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OGM : deux organisations françaises contre la Commission européenne

Par Christophe NOISETTE

Publié le 26/10/2021

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Le 25 octobre, la Commission PETI (Commission des pétitions) du Parlement européen a décidé de laisser « ouverte » la pétition initiée par la Confédération paysanne et la FNAB (Fédération nationale d’agriculture biologique). Ces deux organisations dénoncent en effet le refus du gouvernement français d’appliquer l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et la réglementation européenne sur les OGM. La Commission européenne, elle, a défendu le gouvernement français. Le gouvernement français devra donc prochainement s’exprimer sur cette question.

En décembre 2020, la Confédération paysanne et la FNAB déposaient une pétition [1] auprès de la Commission des pétitions du Parlement européen [2] contre le refus du gouvernement français d’appliquer la décision de la CJUE du 25 juillet 2018. Les pétitionnaires dénoncent l’absence de mise en œuvre par le gouvernement français de cet arrêt qui déclarait que  » les organismes issus de techniques de mutagénèse apparues ou principalement développées après 2001 ne peuvent être exemptés de l’application de la réglementation OGM « . Le cas concret du colza Clearfield, modifié par mutagénèse aléatoire sur cellules multipliées in vitro, cultivé en France sans avoir été soumis à la réglementation européenne sur les OGM, est mis en avant par les pétitionnaires comme une culture illégale.

Ce lundi 25 octobre 2021, cette pétition a été examinée par la Commission PETI du Parlement européen [3]. Lors de cette audition, la Commission européenne a été désapprouvée par les parlementaires. Aucun des intervenants n’est intervenu pour défendre clairement le gouvernement français ou la Commission européenne.

Dans sa réponse à la présentation de la pétition par Guy Kastler, qui représentait les pétitionnaires, la Commission européenne a affirmé que le gouvernement français n’était pas dans l’illégalité. Le colza Clearfield, génétiquement modifié par mutagénèse aléatoire in vitro pour tolérer des herbicides, serait cultivé légalement en France selon l’exécutif européen. Pour ce faire, la Commission européenne utilise deux arguments : d’une part, il n’y aurait pas de différence sur le plan scientifique entre « in vivo » et « in vitro » et, d’autre part, les techniques de mutagénèse in vitro et in vivo [4] auraient été utilisées depuis les années 70 / 80 (sans pour autant apporter d’éléments à charge de cette affirmation). Pour la Commission, ces deux arguments justifieraient que la mutagénèse aléatoire in vitro soit considérée non pas comme une nouvelle technique, mais comme une technique traditionnelle exemptée du champ d’application de la directive 2001/18 puisque bénéficiant d’un « long historique de sécurité ». Elle estime surtout que cette approche respecte la décision de la CJUE.

Guy Kastler, dans sa réponse à la Commission au cours de l’audition, a dénoncé un discours erroné. Il précise que  » les premiers OGM obtenus par une technique de mutagenèse in vitro ont commencé à être développés aux mêmes dates que les premières plantes transgéniques et n’ont été principalement développés qu’après 2001, tout comme les OGM transgéniques. Le développement de ces deux techniques dépendait en effet d’une même technique connexe dont la maîtrise n’a été acquise que peu avant 2001. Cette troisième technique est la régénération de cellules végétales multipliées in vitro en de nouvelles plantes stables. Elle produit elle aussi des OGM au sens de la directive « . Pour lui, l’arrêt de la CJUE comme l’intention du législateur ne sont respectés ni sur le fond, ni sur la forme. Par ailleurs, la Commission européenne s’est trompée en affirmant que la CJUE aurait déclaré comme étant des OGM réglementés les produits obtenus par des techniques apparues après 2001. La CJUE avait ajouté les techniques « principalement développées après 2001 ». Ce qui change fondamentalement la teneur de l’arrêt.

Les eurodéputés en soutien des pétitionnaires

Sur les quatre groupes parlementaires qui se sont exprimés, trois (écologistes, la Gauche unitaire et les socialistes) ont soutenu la pétition. Le PPE (Parti populaire européen) a, lui, expliqué vouloir clore l’examen de cette pétition par le Parlement puisque la différence d’interprétation de l’arrêt de la CJUE opposant Commission européenne et pétitionnaires ne pouvait être résolu que par la CJUE elle-même.

Les arguments mis en avant par les eurodéputés qui ont plaidé de garder la pétition ouverte étaient nombreux : obligation pour la Commission et le gouvernement français de respecter une décision de justice européenne, droit des citoyens de choisir de consommer avec ou sans OGM, principe de précaution à respecter, protection de la biodiversité sauvage et domestique… Alors que la tendance du gouvernement français « à couvrir les activités illégales des semenciers » était dénoncée par certains, d’autres ont également pointé du doigt l’initiative prise par la Commission de déréglementer les nouveaux OGM.

Finalement, la Commission PETI a donc rejeté l’avis de la Commission européenne et du PPE de fermer cette pétition et a décidé de la maintenir ouverte et de « poursuivre son examen« . Elle a par ailleurs décidé d’adresser au gouvernement français un courrier de demande d’explications sur les possibles violations de la directive 2001/18. Enfin, elle a enjoint la Commission européenne de lui communiquer la réponse de la France à son avis circonstancié sur le décret et les arrêtés proposés par la France suite à l’injonction du Conseil d’État (procédure TRIS). Une réponse qui, selon Guy Kastler, interrogé par Inf’OGM, n’a jamais été produite par le gouvernement dans le cadre de cette procédure qu’il a engagée de manière juridiquement inappropriée « dans le seul but de faire durer le dossier sans prendre la moindre décision ». Le représentant de la Confédération paysanne rappelle que le gouvernement est néanmoins « obligé de répondre avant le 9 novembre 2020 aux avis circonstanciés de la Commission européenne. Ne pas répondre est un moyen supplémentaire de faire durer la procédure sans appliquer la loi ».

Ainsi, la Confédération paysanne et la FNAB rappellent que  » le gouvernement français et la Commission européenne souhaitent exclure ces OGM du champ d’application de la directive. Mais un souhait n’est pas une nouvelle législation. L’étude publiée le 29 avril dernier par la Commission européenne indique en effet clairement que ces OGM sont toujours soumis à la législation de l’UE. Rien ne devrait donc empêcher l’exécution des injonctions du Conseil d’État français qui ne font que mettre en application ce qu’a clairement exprimé la CJUE « .

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