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Brevets et OGM/NTG : le gouvernement français admet créer un problème

Par Eric MEUNIER

Publié le 28/11/2023, modifié le 02/04/2024

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Le gouvernement français s’est déclaré favorable au principe de dérèglementation des OGM tel que proposé par la Commission européenne. Il a cependant émis certaines réserves. C’est ce qui ressort d’un document qu’il a adressé à la Commission environnement du Parlement européen. Le gouvernement soutient ainsi le principe de changement de la définition des OGM, remplacée par l’acronyme NTG, et la création de deux sous-catégories de NTG. Il soutient également la fin de l’évaluation des risques et de l’étiquetage. Mais il souligne que se posent des questions quant aux brevets associés, demandant des solutions pour « éviter un verrouillage du marché des semences ».

Actuellement, la proposition de la Commission européenne de déréglementer les OGM/NGT est étudiée par les commissions « Environnement » et « Agriculture » du Parlement européen. Début novembre, le gouvernement français transmettait à la Commission « Environnement » une « note de commission », qu’Inf’OGM a pu lire. Cette dernière détaille la position de la France sur la proposition de la Commission avec un niveau de détail encore peu connu.

Une validation de principe, mais des « détails » à régler

Le gouvernement français souhaite que le cadre réglementaire en cours de discussion garantisse « une maîtrise des risques pour la santé humaine et l’environnement, au service d’une agriculture plus durable ». Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, l’a d’ailleurs souligné, le 20 novembre dernier, lors du Conseil européen des ministres de l’Agriculture [1]. Le ministre résumait ainsi soutenir l’approche classant en deux catégories les végétaux génétiquement modifiés par de « nouvelles techniques génomiques ». La 1ère catégorie regrouperait les végétaux NTG « équivalents aux végétaux issus de méthodes de sélection conventionnelle » et la seconde les autres plantes, qui seraient « soumises au cadre de la réglementation applicable aux OGM, issus de transgénèse, avec certaines adaptations pour tenir compte des spécificités de ces techniques ».

Dans les faits, le gouvernement français est donc favorable à modifier la définition d’un OGM telle qu’elle existe aujourd’hui. Il valide également l’affirmation erronée de la Commission qui pose que les plantes de catégorie 1 seraient « équivalentes » aux plantes conventionnelles. En effet, comme l’a montré Inf’OGM, les critères proposés pour qu’une plante soit définie comme de catégorie 1 permettront de couvrir un nombre infini de modifications génétiques, qu’il s’agisse d’insertion ou délétion de séquences génétiques, ou de substitutions de composants du génome [2]. La catégorie 2, définie comme regroupant les plantes n’appartenant pas à la catégorie 1, ne devrait dès lors concerner que très peu des plantes génétiquement modifiées.

Le gouvernement refuse d’informer les consommateurs

En termes d’informations sur la présence de plantes génétiquement modifiées et classée NTG catégorie 1, le gouvernement annonce soutenir l’étiquetage des semences proposé par la Commission européenne. Mais cette obligation d’étiquetage reste un vœux pieux puisque n’étant accompagnée d’aucune obligation de publication de procédés de détection et d’identification. Dès lors, tout opérateur se retrouvera dans une position de ne pouvoir vérifier la conformité des lots de semences reçus et ne saura pas si les produits agricoles qu’il distribue ou achète sont ou non sans OGM/NTG.

Ce choix de ne pas disposer des outils permettant un contrôle ne gène pas le gouvernement qui, paradoxalement, ajoute être « favorable à la possibilité de l’étiquetage, de manière volontaire, pour tous les acteurs qui le souhaitent, notamment en agriculture biologique, mais aussi pour des filières spécifiques qui voudraient afficher l’absence de NGT dans leur chaîne de valeur ». Pour appuyer cette proposition, le gouvernement français devrait pourtant exiger que la fourniture de méthodes de détection et traçabilité soit obligatoire. Il est en effet étonnant de mettre les acteurs d’une filière dans une position à devoir se prémunir de plantes génétiquement modifiées pour lesquelles aucune possibilité de les repérer ne leur est fournie. Cette fragilisation des acteurs de la filière sans OGM ou de la filière biologique est d’ailleurs reconnue par le gouvernement français dans la note elle-même.

S’il soutient une obligation inopérante d’étiquetage des lots de semences, le gouvernement s’oppose par contre « à un étiquetage obligatoire de la catégorie 1 jusqu’au consommateur final », principalement pour deux raisons. Premièrement, il affirme qu’ il est impossible de « différencier par des analyses les variétés de catégorie 1 des variétés conventionnelles ». Il explique considérer qu’un tel étiquetage « obligerait les opérateurs à mettre en place des filières dédiées », dont le coût ne lui paraît pas justifié.

Deuxièmement, il considère que « les pays tiers ayant déjà légiféré s’agissant des NGT n’ont pas prévu de tel étiquetage, rendant ainsi un éventuel étiquetage obligatoire au niveau de l’Union inopérant, voire pénalisant pour les opérateurs européens sur le marché mondial ». Cette différence réglementaire est pourtant celle qui existe depuis les années 2000. Elle n’a pas empêché l’Union européenne d’imposer un étiquetage des OGM et n’a pas porté préjudice aux opérateurs européens. Elle leur a au contraire assuré un énorme avantage concurrentiel sur les marchés, notamment européen, refusant les OGM.

On notera que les quelques demandes de modifications du texte portées par le gouvernement français et qui seraient réalisables concernent principalement la catégorie 2. Pour cette dernière, le gouvernement souhaite « l’introduction d’une possibilité d’interdiction de la culture sur le territoire national (opt-out), qui existe pour la culture des OGM ». Une demande qui ne devrait pas porter à conséquence si très peu (voire aucune) de plantes n’appartiennent à cette catégorie.

Les brevets sont en effet un problème

Mais, pour le gouvernement français, qui soutient donc la proposition de la Commission dans ses grandes lignes, cette même proposition aurait pour conséquence de « verrouiller le marché des semences », à cause des brevets accompagnant ces plantes NTG déréglementées. Il demande donc que soient cherchées des solutions pour éviter cet écueil. Il importe également au gouvernement de « faciliter l’accès aux informations génétiques végétales, notamment en améliorant la transparence sur les éléments brevetés dans les variétés ». Cette demande-ci présente également un paradoxe. En effet, en soutenant la suppression de l’étiquetage et de la traçabilité complète et fonctionnelle des OGM, le gouvernement appuie une démarche privant les acteurs des deux outils permettant au moins une telle information sur les éléments brevetés dans une plante.

Enfin, le gouvernement français demande à ce que soit « assurée une application stricte des règles de brevetabilité lors de l’examen des brevets ». Doit-on lire que le gouvernement estime que les brevets ne sont pas délivrés de manière aussi stricte que prévue ? Sachant que la déréglementation proposée augmenterait les capacités des multinationales à obtenir des brevets sur des séquences génétiques présentes dans la Nature, le constat est à nouveau étonnant [3].

Malgré ces demandes de solutions aux problèmes que poserait l’association de la déréglementation des OGM et les brevets associés, le gouvernement français ne semble pas trop pressé de les obtenir. Du côté OGM, il accepte sans la questionner l’urgence imposée par l’Espagne pour adopter leur déréglementation… Mais, du côté des brevets, il demande seulement à ce que le « calendrier pour la remise [d’une] étude prévue en 2026 » soit accéléré significativement et que la Commission s’engage « à explorer les solutions possibles à court terme ». Un paradoxe quand on sait que tout brevet accordé avant une éventuelle modification de la législation européenne sur les brevets restera valable pendant 20 ans, y compris après l’adoption de cette modification…

 

[1Conseil « Agriculture et Pêche » de l’Union européenne du lundi 20 November 2023, session du matin.

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