n°165 - octobre / décembre 2021

OGM, la transparence de l’information au cœur des négociations

Par Eric MEUNIER

Publié le 30/12/2021

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Pour conserver leur droit à l’information sur les OGM, les citoyens européens vont devoir à nouveau se faire entendre, notamment par la Commission européenne. Depuis fin avril 2021, cette dernière a en effet annoncé son intention d’exempter les OGM « sans ajout de gène étranger  » des requis de la Directive 2001/18. Exit l’évaluation des nouveaux OGM ? Exit également leur étiquetage ? Un bras de fer s’engage donc sur le terrain de la transparence notamment…

Depuis l’adoption de la directive 2001/18, toute commercialisation d’OGM nécessite une analyse des risques liée à son utilisation, une autorisation délivrée par l’Union européenne, un étiquetage et un suivi post-commercialisation ou dissémination dans l’environnement en cas de culture. Quelle que soit la nature de la modification génétique, si la technique utilisée n’a pas d’historique d’utilisation sans risque, les OGM obtenus doivent être soumis à ces requis. Mais le débat sur les nouveaux OGM remet aujourd’hui en question cette directive, épilogue d’une tendance suivie par la Commission européenne depuis plusieurs années.

Une mise en œuvre fragilisée

Alors même que le cadre réglementaire établi par la directive 2001/18 lors de son adoption en 2001 est décrit comme le plus strict au monde, sa mise en œuvre par la Commission européenne fut l’objet d’allègements continus [1] et même d’une erreur d’interprétation majeure. Après des discussions informelles initiées dès 2008 entre la Commission européenne, les experts européens et les entreprises, des allègements administratifs furent légalisés en 2013 et élargis en 2018. Aujourd’hui, un dossier de demande d’autorisation peut couvrir plusieurs OGM et non un seul. La fourniture d’analyses scientifiques permettant l’évaluation des risques peut connaître des exemptions et les produits fabriqués « à l’aide » de micro-organismes GM échappent à l’étiquetage…

Des colzas ou tournesols modifiés génétiquement pour tolérer des herbicides ont également échappé à cet encadrement réglementaire car la Commission, et certains États membres, les considéraient comme exemptés. Les industriels n’ont fait aucun effort pour déclarer certains OGM et les services des États n’ont pas été tâtillons. Cette approche, dénoncée par des organisations de la société civile française, a amené en 2018 la Cour de Justice de l’Union européenne à rappeler la lecture correcte à avoir de la directive. Mais depuis, rien n’a été fait par la Commission pour la mettre en œuvre. Parmi les exemples d’inaction, on retiendra son refus tacite à tout travail de ses experts sur la question de la détection et traçabilité des nouveaux OGM, requis pourtant obligatoire pour mettre en œuvre la législation. Seul un rapport fut commandé par la Commission en octobre 2018, à la rédaction duquel elle a elle-même fortement participé [2]

La Commission européenne a un plan

En avril 2021, la Commission a fini par présenter aux États membres son intention d’engager une action politique qui viserait à exempter de l’application de la Directive 2001/18 les OGM « sans ajout de gène étranger ». Une action qui vise à obtenir des États membres une légalisation des pratiques passées de la Commission. Cette action politique visera « les plantes issues de la mutagénèse dirigée et de la cisgenèse », étant précisé que les autres organismes « resteront, à ce stade, soumis au cadre juridique actuel des OGM ». Mais les États membres sont divisés sur ce projet [3]. Ainsi, plusieurs ont rappelé leur volonté de développer l’agriculture biologique dans le cadre du Pacte vert européen, sous-entendant l’incompatibilité de cette agriculture avec des OGM non déclarés comme tels ; ils ont surtout affirmé l’obligation d’informer les citoyens de tout ce qu’ils consomment.

Cette question de l’information des citoyens est en effet cruciale dans le dossier des nouveaux OGM. La future analyse d’impact que la Commission souhaite publier à l’automne 2021 précisera ses intentions. Car l’étiquetage OGM pourrait éventuellement disparaître pour les OGM sans ajout de gène étranger selon le plan européen qui sera discuté. Les citoyens pourraient ainsi perdre le seul outil, même imparfait, les renseignant sur la nature OGM des produits consommés : l’étiquetage. Sauf bien sûr à ce que la société civile se mobilise à nouveau et pousse les États membres à ne pas renoncer à cette transparence de l’information.

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