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OGM – La mission d’évaluation éclatée et à l’écart des citoyens

Par Charlotte KRINKE

Publié le 07/01/2022

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Depuis le 1er janvier 2022, la mission d’évaluation des risques OGM a cessé d’être exercée par le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) et a été transférée à quatre instances différentes. Il en résulte une évaluation éclatée… et en grande partie à l’abri du regard de la société civile.

À la suite de la consultation publique organisée à l’été 2021 [1], l’ordonnance visant à simplifier l’utilisation d’OGM en milieu confiné et à transférer les prérogatives du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) à différentes instances a été adoptée le 13 octobre 2021 [2]. Cette ordonnance annonce la fin du HCB [3], précédemment en charge de l’évaluation des OGM. En plus de douze ans, cette instance, dont l’existence n’a pas été de tout repos ni à l’abri de critiques [4] a rendu de nombreux avis sur les dossiers qui lui ont été confiés, que ce soit sur les dossiers de demande d’agrément pour l’utilisation confinée d’OGM, ou sur les dossiers de demande d’autorisation de dissémination volontaire d’OGM. Elle a également rendu une vingtaine d’avis de portée générale sur les nouvelles techniques et les utilisations de moustiques transgéniques.

En mettant fin au HCB, l’ordonnance du 13 octobre 2021 ignore les commentaires majoritairement critiques émis lors de la consultation publique concernant la disparition de cette instance au profit d’une dispersion des compétences et de la mise à l’écart des parties prenantes. Le 30 décembre 2021, un décret est toutefois venu organiser le transfert des missions d’évaluation des risques des OGM du HCB vers les quatre structures déjà mentionnées dans le projet d’ordonnance [5].

Depuis le 1er janvier 2022, la mission de l’évaluation des OGM se trouve ainsi séparée selon la nature de l’utilisation visée : les utilisations en milieu ouvert et les utilisations en milieu confiné.

Évaluation en milieu ouvert : une multitude d’instances pour une participation très relative de la société civile

Pour les disséminations d’OGM dans l’environnement, trois instances interviennent désormais : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et le Conseil économique, social et environnemental (Cese). L’Anses évaluera les risques environnementaux et sanitaires des demandes de disséminations volontaires d’OGM. Mais son évaluation ne comportera pas obligatoirement d’analyse des impacts socio-économiques, à la différence de ce que faisait le HCB [6].

Une forme de participation de la société civile est prévue mais elle n’est en rien comparable à celle qui existait dans le cadre du Comité économique, éthique et social (CEES) du HCB. Au sein de l’Anses sera ainsi mis en place en 2022 « un comité de dialogue dédié aux biotechnologies en complément de ses instances existantes. Il aura pour rôle d’éclairer et d’échanger avec les parties prenantes sur les méthodes et travaux scientifiques de l’Anses » [7]. En dehors de l’Anses, la société civile pourra être impliquée à travers les travaux du CCNE et du Cese. Ces instances, souvent présentées comme des « traits d’union » entre les pouvoirs publics et les citoyens, pourront, certes, traiter de leur propre initiative des questions générales relatives aux implications sociales et éthiques des biotechnologies. Mais elles n’interviendront pas systématiquement sur chaque demande d’autorisation d’utilisation disséminée, contrairement à ce que faisait le CEES du HCB. La participation de la société civile est donc toute relative et, comme la mission d’évaluation des OGM, éparpillée entre différentes instances. Sa voix en sera d’autant moins audible…

L’évaluation des utilisations confinées placée au plus près du ministère de la Recherche

Quant aux utilisations confinées d’OGM, leur évaluation est confiée au Comité d’expertise des utilisations confinées d’organismes génétiquement modifiés, nouvellement créé et placé auprès du ministère de la Recherche. Le décret du 30 décembre 2021 précise que ce comité sera composé de au maximum 15 membres et présidé par l’un de ses membres. Ces derniers sont nommés par le ministre de la Recherche pour cinq ans, et leur postes sont renouvelables une fois (à ce jour, les arrêtés de nomination n’ont pas encore été adoptés).

Le Comité n’émettra pas systématiquement un avis sur les demandes d’utilisation confinée. Sa saisine par le ministre de la Recherche n’est en effet obligatoire que pour les demandes relevant du régime de l’autorisation [8]. Le Comité peut également s’auto-saisir pour réaliser des études, des consultations, des recommandations… Le ministre de la Recherche n’est pas tenu de suivre les avis du Comité, sauf dans le cas où la demande porte sur une utilisation confinée d’OGM présentant un risque faible à élevé dans le cadre d’une recherche impliquant la personne humaine.

[6Le programme de travail de l’Anses pour 2022 nous apprend que, pour mettre en œuvre ses nouvelles missions, l’Agence a « lancé dès l’été 2021 des appels à candidature pour renforcer les collectifs d’experts indépendants qui réalisent les évaluations scientifiques. Pour l’analyse socio-économique des OGM, l’Anses va s’appuyer sur le comité d’experts spécialisé recruté à l’automne 2021 ».

[7De tels comités existent déjà au sein de l’Anses, notamment sur le sujet des nanotechnologies. Ils sont composés de représentants d’associations, d’entreprises ainsi que de syndicats de salariés.

[8Cela vise le cas des premières utilisations confinées d’OGM (sauf lorsque cette première utilisation présente un risque nul ou négligeable, soumise à déclaration) et le cas des utilisations de risque modéré ou élevé dans une installation agréée pour ces catégories de risque. Pour les utilisations confinées d’OGM dans le cadre d’une recherche impliquant la personne humaine, la saisine du comité est facultative pour les utilisations présentant un risque nul ou négligeable (régime de la déclaration). Elle est obligatoire pour les utilisations de risque faible à élevé (régime de l’autorisation).

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