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Procès OGM à Toulouse : un procès inédit, des sanctions exorbitantes

Par Christophe NOISETTE

Publié le 11/05/2022, modifié le 04/04/2024

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Le 30 mars 2022, trois Faucheurs volontaires étaient convoqués au Tribunal de Toulouse. Ce procès restera dans les annales. La juge a systématiquement coupé la parole aux prévenus et aux témoins, et a refusé à l’avocat de la défense de poser des questions. Retour sur ce procès particulièrement surprenant, avec cet article et un podcast d’interviews des protagonistes. Le 11 mai 2022, la juge a condamné les trois faucheurs à de lourdes peines, notamment financière…

Le 30 mars 2022, au Tribunal de Toulouse, étaient jugés trois Faucheurs volontaires suite à un fauchage de tournesol d’une variété rendue tolérante à un herbicide (VrTH) à Vieillevigne (Haute Garonne) [1]. 59 faucheurs ayant participé à l’action se sont vu refuser leur participation au titre de comparants volontaires.

Christophe Noisette, journaliste à Inf’OGM, était présent à l’audience. Il avait été cité par les prévenus en tant qu’expert pour témoigner sur l’opacité organisée sur les OGM non transgéniques et l’inaction du gouvernement français suite aux décisions de justice de la Cour de Justice de l’UE de 2018 et du Conseil d’État de 2020 [2].

Ce procès marquera l’histoire des Faucheurs volontaires.

La juge, Mme Bergougnan, a, dès le départ, réduit le temps de parole des prévenus, nié la présence de l’un d’entre eux au moment de l’action (alors que celui-ci reconnaissait y avoir participé) , empêché leur avocat Me Tumerelle de poser des questions, coupé la parole aux témoins.

Une défense bafouée

Face à ces agissements totalement inédits, qui nient donc le droit de la défense, les prévenus et leur avocat ont quitté l’audience. Le procès a continué en leur absence. Et la présidente a laissé au témoin et à l’avocat de la partie civile le temps dont ils avaient besoin pour développer leur argumentation.

La juge n’a pas compris (ou n’a pas voulu comprendre) l’intérêt des témoignages, des personnes venues éclairer l’action. Les témoins, pour la juge, n’avaient rien à apporter à la justice, n’étant pas sur place au moment du fauchage… Drôle de vision de la notion de témoin. Demande-t-on à un expert témoin automobile d’être présent lors de l’accident qu’il analyse ?

Cette façon d’empêcher les prévenus de s’exprimer et leur avocat de les interroger n’est pas conforme aux droits de la défense. La limitation de la parole des témoins est quant à elle très rare, pour ainsi dire inédite, pour les Faucheurs volontaires. La juge savait délibérément que la plupart des témoins n’étaient pas présents sur place ce jour-là. Cette attitude n’est-elle pas une manière de refuser un débat sur le fond ?

Concrètement, les Faucheurs revendiquaient l’action, il n’y avait donc pas à en débattre. Qui ? Ils se sont dénoncés et les comparants volontaires ont d’ailleurs été refusés. Comment ? Ils le précisent… Rien n’est caché sur l’action en tant que telle. Leur objectif aussi est clair : dénoncer la culture de tournesol obtenu par mutagénèse pour être rendu tolérant à un herbicide.

Présence de VrTH : possibles preuves

Restait une question importante à déterminer et les témoins étaient là pour apporter des éléments de réponses. Ces parcelles d’essais étaient-elles cultivées avec des OGM illégaux car issus d’une technique non exemptée par la directive européenne ? Les faucheurs le revendiquent, la partie civile le nie. La gendarmerie n’a pas mené d’enquête à ce sujet. D’après Me Tumerelle, la preuve de la nature non VrTH ou non OGM n’a pas été apportée ni par les instituts de recherche ni par les instances de l’État. L’avocat des prévenus nous précise en effet qu’ils n’ont déposé qu’une seule et simple facture, et qu’il est impossible de savoir si elle correspond ou non à la parcelle détruite. De leur côté, les Faucheurs et témoins auraient pu apporter leur élément de preuve s’ils avaient pu s’exprimer. Par exemple, Guy Kastler, membre de la Confédération paysanne, s’est vu couper la parole au moment même où il expliquait que l’état des sols démontrait que des herbicides avaient nécessairement été employés après les semis, ce qui implique l’utilisation de VrTH. Et Henri Delrieu, président de l’association Le Chabot, a analysé les rivières du Lauraguais et de coteaux à l’est de Toulouse : il note depuis 2016 l’apparition de la molécule d’Imazamox dans des seuils de quantification. Cette molécule, d’après ses recherches, se place déjà à la 13e place des molécules les plus fréquentes. Cette molécule d’Imazamox est la composante essentielle de produits, commercialisés sous le nom de Pulsar 40 par exemple, utilisés sur les VrTH.

Un tel comportement de la Présidente pose question. On sait que le nombre de postes de magistrats diminue d’années en années et que les dossiers s’accumulent. Est-elle donc simplement débordée ? Ou est-elle particulièrement opposée aux Faucheurs volontaires d’OGM et refuse-t-elle ainsi un procès politique, considérant que l’action des Faucheurs est en fait une simple destruction de bien d’autrui, peu importe la nature des plantes, ni leur légalité ?

Un jugement plus que sévère

Le 11 mai 2022, la juge a condamné les trois prévenus à trois mois de prison avec sursis.

Par ailleurs, la juge a condamné les prévenus à payer à Arvalis la somme de 400 588 euros pour le préjudice financier, de 3000 euros pour le préjudice moral et de 3000 euros pour les frais de justice.

Le préjudice financier demandé par la juge est la somme qui était demandée par la partie civile, la juge a simplement réduit les demandes de la partie civile sur les frais de justice (10 000 euros demandés) et le préjudice moral (50 000 euros demandés). Ceci est rare, pour ne pas dire exceptionnel dans un procès de faucheur.

Plus de doute sur le parti pris de la juge. Ce délibéré est en cohérence avec ce procès totalement inédit et inouï.

Les Faucheurs vont donc faire appel de cette décision.

[1Le fauchage a eu lieu le 16 août 2017.

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