Actualités

OGM non transgéniques – L’industrie allemande sans OGM veut le rester

Par Charlotte KRINKE

Publié le 16/12/2021

Partager

L’industrie allemande « sans OGM » s’oppose à la déréglementation des OGM non transgéniques. Une position qu’elle souhaite voir portée par la nouvelle coalition gouvernementale au pouvoir afin de peser sur la Commission européenne, à l’heure où celle-ci réfléchit à une proposition législative excluant les OGM non transgéniques de la réglementation applicable aux OGM. 

Dans une lettre du 26 novembre 2021, adressée à des associations de l’agriculture biologique, de protection de l’environnement et de l’industrie « sans OGM », la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, affirme que toutes les options sont sur la table pour sa future action législative en matière d’OGM non transgéniques, y compris le maintien du statu quo [1]. Pour l’industrie alimentaire allemande « sans OGM », cette réponse n’est pas satisfaisante. Elle souhaite que la déréglementation des OGM non transgéniques soit expressément exclue par la Commission européenne et estime que le nouveau gouvernement de coalition doit en convaincre l’exécutif européen.

Un contexte politique national favorable ?

L’industrie alimentaire « sans OGM » allemande compte tirer profit du nouveau contexte politique national. Après seize années à la chancellerie, Angela Merkel (CDU) laisse en effet la place à une coalition formée entre les sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90 / Die Grünen) et les libéraux (FDP). Dans ce nouveau gouvernement, qui a pris ses fonctions le 8 décembre, les Verts ont obtenu des postes clés, parmi lesquels : le ministère de l’Environnement, le ministère de l’Alimentation et de l’agriculture et le ministère de l’Économie, de la protection du climat, de la transformation numérique et de la transition énergétique [2].

Certes, les trois partis de coalition ne partagent pas la même position à l’égard des OGM. D’ailleurs, dans le contrat de coalition, ni les OGM ni les techniques de modification génétique ne sont explicitement cités [3]. Néanmoins, dans ce texte, les trois partis affirment vouloir « soutenir la sélection de variétés de plantes résistantes aux conditions climatiques […] et à cet effet établir la transparence des méthodes de sélection et renforcer la recherche sur les risques et les méthodes de détection ». Or, cette transparence supposerait que les OGM non transgéniques ne soient pas déréglementés.

Déréglementation rime avec contamination

Pour l’industrie alimentaire « sans OGM », la question de la déréglementation des OGM non transgéniques est un enjeu de taille. En Allemagne, près de 14 000 aliments portent le label « sans OGM » et, pour les produits laitiers, le « sans OGM » est la règle plutôt que l’exception. Représentée par l’association Verband Lebensmittel ohne Gentechnik e.V. (VLOG) [4], cette industrie met en avant l’essor que connaissent les aliments « sans OGM », y compris dans l’agriculture conventionnelle. Elle craint que la production « sans OGM » ne soit sérieusement menacée si des plantes issues des nouvelles techniques de modification génétique étaient mises sur le marché sans évaluation des risques et sans étiquetage. « Les produits conventionnels et biologiques sans OGM ne seront pas à l’abri d’une contamination. Une perte de confiance des consommateurs et des pertes économiques massives en seront la conséquence », met en garde le Président de VLOG, Alexander Hissting [5]. Il estime que le nouveau gouvernement fédéral peut et doit contribuer de manière décisive, en tant que voix de poids au sein de l’UE, à convaincre la Commission européenne d’écarter l’option de la déréglementation.

La réglementation OGM doit s’appliquer aussi aux OGM non transgéniques

Le maintien des OGM non transgéniques sous la réglementation actuelle est défendue plus largement par l’industrie alimentaire « sans OGM » européenne, représentée par l’Association européenne de l’industrie sans OGM (ENGA pour European Non-GMO industry Association). En octobre 2021, un grand nombre de distributeurs membres de ENGA (Aldi, Lidl, Penny, Picard, Rewe, Metro, Spar, Alnatura, Dennree…) ont signé une résolution commune dans laquelle ils affirmaient que, « à travers toute l’Europe, des études montrent que chez une majorité substantielle de consommateurs il n’y a aucune demande pour des OGM dans l’alimentation – ni dans les plantes et les légumes, ni dans les produits d’origine animale comme le lait, la viande, les œufs ou tout autre produit » [6]. Ces distributeurs demandaient que les OGM non transgéniques soient soumis à la réglementation applicable aux OGM, laquelle est fondée sur le principe de précaution et prévoit une évaluation des risques préalable à la mise sur le marché, une traçabilité et un étiquetage des produits [7].

L’enjeu de la responsabilité juridique

La transparence est un enjeu vis-à-vis des consommateurs, à travers l’étiquetage, mais elle l’est également pour les distributeurs eux-mêmes, en termes de responsabilité juridique. Lors de la conférence en ligne organisée par la Commission européenne le 29 novembre dernier, la secrétaire générale de ENGA, Heike Moldenhauer, ne disait pas autre chose lorsqu’elle affirmait que « le secteur alimentaire est juridiquement responsable de la sécurité de ses produits et de la transparence ». La législation alimentaire pose en effet le principe d’une responsabilité juridique première de l’opérateur économique de la sécurité des produits [8]. En clair, les distributeurs membres de ENGA craignent de devoir payer de leur responsabilité juridique une décision politique – si celle-ci va dans le sens d’une déréglementation des OGM non transgéniques.

[4VLOG compte parmi ses membres des agriculteurs, des transformateurs, des distributeurs, des producteurs, des entreprises commerciales, ainsi que des conseillers, des associations et des particuliers.

[7ENGA Retailers’ resolution, European Retailers Take a Strong Stand Against Deregulating New GMOs, Octobre 2021 https://www.ohnegentechnik.org/fileadmin/user_upload/10_download_center/VLOG_Stellungnahmen/Retailers_Resolution_Against_Deregulation_New_GMOs_Added_Signatories_03_11102021.pdf

[8Considérant 30 et article 17 alinéa 1 du Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

Actualités
Faq
A lire également