées sur la directive 2001/18 (cf. encadré ci dessous).

Le gouvernement bulgare a cependant introduit certaines spécificités qui méritent d’être relevées. Pour ce qui est de la Commission, les membres sont des scientifiques diplômés de l’Académie des Sciences dans les domaines de la biologie, de l’écologie et de l’agronomie, notamment. Plusieurs représentants de Ministères sont également invités à participer aux travaux de la Commission sans droit de vote. En tant que représentants de la société civile, seuls trois représentants d’organisations écologistes sont nommés membres de la Commission : Agrolink, Za Zemiata et EcoSouthWest. Aucun représentant d’association de consommateurs ou de comité d’éthique n’est nommé.

Autre spécificité nationale, l’interdiction de plusieurs espèces végétales lorsqu’elles sont transgéniques : le tabac, la rose (destinée à la fabrication d’huile essentielle), les fruits et légumes, le coton et le blé. Au regard de la législation européenne, ces interdictions pourraient être considérées comme un moratoire a priori, s’opposant au principe de libre concurrence de la directive 2001/18 (art. 22 et 23) stipulant ainsi que les Etats ne peuvent s’opposer à la culture d’une PGM, sans justifier scientifiquement d’un risque pour l’environnement ou la santé. La rose, le tabac et le vin sont des productions bulgares à haute valeur ajoutée, destinées à l’exportation et pour lesquelles le gouvernement souhaite protéger l’image de marque.

Les conditions de mise en culture recèlent également des spécificités majeures. Ainsi, une zone tampon de 30 km exempte de culture de PGM est obligatoire autour des zones protégées dans le cadre du Réseau National Ecologique. Les zones en agriculture biologique ne sont pas strictement protégées par un périmètre de protection plus large que celui donné par les distances d’isolement, mais un article précise que “le MEE peut refuser une autorisation de dissémination volontaire de PGM (à des fins non commerciales et à des fins commerciales) dans l’environnement s’il existe des zones en agriculture biologique dans les champs attenants”. Sont interdites toutes les cultures de PGM comportant des gènes de résistance aux antibiotiques (alors que la législation européenne n’interdit que les PGM contenant des gènes de résistance aux antibiotiques encore utilisés en médecine). Préalablement à la mise en culture, la responsabilité pourrait revenir à celui qui souhaite cultiver des PGM de s’assurer en premier lieu que ses voisins (inclus dans les périmètres d’isolement) ne cultivent pas la même année la même espèce végétale non GM. Moins particulière mais méritant d’être soulignée est la définition dans la loi même des distances d’isolement à respecter en cas de mise en culture. Contenues dans l’annexe 2 des articles 51 et 71, ces distances s’appliquent aux cultures de PGM qu’elles soient à fins de recherche/développement ou commerciales. Ces distances ont été établies par plante (cf. tableau ci-dessous).

Dernière caractéristique bulgare, les résultats de la consultation publique sur les demandes d’autorisation doivent être publiés au moins dans un quotidien national et par internet. Cette dernière précision n’existe généralement pas dans les autres lois nationales.

Le gouvernement bulgare a donc suivi dans ses grandes lignes la réglementation européenne, ajoutant même certaines mesures typiquement nationales. Par contre, la loi ne traite pas des appareils de contrôle à mettre en place. Aucune administration ne semble désignée comme instance de surveillance de mise en application de la loi. Un laboratoire bulgare sera membre du réseau de laboratoires européens sur les PGM, l’AgroBioInstitut. Suite au rapport du groupe d’experts nommés par la Commission européenne pour évaluer les lois nationales en comparaison avec les lois européennes, des discussions ont actuellement cours au sein du Ministère de l’Agriculture afin de proposer une nouvelle loi modifiée au Parlement bulgare. Ces modifications concerneront tous les articles qui ne sont pas en conformité avec la législation européenne, à savoir les interdictions concernant certains végétaux, les mesures de protection de l’agriculture biologique et le seuil actuellement fixé à 0,5% (qui devrait être relevé à 0,9%).


Loi 2005 : les grandes lignes

Autorisation de dissémination dans l’environnement

Le Conseil de Sécurité de l’Ingénierie Génétique des Plantes Supérieures est remplacé par une Commission Consultative sur les PGM, chargée de rendre des avis sur toutes les procédures d’attribution, de modification ou de retrait des autorisations gérées par les Ministères de l’environnement (MEE) et de l’agriculture (MAF). Le pétitionnaire doit fournir une évaluation des risques environnementaux et sur la santé humaine. L’étude doit comporter une étude des effets des cultures GM sur la bio-géochimie des sols et une évaluation des composantes potentiellement allergènes ou toxiques de la PGM concernée. Si des résultats scientifiques viennent à démontrer des effets de nocivité sur l’environnement et/ou sur la santé humaine, des procédures d’urgence de retrait des cultures ou des produits mis sur le marché se mettraient en place rapidement, avec rétro-activité. Le pétitionnaire doit fournir une carte de l’exploitation agricole localisant les champs expérimentaux ainsi que les cultures voisines et leur nature. Après réception de l’avis de la Commission, consultation publique et consultation du MAF, le MEE accepte ou rejette la demande d’autorisation, dans un délai de 90 jours après sa réception. Pour ces deux procédures d’autorisation, ainsi que celle concernant la manipulation en milieu confiné, les Ministères sont chargés de prélever une taxe à l’enregistrement de la demande d’autorisation, sans que soit spécifié le futur usage de ce fonds.

Commercialisation de produits contenant tout ou partie des PGM

Pour les PGM non alimentaires, ces demandes d’autorisation dépendent du MAF. La procédure d’autorisation est calquée sur celle de dissémination dans l’environnement. Pour une quantité de PGM présent à plus de 0,5% dans le produit fini, un étiquetage indiquant la présence de PGM est obligatoire. Ce seuil concerne toutes les productions commerciales non couvertes par la loi sur l’alimentation et s’applique donc également aux semences et au fourrage. Cette loi concerne donc les cultures à des fins commerciales et de recherche, à la mise sur le marché ainsi qu’au transport, à l’exportation et à l’importation de PGM. Après consultation des avis de la Commission, la décision revient aux seuls MEE et MAF. La loi ne traite pas des PGM au-delà de la récolte, lorsqu’il s’agit de produits qui sont définis comme des aliments au sens de la loi sur l’alimentation.

Pour ces PGM “alimentaires” (alimentation humaine et animale), cette loi sur l’alimentation donne les obligations d’étiquetage pour une quantité de produits transgéniques supérieure à 0,9% : “l’étiquetage particulier doit inclure […] la quantité et la nature de PGM que contient le produit […]”. Elle institue également une commission sur les nouveaux aliments et sur les aliments GM pour soumettre les aliments issus de PGM à des procédures d’évaluation de risques et, cas échéant, leur octroyer une autorisation. Les autorisations sont valables 10 ans et doivent figurer dans un bulletin officiel internet mis à jour par le Ministère de la Santé.

Informations publiques

Les avis de la Commission sont rendus publics. Ensuite, une consultation du public d’une durée de 45 jours est mise en place pour les autorisations de cultures en milieu ouvert et la mise sur le marché. Le public peut accéder à une synthèse des dossiers techniques. Les résultats de cette consultation sont publiés dans un quotidien national et sur internet. Les avis de la Commission, les procédures de demandes d’autorisation et les résultats des études d’évaluation de risques et des comptes rendus d’activités sont également publics. Les autorisations de dissémination volontaire, les installations où sont stockées des PGM et les autorisations de manipulations en milieu confiné sont rendues publiques dans un registre tenu par le MEE. Pour la dissémination volontaire, la tenue d’un registre spécifique concernant les surfaces pour lesquelles des autorisations ont été délivrées est obligatoire. Les autorisations de mise sur le marché de produits alimentaires GM sont rendues publiques dans un registre tenu par le MAF. Ce Ministère est également responsable de la tenue d’un registre public sur les localisations et les surfaces des cultures GM ayant déjà reçu une autorisation de mise sur le marché. Mais le texte ne donne pas de détail quant à la précision de la localisation pour tous ces registres (communale, régionale…).

Lire la loi (en anglais) : http://www.infogm.org/article.php3?…


Quelle réalité du terrain en 2006 ?

Les réelles attentes viennent de la mise en application de cette loi, et en tout premier lieu de l’instauration du système de demandes d’autorisation. Plus d’un an après le vote de la loi, la Commission Consultative, organisme-clef des attributions d’autorisation de culture PGM et de mise sur le marché, n’est toujours pas en place. Il n’y a donc à ce jour aucun dispositif d’attribution d’autorisation. Les personnes nommées en tant que représentantes d’associations environnementales n’ont pas encore été sollicitées pour une réunion. Aucune demande d’autorisation n’a été déposée à ce jour.

Or, des articles parus dans la presse nationale rapportent que des cultures de PGM auraient lieu, notamment de colza : “Il y a un grand intérêt à cultiver du colza GM en Bulgarie. Il y a déjà des cultures de PGM de colza dans la région de Véliko-Turnovo”, affirme Vcémif Pétrof, un représentant de Biotechnica, une entreprise qui produit et vend des installations pour fabriquer du bio-diesel. Selon lui, les agriculteurs sont ouverts aux cultures de PGM. Dans ce même article, Tchavdar Dotchev, responsable de Pioneer Seed Bulgaria, affirme au contraire qu’ ‘il est impossible pour l’instant de mener des expériences sur le colza transgénique parce que la loi est très restrictive et ne permet pas des essais PGM en plein champ” [8]. Selon l’ISAAA, organisme financé en partie par les entreprises semencières et fournissant chaque année un rapport sur les cultures de PGM dans le monde, aucune culture de plantes transgéniques n’a eu lieu en Bulgarie en 2006 [9]. Galia Tonkovska, du Ministère de l’Environnement, a affirmé à Inf’OGM qu’aucune dissémination volontaire dans l’environnement ni importation de produits transgéniques n’ont eu lieu en 2006. Cependant, en décembre 2006, un collectif d’associations a déclaré avoir découvert du soja GM en vente dans les supermarchés. Sur cinq groupes de produits non étiquetés, trois se sont avérés contenir du soja GM. Les associations ont interpellé les autorités [10].


Les distances d’isolement telles que définies par la loi

Céréales – Riz : 60 m, Maïs : 800 m

Légumes -Pois chiche : 60 m, Haricot : 300 m

Cultures fibreuses – Cacahuète : 20 m, Moutarde : 800 m, Soja : 20 m, Chanvre : de 800 à 6000 m, Colza : 400 m, Tournesol : 6000 m, Lin : 20 m

Cultures fourragères – Brassica : 800 m, Alfalfa (luzerne) : 800 m

Pommes de terre : 200 m

Source : Annexe 2 des Article 51 (4) et 71 (3) de la loi bulgare


Sur le terrain également, pour donner du relief à la problématique des PGM dans ce pays, la coalition “GM-free Bulgaria”, créée en 2004, a beaucoup travaillé. Les principales ONG impliquées sont Agrolink, Za Zemiata, Ecoglasnost, EcoSouthWest. Se sont greffés également à la coalition des représentants de partis politiques (les Verts) et des scientifiques. Depuis sa création, la coalition travaille dans deux directions : mener des actions de sensibilisation auprès de la population (conférences de presse, tables ronde rassemblant étudiants, agriculteurs, scientifiques, débats, pétitions) et rédiger des propositions d’amendements du texte de loi. La coalition a été autorisée à participer aux discussions sur la loi au sein de la Commission Environnement du Parlement ainsi qu’à celle ayant actuellement cours. Le travail de la coalition a ramené la question des PGM dans la sphère publique et fait émerger un débat contradictoire, quelques parlementaires penchant même pour l’idée de proclamer un moratoire sur la culture et la commercialisation de PGM jusqu’en 2007.

Une campagne se déroule également en Bulgarie visant à convaincre les citoyens et leurs élus de se déclarer zones sans OGM. La région transfrontalière des Rhodopes, située entre la Grèce et la Bulgarie, a été déclarée comme région libre de PGM fin janvier 2007, rejoignant ainsi le réseau européen des régions se déclarant contre l’introduction des cultures PGM [11]. Agrolink a lancé ce projet à l’automne 2005, choisissant la région des Rhodopes pour sa valeur patrimoniale et environnementale. Cinq réunions ont été organisées au cours de l’hiver et du printemps 2006 dans la région des Rhodopes (municipalités de Smolian, Satovtcha, Koerdjeli, Hasgovo et Acénovgrad) pour ouvrir le débat avec les gouverneurs des régions et avec les maires de 23 municipalités. Les réunions, co-organisées avec le soutien des autorités locales, étaient ouvertes à tous, avec des invitations en direction des représentants d’associations écologistes et de consommateurs. Elles se déroulaient en deux parties, une première consacrée à mettre en lumière les aspects scientifiques, juridiques et économiques du sujet, et une seconde pour ouvrir le débat sur la proposition de déclaration “GMO-free Rhodopi”. La plupart des maires réagissent en faisant part de leurs inquiétudes et semblent favorables au projet. Celui-ci comporte une part de développement local, en donnant aux autorités locales l’opportunité d’investir un processus de décision participatif avec la société civile, quant à des choix de territoire. En 2006, trois municipalités (Satovtcha, Banite, Koerdjeli) se sont officiellement déclarées hostiles à l’introduction de PGM sur leur territoire.

Les questions à l’horizon 2007

Le cadre législatif bulgare semble donc favorable à un contrôle et à une limitation des PGM dans l’environnement et dans la chaîne alimentaire. Plusieurs dispositions de la loi constituent des moratoires a priori au regard des textes européens. Le contexte européen est complexe, et le cas de la Bulgarie vient s’ajouter aux pays ayant pris des mesures pour interdire les PGM sur leur territoire (moratoire de la Pologne, de la Hongrie, de l’Autriche, de la Grèce…). Comme ailleurs, les ONG comme Agrolink, Za Zemiata, Ecoglasnost, EcoSouthWest se sont appuyées sur le droit communautaire et international en interprétant les articles de la directive 2001/18 dans un sens restrictif à l’introduction des PGM, mais elles sont allées plus loin en proposant un droit plus limitatif à certains égards. Les ONG opposées aux PGM doivent maintenant faire le choix d’adopter ou non une stratégie politique pour pousser à maintenir des moratoires réfutés par la Commission européenne ailleurs. Un tel choix implique qu’elles doivent désormais soutenir l’autorité gouvernementale face à la Commission européenne pour maintenir les articles qui entrent en contradiction avec les directives et recommandations européennes. Les hésitations des autorités locales à signer les déclarations pour que la région de Rhodopes soit libre de PGM montrent cependant les réticences des élus à assumer des initiatives qui sortent des “cadres légaux”.

[1Interview par l’ANPED de A. Kimaktchiev, Secrétaire général du MEE, 1er février 2000

[2Nikolova, S., “Bulgaria between two chairs, Process of legislation on GMOs and involvement of Bulgarian NGO’s”

[3Ordonnance sur la dissémination volontaire de plantes supérieures GM (Journal Officiel n°70/1996)

[4National Human Development Report 2003 – Rural Regions, Overcoming Develoment Disparities, UNDP, page 22

[6[Kruszewska Iza, “Tortn between North America Seed Producers and EU Consumers”, Biotechnologies and Development Monitor, pages 44-45, mars 2001

[8Miroslaf Ivanof, Le colza énergétique, une véritable alternative au fuel traditionnel, Dnevnik, 13 avril 2006, page 14

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