n°167 - avril / mai 2022

Les gouvernements obligés par la transparence internationale

Par Eric MEUNIER

Publié le 05/04/2022, modifié le 01/12/2023

Partager

Qu’il s’agisse des OGM, de la biologie de synthèse, des informations de séquences numérisées ou des brevets, la position politique du gouvernement français peut être connue. En effet, il est régulièrement amené à s’exprimer dans des instances européennes ou internationales sur ces sujets. Les règles de transparence permettent alors de connaître en détail ce que défend la France sur un sujet précis.

Quand on parle de transparence d’une autorité publique, les domaines concernés ne se limitent pas à la seule gestion que l’on pourrait qualifier d’administrative. Nombre de sujets sont d’abord discutés politiquement : un domaine nécessite-t-il une législation dédiée, un « plan » doit-il être mis en place pour les dix ou trente années à venir, doit-on réfléchir à des aménagements pour une législation existante ? Ces discussions politiques préludent aux décisions et autres normes. Elles les préparent et c’est là que la négociation entre États s’exprime. Ces dynamiques amènent les États membres de l’Union européenne (UE) à établir une position politique, positions qui sont donc ensuite discutées avec les autres États membres ou avec d’autres pays au sein d’instances internationales. Les procédures de transparence permettent d’avoir accès à ces positions politiques.

Le gouvernement a un avis sur la biologie de synthèse…

Les négociations entre gouvernements sur la pertinence ou non d’un encadrement sur des produits obtenus par biologie de synthèse sont en cours. Ces discussions pouvant être à la base de législations, elles sont d’une importance capitale. Le gouvernement français, au même titre que ceux des autres pays, participe donc en faisant valoir sa position qui engage toutes les françaises et tous les français. Connaître cette position, en amont des négociations et des décisions, apparaît donc comme la moindre des choses en termes de transparence.

La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) rend compte sur son site de ces discussions. Mais l’accès en est pour le moins compliqué. En effet, il n’y a pas une page dédiée à la biologie de synthèse car le classement des discussions entre États est chronologique et non pas thématique. Il existe bien une commission ad hoc dédiée à la question, mais les États s’expriment dans différentes instances : lors des réunions de ce groupe ad hoc, mais aussi du comité exécutif de la CDB, ou encore de sa convention annuelle. Chacune de ces réunions bénéficie d’une page Internet dédiée sur laquelle sont publiés les différents documents de préparation. Sont ainsi rendus accessibles les comptes-rendus exhaustifs de réunions précédentes, les ordres du jours… Les documents communiqués par les États sont également rendus publics. Cette transparence à l’accès difficile permet donc de suivre, réunions après réunions, les échanges entre États et les positions défendues. Pour la France, on y apprend donc que le gouvernement estime qu’un encadrement législatif dédié n’est pas une question prioritaire, position exprimée via celle de l’Union européenne [1].

… et sur les informations de séquences numérisées ou les brevets

Sur le sujet des informations de séquences numérisées (DSI), le régime de transparence est bien sûr le même lorsque les discussions ont lieu au sein de la CDB. Inf’OGM avait ainsi pu rapporter, en avril 2021, la position politique de l’UE – et donc de la France – qui estimait qu’une séquence génétique enregistrée dans un ordinateur ne serait pas équivalente à l’organisme dont a été tiré cette séquence ; position similaire à celle de l’industrie et des États-Unis. Pour l’UE, le régime juridique encadrant ces séquences numérisées devrait donc être différent de celui encadrant les ressources génétiques.

Le thème des brevets est une autre illustration de l’accès à l’information permise par les instances internationales. À l’instar de la Convention sur la Diversité Biologique, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) rend publics les comptes-rendus des réunions de son Assemblée Générale ainsi que des contributions au débat de ses États membres. En 2019, Inf’OGM a ainsi pu faire part des positions respectives sur un sujet majeur qui est celui de l’origine géographique du matériel ayant servi à une « invention ».

L’Union européenne diffuse les sessions de ses Conseils des ministres

Au sein de l’Union européenne, les Conseils des ministres des États membres en charge d’un sujet (Conseil des ministres de l’Agriculture, de l’Environnement…) peuvent être suivis, en direct ou en décalé, sur Internet. Ces débats sont traduits dans les 24 langues officielles de l’Union européenne. Si la transparence européenne est améliorable (voir encadré ci-dessous), la retransmission des Conseils de l’Union européenne permet aux citoyens de suivre les débats politiques les concernant. Inf’OGM a par exemple pu, en suivant ces réunions, renseigner ses lecteurs sur la position de la France et des autres États membres quant à l’initiative de la Commission européenne pour modifier la législation OGM initiée en 2021. Tous les citoyens européens équipés d’Internet ont accès à cette information et donc à la position défendue par leur gouvernement [2] [3] .

Les votes des États membres sont secrets

Dans l’UE, pour être commercialisé, un OGM doit être autorisé. À cette fin, un dossier de demande d’autorisation est déposé et analysé par la Commission européenne et les États membres. Après une évaluation des risques conduite par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et une validation de la méthode de détection requise par le Centre commun de recherche (CCR), les demandes aboutissent sur la table des États membres pour une décision finale [4].

Cette décision se fait par vote au sein de comités successivement mobilisés. Le premier est la section OGM du Comité permanent sur les plantes, animaux, aliments et aliments pour animaux. Le second est le Comité d’appel, qui intervient en cas d’absence de majorité qualifiée du premier Comité ou de vote contre l’autorisation. À ce stade de la procédure d’autorisation ou d’interdiction d’un OGM, la transparence de l’Union européenne est toujours en œuvre. Ainsi, les ordres du jour des Comités sont publics, disponibles sur Internet, mais uniquement en anglais. Le résultat du vote des États membres est également disponible via le compte-rendu public, en anglais à nouveau, de chaque réunion. Mais le vote de chaque État membre n’est jamais détaillé. Il est donc impossible pour les citoyens européens de connaître le vote de son gouvernement.

Un cas de figure particulier permet de connaître la teneur du vote d’un pays. Dans le cas où un gouvernement souhaite apporter une contribution ou un commentaire à l’appui de son vote, cette contribution est détaillée dans le compte-rendu de réunion, accompagnée du détail du vote de ce pays [5].

Actualités
Faq
A lire également