n°36 - novembre 2002

OGM & aide alimentaire : polémique

Par Christophe NOISETTE

Publié le 31/10/2002

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Alors que le Zimbabwe, le Malawi et le Mozambique ont finalement accepté l’aide alimentaire américaine contenant du maïs transgénique, à condition que ce dernier soit moulu avant d’être importé afin d’éviter qu’il ne soit utilisé comme semence, la Zambie a, quant à elle, maintenu son opposition (cf. Inf’OGM n°35 – spécial Afrique).

Cette décision s’appuie sur le rapport de scientifiques zambiens qui montre l’incertitude sur l’innocuité des OGM sur la santé humaine et l’environnement. Peter Mansu, porte-parole du gouvernement zambien, a expliqué aux médias américains que « la Zambie n’a pas la capacité de détecter si la nourriture contient des OGM, qu’elle n’a pas encore ratifié le protocole de Carthagène et qu’il n’existe aucune législation sur les biotechnologies et la biosécurité ».

Cependant, la Zambie a besoin de 21 000 tonnes d’aide alimentaire par mois pour pouvoir nourrir 2,5 millions de personnes victimes de la sécheresse. Ce pays a lancé un appel en direction des pays qui respectent la décision souveraine de la Zambie : le Japon et la Hollande ont ainsi envoyé une aide équivalente à 15 000 tonnes au Programme Alimentaire Mondial (PAM), suivis par la Tanzanie et le Kenya. La Commission Européenne et l’Ouganda ont débloqué des fonds pour permettre à ce pays d’acheter l’alimentation souhaitée ou de subventionner les cultures de maïs et haricots, utilisées pour lutter contre la famine [1].

Les agences des Nations-Unies (FAO et PAM) espèrent toujours convaincre le gouvernement zambien de revenir sur sa décision. Elles ont par exemple refusé de commander de l’aide alimentaire garantie sans OGM, prétextant l’absence de certitude quant à un danger sanitaire et la « proximité géographique » des États-Unis. Si dans un premier temps, les E.U. se contentaient de regretter profondément le refus zambien, les propos des responsables américains deviennent plus virulents. Ainsi, T. Hall, nouvel ambassadeur des États-Unis devant la FAO, a pratiquement fait référence à la notion de crime contre l’humanité : « Si des personnes meurent, la responsabilité en incombera aux auteurs de cette décision. Ils devront en répondre non seulement aux familles, mais aussi au monde entier », a-t-il affirmé [2].

Les associations environnementales ont dénoncé la pression qu’exercent les Nations unies et, indirectement les États-Unis, sur le gouvernement zambien. Greenpeace souligne : « tant que la possibilité de recevoir une aide alimentaire non OGM existe, aucun pays ne devrait être forcé à accepter de la nourriture avec OGM […]. L’alimentation transgénique a été imposée à l’Afrique parce que les États-Unis ne peuvent la vendre à l’étranger, ont des intérêts économiques à réduire leur surplus de grains, ont pris le parti de nier l’existence d’aide alimentaire sans OGM et affichent un mépris impérial pour les opinions et lois des autres pays lorsqu’elles ne servent pas leurs intérêts ». Les États-Unis sont les premiers donateurs du PAM, grâce à leurs stocks excédentaires de produits alimentaires dus à la surproduction.

Greenpeace conclut en affirmant : « ils font le pari que la famine imposera à de nombreux pays la nourriture génétiquement modifiée. C’est uniquement durant les crises alimentaires que des pays comme le Malawi, l’Afrique du Sud et le Lesotho ont accepté cette nourriture distribuée par le PAM » [3].

L’OCDE a également demandé aux États-Unis de cesser leur pression [4]. Tout comme le Dr Wilma Salgado, consultant du PAM [5], l’OCDE reproche aux États-Unis d’avoir utilisé l’aide alimentaire pour favoriser l’exportation des produits agricoles américains. Enfin, Saliem Fakir, directeur du bureau sud-africain de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), considère aussi ce don américain comme un acte commercial : « si suffisamment de pays adoptent la production d’OGM, les États-Unis auront constitué un groupe de pays les appuyant dans leur conflit commercial avec l’Union Européenne. Les États-Unis ont pour objectif de gagner le marché européen car c’est dans ce marché que se trouve l’argent à gagner, pas en Afrique ».

Suite aux demandes de GRAIN (Genetic Ressource Action International), le PAM a reconnu avoir fourni de la nourriture « génétiquement modifiée » depuis plusieurs années dans les lots d’aide alimentaire.

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