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Les ministres de l’Environnement pour l’étiquetage des OGM non transgéniques

Par Eric MEUNIER

Publié le 18/01/2022

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Fin décembre 2021, les ministres européens de l’Environnement étaient réunis pour discuter du projet de la Commission européenne consacré aux OGM non transgéniques. Plus prudents que leurs homologues de l’Agriculture, ces ministres ont rappelé à la Commission l’importance du principe de précaution et de l’étiquetage.

Sept mois après les ministres de l’Agriculture, leurs collègues en charge de l’Environnement ont échangé sur la proposition de la Commission européenne de modifier la législation sur les OGM. En avril 2021, la Commission avait en effet annoncé qu’il était nécessaire d’adapter la réglementation actuelle pour développer les opportunités offertes par « les plantes obtenues par mutagénèse dirigée et cisgénèse » [1].

Le 29 avril 2021, la majorité des ministres de l’Agriculture se déclarait globalement favorable à cette initiative, avec un timide appel à la prudence à l’endroit de la Commission [2]. Le 20 décembre 2021, les ministres de l’Environnement, moins nombreux à prendre la parole – 15 ministres sur 27 – ont précisé cet appel à la prudence en rappelant plus clairement à la Commission certains principes qu’ils souhaitent voir maintenus.

Le principe de précaution et l’étiquetage exigés !

À l’instar du tour de parole, en avril, de leur confrère de l’Agriculture, les ministres de l’Environnement n’ont pas échangé entre eux mais ont exposé, tour à tour, leur position sur l’initiative prise par la Commission européenne. Ce tour de table a mis en lumière un soutien diplomatique à la Commission, mais surtout le rappel de certains principes chers à la majorité des ministres. Ainsi, le respect et la mise en œuvre du principe de précaution, l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux et l’étiquetage des produits commercialisés ont été rappelés par quasiment tous les ministres ayant pris la parole.

À l’image de l’Autriche, qui avait demandé que le sujet soit sur la table de la réunion du 20 décembre et qui a déclaré estimer « pas encore clair de savoir comment les analyses de risques et de durabilité peuvent être intégrées », quelques pays ont demandé à la Commission de fournir plus d’informations sur les critères et la méthodologie de l’analyse de durabilité envisagée.

La France parle des « nouvelles techniques de modification génétique »

Alors que l’ensemble des ministres présents ont parlé des nouvelles techniques génomiques, la ministre de l’Environnement française, Barbara Pompili, a choisi d’évoquer les nouvelles techniques de modification génétique. Une originalité dans le tour de table qui a le mérite de respecter la législation en vigueur, comme Inf’OGM l’a rappelé à de multiples reprises.

Globalement, la ministre française a rappelé la position que son homologue français de l’Agriculture avait exposé, à savoir la demande de la France de disposer d’un « cadre réglementaire adapté (…) qui respecte les principes de proportionnalité et de précaution ». La ministre a également précisé que ce cadre devrait être « rigoureux et transparent » et que « la finalité des variétés créées doit être prise en compte en cohérence avec les objectifs de transition écologique de l’agriculture et de souveraineté alimentaire ».

Elle a aussi demandé le respect d’autres principes comme l’information du consommateur, la traçabilité, l’étiquetage ainsi que l’évaluation des impacts potentiels sanitaires, environnementaux et socio-économiques, la capacité de continuer à innover en matière de sélection variétale, ou encore la compétitivité des entreprises.

La ministre a rappelé, en conclusion, que la nécessité même de changer le cadre réglementaire était encore en débat. Évoquant l’analyse à venir que doit produire la Commission européenne et les principes qu’elle venait de lister, elle a en effet indiqué que « c’est à l’aune de ces éléments que devront être évalués le contenu et la nécessité d’un éventuel nouveau cadre européen spécifique pour ces techniques ».

D’après les ministres de l’Environnement réunis ce 20 décembre dernier, la proposition législative que la Commission européenne pourrait faire serait un règlement. Il reste à savoir si ce règlement sera mis sous l’égide de la directive 2001/18 ou non. Pour l’instant, le calendrier envisagé n’a, de son côté, pas changé. L’analyse d’impact attendue de la Commission européenne devrait être soumise à consultation en 2022 pour une éventuelle proposition législative sur la table de discussion des États membres et du Parlement au printemps 2023.

Résumé de la position de certains ministres de l’Environnement
Allemagne L’Allemagne se félicite de l’initiative de la Commission pour réguler certaines techniques génomiques chez les végétaux. Elle se félicite également que la Commission envisage une méthode européenne commune pour l’utilisation de ces techniques. Le traité de coalition allemand attache une grande importance à cette question. Pour la protection de la Nature et de l’environnement, les effets possibles de ces techniques, leurs potentiels impacts doivent être analysés sur une base scientifique, dans une perspective de durabilité. L’analyse scientifique doit prévaloir.

Pour la protection de l’environnement, le principe de précaution doit aussi s’appliquer pour les autorisations de mise sur le marché en pensant au lien avec la santé humaine et l’environnement. Il faut intégrer les risques en la matière et les risques que la recherche a identifié, la liberté de choix des consommateurs et la coexistence de diverses formes d’agricultures qu’il faut continuer à garantir. Nous ne devons pas renoncer à la transformation vers une nouvelle agriculture qui soit résiliente, une nouvelle forme de croissance. L’Allemagne a prévu de porter à 30% les surfaces en agriculture biologique.
Autriche Sur base du document de la Commission européenne de septembre 2021, un certain nombre de conditions doivent être remplies.

Celle de la sécurité des personnes et celle de l’environnement. Il faut la garantir via une analyse de risques qui doit tout peser. Or, peu d’expérience avec ces nouvelles techniques. Le Principe de précaution doit donc s’appliquer.

L’analyse de durabilité qui est annoncée doit être transparente avec des critères scientifiques, mais pas seulement sur les aspects économiques. Les aspects sociaux et environnementaux doivent être intégrés. Le processus en cours pour façonner les systèmes d’environnement de vie durable doivent être analysés.

Sur la liberté de choix des consommateurs qu’il faut garantir, nous avons besoin d’un système transparent de traçabilité pour marquer les produits.

Il n’est pas encore clair de savoir comment analyses de risques et de durabilité peuvent être intégrées. Nous devons donc en discuter de manière transparente avec les experts, le Conseil et le Parlement.
Belgique Nous soutenons l’importance de la Science et de l’approche scientifique sur ce sujet. Nous insistons sur la transparence sur la question des nouvelles techniques génomiques.
Bulgarie Les nouvelles techniques génomiques doivent faire l’objet d’une analyse de risques afin de voir si elles ont une interaction avec les espèces, les écosystèmes et la nature au sens large. Il est essentiel de maintenir la transparence là où on a déjà des OGM. Les autorités, agriculteurs et consommateurs doivent pouvoir maintenir leurs droits de prendre des décisions en connaissance de cause. Le principe de précaution est déjà bien ancré dans la législation environnementale européenne. Il ne faut pas l’affaiblir. Il apparaît que cette réglementation sur les nouvelles techniques génomiques doit inclure les nouvelles générations d’OGM. Les contrôles de sécurité sur ces nouveaux OGM sont essentiels pour éviter de nuire à la nature. Nous avons donc besoin d’une analyse d’impact sur ces nouveaux OGM. 

Nous demandons à la Commission de fournir plus d’informations sur les critères et la méthodologie de l’analyse de durabilité annoncée.
Chypre La Commission devra intégrer le principe de précaution vu le caractère innovant de ces techniques. Nous avons besoin d’une analyse spécifique quant aux risques environnementaux et sanitaires. La Commission devrait investir dans l’analyse des répercussions de ces techniques.
Croatie L’initiative de la Commission sur ces nouvelles techniques est la bonne. Il faut avancer avec précaution sur la base du fameux principe de précaution. Les études de durabilité doivent être publiées sur une approche scientifique. Nous espérons une approche globale de la Commission avec le Conseil, le Parlement et d’autres parties prenantes.
Danemark Le Danemark se félicite de l’initiative de la Commission. L’étude initiée en avril a montré qu’il y a de fortes indications que le règlement actuel ne corresponde plus aux besoins actuels. Il faut donc adapter ce règlement. Le règlement à venir devrait garantir la sécurité des humains, de l’environnement, des animaux, tout en tirant les pleins bénéfices des nouvelles techniques. L’analyse des risques devrait intégrer tous les risques, sans créer des obstacles juridiques non nécessaires permettant de garantir la pérennité.
Estonie Le recours à ces techniques génomiques est un outil essentiel pour atteindre les objectifs du pacte vert et la stratégie de la ferme à la table. Pour l’analyse des risques, les discussions doivent s’appuyer sur la meilleure connaissance scientifique disponible. Ces discussions au cas par cas devront clarifier le fait de savoir si l’analyse de risques doit être la même que l’analyse actuelle. L’Estonie souhaite plus d’informations sur les intentions de la Commission : comment envisage-t-elle de réaliser l’analyse de durabilité ? Comment sera fait le lien avec le résultat de l’analyse de risques ?
Hongrie Le sujet est très sensible. Il faut assurer une protection maximale pour les êtres humains et l’environnement. Nous devons mettre en avant le principe de précaution avec, donc, une analyse d’impacts sur les conséquences potentielles. Nous regrettons que l’analyse d’impacts récente de la Commission mette l’accent sur les avantages de ces produits, qui n’ont pas encore été totalement démontrés. L’étude ne met pas non plus suffisamment l’accent sur un étiquetage adéquat. Les citoyens doivent pourtant disposer de toutes les infos utiles pour faire un choix en connaissance de cause.
Luxembourg Le Luxembourg souscrit au principe de précaution invoqué par l’Autriche.

Il faut une analyse de risques inclusive et complète, comme c’est le cas pour les OGM. C’est essentiel pour protéger les personnes et l’environnement.

Pour l’analyse de durabilité, elle doit tenir compte d’éléments scientifiques.

Pour la transparence et la traçabilité, elles doivent garantir la liberté de choix des consommateurs.
Pays-Bas Les Pays-Bas se félicitent de l’initiative de la Commission. La réglementation actuelle doit être adaptée puisqu’elle n’est plus à la hauteur. Ces nouvelles techniques peuvent jouer un rôle important pour atteindre nos objectifs du pacte vert. Une législation de ce type est donc absolument essentielle dans le respect de la santé humaine et animale. Un étiquetage adéquat et une consultation sont également nécessaires.
Rép. tchèque La République tchèque se félicite de l’initiative de la Commission qui devrait permettre d’adapter la législation aux progrès techniques et scientifiques tout en maintenant les normes de sécurité très élevées qui sont les nôtres aujourd’hui.
Roumanie Concernant les plantes obtenues par ces nouvelles techniques, trois actions sont essentielles.

Il faut mieux connaître l’impact sur la santé humaine, les animaux, l’environnement et le principe de précaution doit être appliqué dans le contexte d’une analyse bénéfices / risques.

L’analyse de risque est la base de la décision.

Il faut garantir la traçabilité et permettre la transparence de l’information.

Pour les objectifs du pacte vert, la stratégie de la ferme à la table, il faut une approche de précaution qui n’exclut pas le développement de techniques et des solutions innovantes.
Slovaquie La Slovaquie souhaite pouvoir compter sur ces nouvelles technologies et appuie les demandes de la délégation autrichienne, qui s’alignent sur le principe de précaution qu’il convient d’approuver.
Commission européenne En novembre 2021, la COP26 a reciblé les efforts internationaux sur la prévention des catastrophes climatiques et le rétablissement du bon équilibre de notre planète. Ces systèmes-là peuvent être essentiels pour soutenir nos efforts et nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour que cela soit possible. Les nouvelles techniques génomiques sont un des outils qui peuvent nous aider à garantir notre pérennité dans le cadre du pacte vert, notre stratégie biodiversité, et notre stratégie de la ferme à la table.

Combinés avec d’autres outils, les végétaux obtenus par ces nouvelles techniques peuvent contribuer à un système agro-alimentaire plus résilient en résistant aux nuisibles, aux impacts du changement climatique, en demandant moins de ressources naturelles, moins de produits chimiques, et en apportant un contenu nutritif meilleur et moins de substances nocives.

Nous avons cette responsabilité de créer des produits qui apportent une pérennité à l’Union. Mais la durabilité ne doit pas se faire au détriment de la sécurité. Nous devons maintenir nos normes actuelles de santé, de sécurité, protéger l’environnement. Nos actions politiques s’appuient sur la meilleure connaissance scientifique, avec une approche proportionnée, une analyse de risques à partir d’une série de résultats. Voilà qui est compatible avec le principe de précaution. L’UE a financé la recherche sur divers aspects des nouvelles techniques génomiques, notamment la détection, la biosécurité et, récemment, au titre du programme Horizon Europe. Nous avons également écouté l’opinion publique avec la consultation sur la feuille de route, qui a déclenché toute une série de réponses, certaines demandant peu ou pas de changement à la législation, d’autres demandant quelque chose de nouveau. Cela a montré une grande variété des avis qui existent sur des questions essentielles que sont la sécurité, l’analyse de risque, la pérennité, la traçabilité, l’étiquetage. Des avis sur des impacts, positifs ou négatifs, ont également été exprimés. Ces réponses nourriront l’analyse d’impact de la Commission de l’année prochaine (NDLR : 2022) qui nous permettra d’analyser les diverses alternatives et leurs impacts possibles. Selon les résultats de l’analyse, la proposition législative pourrait être prête pour une adoption au printemps 2023.
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