Actualités

Absence d’impacts des OGM sur la santé : une étude « biaisée [et] orientée »

Par Eric MEUNIER

Publié le 16/12/2011

Partager

La revue Food and Chemical Toxicology va publier les résultats d’une étude menée par une équipe de chercheurs, dont Agnès E. Ricroch de l’institut AgroParisTech [1].

S’intéressant aux travaux d’analyses toxicologiques de maïs, pomme de terre, soja, riz et triticale GM, les chercheurs ont étudié 24 articles scientifiques dont 12 portaient sur des études des effets à long terme (plus de 90 jours) et 12 consistaient en une analyse multigénérationnelle. Ces 24 études ont été sélectionnées par le biais d’une base de données contenant 32000 références bibliographiques, mise en place par A. Ricroch notamment. La sélection a été faite à l’aide de mots clefs (55 articles scientifiques comme résultats) puis en retenant les études conduites sur des tests de plus de 90 jours ou multigénérationnels. La conclusion des chercheurs est sans détour : « les résultats de toutes ces 24 études ne suggèrent aucuns effets sur la santé et, en général, aucune différence statistiquement significative [entre plantes GM et plantes non-GM] n’a été observée dans les paramètres étudiés ». En clair, les OGM ne posent pas de problème sur le plan sanitaire, ce qui permet à Agnès E. Ricroch d’affirmer, un peu vite on va le voir, que « le débat sur les OGM d’un point de vue sanitaire est clos » [2]. Mais pour Marc Lavielle, membre du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB), et interrogé par Gilles van Kote du journal Le Monde, cette étude est « biaisée » et « extrêmement orientée » [3]. L’expert français, chercheur en statistiques à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), analyse la valeur scientifique de cette étude en précisant au journaliste que « ce qui est terriblement gênant, c’est qu’elle conclut à l’absence de différence [entre animaux ayant consommé des OGM et animaux n’en ayant pas consommé] sur la base d’une méthodologie ne correspondant pas aux lignes directrices publiées aussi bien par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation [ANSES] que par l’Autorité européenne de sécurité des aliments[EFSA ] », soulignant même un cas de partialité des chercheurs puisqu’« ils tiennent compte sans la critiquer d’une étude portant sur des groupes de trois animaux, un échantillon bien trop faible pour permettre de conclure quoi que ce soit ».

Une méta-analyse ne saurait se contenter de compiler des publications existantes. Il faut aussi en dégager les méthodologies et en présenter une analyse critique, comme l’avait fait l’ANSES dans son rapport sur l’évaluation du MON810. Notamment, quelles sont les hypothèses nulles testées, quelles sont les puissances statistiques, etc. Enfin, même si des études méthodologiquement correctes existaient, et qu’elles excluent une différence entre les groupes, cela ne justifierait pas de déclarer le produit étudié « sans risque sanitaire », qui est une conclusion non scientifique puisqu’elle dépasse largement la portée des données.

Il faut rappeler également que les experts européens, réunis au sein de l’EFSA, ont justement fourni de nouvelles « règles » pour conduire ces analyses, en 2011. Il est donc surtout attendu aujourd’hui que les analyses fournies par les pétitionnaires dans les dossiers de demande d’autorisation soient construites conformément à cette règle. Ce qui n’est toujours pas le cas. Dans le cas précis du maïs MON810, Inf’OGM avait d’ailleurs interpellé le gouvernement français sur l’incapacité de la Commission européenne à certifier raisonnablement que le maïs MON810 n’est pas toxique [4]. Enfin, les impacts sur la santé ne sauraient être confinés aux seules évaluations d’impacts de toxicologie comme le fait Agnès Ricroch. Il y a également les questions d’allergénicité par exemple. Et l’on sait aussi que le débat sur les OGM n’est pas confiné aux seules questions sanitaires : des questions environnementales et économiques se posent également, comme l’illustre le problème du pollen issu du maïs MON810 retrouvé dans le miel.

La chercheuse Agnès Ricroch, qui a travaillé sur cette métaanalyse d’études sur les impacts sanitaires de plantes transgéniques, a également effectué une présentation le 9 décembre 2011 au colloque « Ces biotechnologies végétales qui façonnent les plantes cultivées » organisé par la Fondation Écologie d’Avenir dont le Conseil d’orientation est présidé par Claude Allègre. La présentation concernait « les bénéfices économiques et environnementaux de cotonniers résistant à certains insectes » [5]. La scientifique y était présentée, de façon un peu alambiquée, comme travaillant « sur l’analyse de la façon dont le domaine de validité des connaissances scientifiques disponibles est évalué et pris en compte dans l’intervention publique mettant en jeu l’articulation ‘agriculture, la conservation de la biodiversité et la cohésion économique’ ». Sa présentation a été basée sur une autre métaanalyse d’études d’impacts économiques et environnementaux (apparition ou non de résistance chez les insectes cibles et non cibles de la protéine Bt) du coton Bt. Pour ce travail, Agnès E. Ricroch a là encore utilisé « sa » base de données de références scientifiques sur les plantes transgéniques (comme pour l’étude abordée ici) : il est possible que d’autres métaanalyses d’études sur d’autres thèmes soient publiées prochainement.

[1« Assessment of the health impact of GM plant diets in long-term and multigenerational animal feeding trials : a literature review », Snell C. et al., 2011, Food and chemical toxicology

[2Europe 1 avec AFP, le 15 décembre 2011, http://www.europe1.fr/France/OGM-le-debat-sanitaire-est-clos-865041/

[3Le Monde, 16 décembre 2011, Gilles van Kote « Impact des OGM sur la santé animale : le débat n’est toujours pas tranché »

Actualités
Faq
A lire également