n°167 - avril / mai 2022

Transparente, la Commission éparpille les informations

Par Eric MEUNIER

Publié le 05/04/2022

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La transparence européenne dans le dossier OGM est théoriquement solide. Mais sa mise en œuvre laisse à désirer. Le suivi du traitement des demandes d’autorisation commerciale d’OGM en est une illustration. La Commission européenne assure par exemple que les documents afférents sont rendus publics. Mais l’accès à ces derniers est volontairement complexifié en les rangeant sur divers sites Internet, tous en anglais.

Le traitement d’une demande d’autorisation commerciale d’OGM va du dépôt d’une demande jusqu’à une décision finale. En chemin, les documents publics composant cette procédure s’éparpillent sur plusieurs pages Internet.

Un éparpillement voulu

La Commission européenne n’a pas centralisé l’ensemble des documents composant la procédure de demande d’autorisation d’un OGM végétal mais les a répartis sur plusieurs sites Internet. Le premier d’entre eux est celui de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). Ce comité d’experts en charge de l’évaluation des dossiers assure également un rôle de secrétariat. C’est l’AESA qui reçoit, classe et met en ligne [1] le dossier tel que déposé, par une entreprise le plus souvent. À ce dossier, l’AESA adjoint évidemment l’avis final que ses membres ont émis, qui sera à la base de la décision finale. Néanmoins, cette transparence a un prix. Le site de l’AESA et les documents ad hoc ne sont accessibles qu’en anglais et la navigation sur ce site n’est pas intuitive pour qui ne connaît pas le chemin à suivre. De la page d’accueil au document recherché, c’est près d’une dizaine de clics qui sont nécessaires. Par ailleurs, l’internaute doit, avant de pouvoir afficher le document, s’être enregistré et donc ensuite identifié. À ce stade, aucun non anglophone n’aura pu accéder aux documents et plus d’un anglophone aura jeté l’éponge. Quant au rapport de validation de la méthode de détection de l’OGM, il est disponible sur un autre site, celui du Centre commun de recherche (CCR), uniquement en anglais [2].

Le dossier complété de l’avis de l’AESA et le rapport du CCR passent ensuite entre les mains des décideurs. Il faut alors suivre, sur deux pages différentes [3], les votes des deux comités qui discutent et votent la décision d’autorisation finale. En l’absence de majorité de ces comités (ce qui à l’heure actuelle a toujours été le cas), la décision finale revient à la Commission européenne. Même si elle aurait pu tout centraliser sur une page Internet, la Commission a choisi de rendre accessibles ces décisions sur deux sites Internet correspondant à deux procédures d’autorisation différentes [4]. Dans ces registres, la Commission a récemment fait l’effort de rapatrier également les avis de l’AESA et du CCR. Mais, lacune majeure, les registres ne donnent accès qu’aux seuls dossiers déjà étudiés par l’AESA et le CCR : les OGM en cours de traitement par l’AESA ou le CCR ne sont, eux, pas listés.

Le moteur de suivi d’Inf’OGM

Pour pallier cet éparpillement, Inf’OGM a mis en place, dès 2004, son propre moteur de suivi (voir illustration de cet article). Son intérêt réside dans la publication sur une même page de tous les documents et tous les votes liés à une demande pour un OGM. Ce moteur ne couvre que les OGM végétaux transgéniques. La centralisation de ces documents sur une seule et même page simplifie le suivi et la vision globale du traitement d’une demande d’autorisation. Et le moteur de recherche à plusieurs entrées permet des croisements pertinents, pour savoir, par exemple, quels sont tous les sojas de Monsanto autorisés à l’importation…

Malgré le succès de cet outil, Inf’OGM a dû choisir de limiter sa mise à jour en décembre 2018. En effet, la Cour de Justice de l’Union européenne a jugé, en juillet 2018, que les OGM issus de mutagénèses apparues ou principalement développées après 2001 sont des OGM à réglementer comme les plantes transgéniques. Mais la Commission européenne n’a toujours pas mis en œuvre cette décision de justice européenne. Or, de tels OGM peuvent déjà se trouver dans les champs et les assiettes. Mais, jusqu’à aujourd’hui, la gestion de la Commission implique une absence de dossier de demande d’autorisation déposé pour ces OGM. En conséquence, Inf’OGM a pour l’instant choisi de ne plus mettre à jour ce moteur sur l’ensemble des OGM. De son côté, la Commission européenne continue de ne pas assurer la transparence requise par la législation.

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