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31 eurodéputés exigent l’évaluation des OGM non transgéniques

Par Eric MEUNIER

Publié le 17/02/2022

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Le 8 février 2022, 31 eurodéputés ont demandé à la commissaire européenne à l’Innovation, la Recherche, la Culture, l’Éducation et la Jeunesse, Mariya Gabriel, que l’Union européenne finance des programmes de recherches sur l’évaluation des risques et la détection des « nouvelles plantes génétiquement modifiées ». La réponse de la Commission européenne est maintenant attendue alors que le débat sur une éventuelle nouvelle réglementation de certains OGM a lieu depuis l’automne dernier [1].

Les organisations de la société civile (ONG, syndicats…) ne sont pas les seules à se mobiliser sur le dossier des OGM non transgéniques. Le 8 février 2022, 31 eurodéputés [2], issus de cinq groupes politiques [3] et de 14 États membres [4], ont demandé à Mariya Gabriel, commissaire européenne à l’Innovation, la Recherche, la Culture, l’Éducation et la Jeunesse, que la Commission européenne finance des programmes de recherches sur l’évaluation des risques et la détection d’OGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique. Une semaine plus tard, le 15 février 2022, le Parlement européen a de nouveau adopté deux résolutions pour s’opposer à des demandes d’autorisation de deux OGM transgéniques (voir encadré ci-dessous).

Risques et détection des nouveaux OGM : pas de financements

Le débat sur les OGM non transgéniques remonte à 2008. Quatorze années plus tard, une trentaine d’eurodéputés établissent dans leur lettre un constat cru, basé sur leurs échanges avec la Commission européenne. Ils écrivent ainsi que « l’Union européenne n’a jusqu’à présent financé aucune recherche (…) ni sur les risques spécifiques posés par les nouveaux OGM, ni sur les moyens de les détecter ». Mais leur constat concerne également le futur. Ils expliquent que la Commission européenne « ne semble pas non plus avoir l’intention de financer de telles recherches spécifiques dans le cadre du programme de travail Horizon Europe pour 2021-2022 ». Ces eurodéputés détaillent en effet que l’appel à projet contenu dans le programme « nouvelles techniques génomiques » du cadre Horizon Europe 2021-2022 se focalise sur « les progrès de la technologie des OGM », l’évaluation de ce qui est nommé « les goulets d’étranglement réglementaires » ainsi que « l’amélioration des processus de production pertinents ». Les eurodéputés constatent donc que l’appel à projet ne concerne « aucune recherche sur les risques spécifiques ni aucune recherche qui permettrait aux autorités nationales d’identifier les produits génétiquement modifiés non autorisés ». Une situation qu’ils estiment d’autant plus problématique que, comme ils le rappellent, « ces OGM entrent dans le champ d’application de la législation européenne en vigueur sur les OGM ». Ils lui demandent donc d’appeler d’urgence à une recherche européenne spécifique dans ces domaines.

La Commission va-t-elle dévoyer la lettre des eurodéputés ?

Depuis le début du débat européen sur les « nouvelles techniques de modification génétique » en 2008, les termes utilisés ont été choisis avec soin pour orienter le débat. La Commission européenne ainsi que les entreprises de biotechnologie utilisent de manière récurrente l’expression de « techniques d’édition du génome » pour ne pas utiliser celle de « modification génétique », et laisser ainsi entendre que les produits obtenus par ces « nouvelles techniques » ne seraient pas des OGM. Les formulations utilisées par les eurodéputés dans leur lettre offrent la possibilité à la Commission d’en restreindre la portée. En effet, les eurodéputés parlent des « organismes génétiquement modifiés (OGM) conçus à l’aide d’une nouvelle technologie de génie génétique, telle que CRISPR/Cas ». Ces OGM, obtenus en utilisant « la technologie dite d’édition du génome » présentent pour les eurodéputés « des risques nouveaux et différents de ceux de la sélection conventionnelle et des OGM commercialisés aujourd’hui ». Une affirmation qui repose sur le fait que ces nouvelles technologies de modification génétique, qualifiées de « révolutionnaires » dans la lettre, permettraient « une modification plus profonde et plus rapide du matériel génétique des organismes que la sélection conventionnelle et les technologies GM connues auparavant » et donneraient donc lieu à des « risques spécifiques qui n’existaient pas auparavant, qu’il s’agisse des caractéristiques prévues ou des conséquences involontaires causées par le processus de génie génétique ».

Alors que les eurodéputés demandent d’une manière large à la Commission européenne d’investir « de toute urgence dans la recherche européenne afin d’approfondir notre connaissance des risques potentiels et de permettre la détection et la traçabilité des produits génétiquement modifiés tout au long de la chaîne alimentaire », les références à une « nouvelle technologie de génie génétique, telle que CRISPR/Cas » ou à la « technologie dite d’édition du génome » pourraient être utilisées par la Commission pour répondre favorablement en restreignant juste à certains OGM non transgéniques cette recherche. Elle a déjà esquissé concrètement cette approche en lançant, à l’automne 2021, une initiative législative visant à déréglementer certains OGM obtenus par « édition du génome » ou par cisgenèse, comme Inf’OGM l’a rapporté [5].

Le Parlement européen s’oppose à des autorisations d’OGM


À l’initiative de sa commission environnement, le Parlement européen a voté ce mardi 15 février 2022 contre l’autorisation de commercialisation du soja génétiquement modifié GMB151 [6] et contre le renouvellement d’autorisation de commercialisation du coton génétiquement modifié GHB614 [7]. Le soja GMB151 a été mis au point par BASF pour tolérer les herbicides inhibiteurs de la 4-hydroxyphénylpyruvate dioxygénase (HPPD) et produire une protéine Cry pour lui conférer une résistance à certains nématodes. Le coton GHB614, lui, a été modifié pour tolérer les herbicides à base de glyphosate.

Les deux objections adoptées par le Parlement européen reposent sur son constat d’absence d’évaluation des résidus d’herbicides, des métabolites et des effets cocktail. Le Parlement s’interroge également sur la toxicité de la toxine Bt produite par ces OGM transgéniques. Or, le Parlement estime que l’Union européenne est responsable, en tant qu’importateur, des dommages environnementaux liés à la culture d’OGM dans les pays producteurs. Il rappelle également que le processus d’autorisation des OGM en Europe apparaît non démocratique, les États membres n’atteignant qu’à de rares occasions la majorité qualifiée en faveur d’une autorisation. À chaque fois, la décision est donc revenue à la Commission européenne qui, plutôt que d’acter un refus du fait d’une absence d’accord, délivre les autorisations comme les textes européens le lui permettent. Pour les eurodéputés, une décision de la Commission d’autoriser ces deux OGM reviendrait pourtant à excéder « les compétences d’exécution prévues dans le règlement (UE) n° 1829/2003 ».

[2Eric Andrieu, Maria Arena, Benoît Biteau, Manuel Bompard, Biljana Borzan, Milan Brglez, Pascal Durand, Eleonora Evi, Charles Goerens, Martin Häusling, Anja Hazekamp, Hannes Heide, Petros Kokkalis, Aurore Lalucq, Benoît Lutgen, Tilly Metz, Maria Noichl, Sirpa Pietikäinen, Evelyn Regner, Frédérique Ries, Manuela Ripa, Michèle Rivasi, Andreas Schieder, Günther Sidl, Nicolae Ştefănuță, Róża Thun Und Hohenstein, Bettina Vollath, Thomas Waitz, Sarah Wiener, Michal Wiezik, Isabel Wiseler-Lima.

[3Le Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, le Groupe des Verts/Alliance libre européenne, le Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens), le Groupe Renew Europe et le groupe de la gauche au Parlement européen – GUE/NGL.

[4Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie.

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