Interview / débat contradictoire

ALLEMAGNE : VERS QUELLE MODIFICATION DE LA LOI ?

Par Anne FURET

Publié le 25/09/2007

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A l’heure où il est question en France de l’adoption d’une loi sur les OGM, les lois de nos voisins européens peuvent être source d’inspiration. En Allemagne, la coalition a trouvé début août un accord sur un projet de modification de la loi sur les OGM. Nous avons posé quelques questions sur son contenu à Felix Lowenstein, directeur du BOELW, (Bund Ökologische Lebensmittelwirtschaft, Fédération pour l’économie de l’alimentation biologique).

Pourquoi la loi sur la dissémination de plantes génétiquement modifiées dans l’environnement est amendée ?

FL : La version en vigueur de la loi a été adoptée en 2004 par la coalition Verts-Sociaux démocrates. La nouvelle coalition Sociaux démocrates-Conservateurs, lors de son élection en 2006, a établi comme accord de principe la promotion des biotechnologies. En effet, les conservateurs considèrent la loi existante comme un obstacle au développement des biotechnologies. Mais très tôt, le ministre de l’agriculture, Horst Seehofer, a vu que les changements à opérer n’étaient pas si simples et n’a pas pu prendre toutes les mesures qu’il souhaitait.

En aucun cas, le nouveau projet de loi n’est dû à une demande de la Commission européenne. Il est vrai que la Commission avait demandé des modifications de la loi de 2004, mais ces demandes portaient sur des éléments très mineurs…

Quelles sont les principales modifications introduites par le projet d’amendement à la loi sur les biotechnologies ?

FL : Sur la question des mesures de coexistence tout d’abord : les distances d’isolement sont contenues dans le projet de loi et sont de 150 m avec les champs conventionnels et de 300 m avec les champ bio. La question préalable en terme de coexistence est la suivante : les mesures mises en place doivent-elle permettre d’éviter toute contamination ? Ou doivent-elles seulement permettre d’éviter une contamination supérieure à 0,9 % ?

En prévoyant des distances d’isolement différenciées pour les champs conventionnels et les champs bio, le projet de loi applique la deuxième conception des normes de coexistence : celle qui doit permettre une contamination inférieure à 0,9%. Et cela est à notre sens très critiquable…

Sur la question de la responsabilité en cas de contamination, ensuite : en 2004, Renate Kunast, ministre de l’agriculture de la coalition Vert-Sociaux démocrates, a inséré une disposition selon laquelle le dommage doit être réparé “ en particulier” si la contamination est supérieure à 0,9%. L’ajout des mots “ en particulier” permet de pouvoir demander réparation même lorsque la contamination est inférieure à 0,9%. Actuellement, il est donc possible pour l’agriculteur contaminé même en dessous de 0,9% de se prévaloir du système de responsabilité favorable à la réparation du dommage.[En effet, en Allemagne, une présomption de responsabilité repose sur l’agriculteur GM et le lien de causalité entre la contamination et son origine n’a pas à être prouvé.]

La nouvelle coalition souhaitait retirer les mots “ en particulier ”, de manière à ce que les dommages issus de contaminations inférieures à 0,9% ne soient plus réparables. Jusqu’ici, on a réussi à les en empêcher. Cependant, nous aurions besoin d’un règlement clair qui dise : “ Tout dommage au delà de 0,1% doit être réparé ”.

Y-a-t-il des modifications sur la question de l’information du public sur la localisation des cultures ?

FL : Actuellement, toute personne peut connaître la localisation précise et parcellaire des cultures GM en consultant un site internet. M. Seehofer a tenté dans son projet de loi de restreindre l’accès à la localisation des cultures GM à la seule connaissance de la commune. Mais les associations ont travaillé pour que cet amendement ne soit pas inscrit, et elles ont eu gain de cause.

Et sur l’étiquetage sans OGM ?

FL : En Allemagne, il est juridiquement possible d’étiqueter un produit “ sans OGM ” mais les exigences techniques (décret de 2002) sont tellement strictes et en même temps si peu précises que personne ne se prévaut d’un tel étiquetage. Donc plusieurs pistes sont envisagées à ce sujet et cela relève du pouvoir réglementaire. Cet élément n’est donc pas inclus dans le projet de loi.

La coalition envisage tout d’abord un amendement au décret de 2002 pour assouplir les conditions d’étiquetage sans OGM. Mais les promoteurs des biotechnologies s’y opposent.

La deuxième piste envisagée est de permettre dans le même décret la possibilité d’informer le consommateur si un produit est issu d’un animal (œufs, lait, viande…) nourri sans OGM. D’une façon ou d’une autre le gouvernement est décidé à modifier le décret de 2002.

Quand le projet d’amendement à la loi sera-t-il adopté ?

FL : Aujourd’hui, 21 septembre, le texte est en examen devant le Bundesrat (Conseil fédéral – représentation des Länder allemands). Puis, il passera en première lecture devant le Bundestag (Chambre basse dont les membres sont directement élus par le peuple). Le projet devrait être adopté avant la fin de l’année.

Propos recueillis par Anne FURET, juriste à Inf’OGM

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